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Mss. Var. 13

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Brève description d’un tour en France en passant par la Hollande, commençant à Brunswick

Depuis Brunswick, le premier relais de poste où l’on s’arrête souvent après le petit bourg de Peine est celui de Hildesheim, qui se trouve à 3 lieues ou 6 heures de Brunswick; on y mange bien.

De là, le prochain relais est à 4 lieues ou 8 heures, c’est Hanovre, une belle ville de résidence du prince-électeur : la ville nouvelle est y remarquablement aménagée, mais tout est en bois. Une grande fontaine se dresse sur la place, elle représente une montagne surmontée du chevalNote: Il s’agit de l’animal héraldique de la maison Lunebourg. de Lunebourg; les 9 Muses sont réparties autour ; la montagne est percée de 4 grottes où s’élèvent quatre statues sur des montures qui crachent autant de jets d’eau. Le bassin est de grande taille et entouré d’une balustrade avec des socles intercalés sur lesquels se dressent non moins de 24 statues le plus souvent grandeur nature, dont le dessin n’est pas réussi ; toutes sont sculptées dans du bon grès.

À côté de l’église qui jouxte cette place, on a construit une nouvelle tour, mais des pierres sont déjà tombées. L’architecte n’est qu’un architecte sur le papier, un simple amateur (empiricus)Note: Sont fustigés, ceux qui n’ont pas de formation dans la théorie de l’architecture, les amateurs qui se fient uniquement à la pratique., un beau-parleur qui se croit capable de tout. C’est également lui qui a bâti un grand pont de pierre de cinq arches sur la Leine. Ce pont est très surélevé dans sa partie centrale, alors que c’est inutile, puisque les bateaux n’ont pas le droit de passer dessous.

L’église du château est bien proportionnée et joliment peinte. Cependant, sous les voûtes d’arêtes, les parties du plafond qui représentent des balustrade en perspective altèrent fort la beauté de cette voûte. En outre, la chaire est placée dans l’angle, d’une manière inusitée. Le château a de belles pièces, et il est assez vaste, avec trois cours. L’opéra, construit dans l’une d’entre elles, est très beau ; il est couvert de très belles dorures, et possède de belles machines et des loges proprement meublées.

À une demi-heure de la ville, à Herrenhausen, est construite la maison de plaisance de la duchesse, qui est veuve ; ce sont de vieux bâtiments d’ordonnance simple en mauvais état, sauf l’orangerie nouvellement construite qui se présente comme une grande salle entre deux pavillons de petites pièces ; le toit est à la Mansarde, avec une bonne charpente subdivisée en compartiments. La disposition extérieure est admirable, mais à l’intérieur, différentes fautes sont à déplorer : ainsi, dans les deux pavillons, les escaliers sont si étroits qu’une personne corpulente peut à peine les emprunter. La grande salle possède un plafond à arcs surbaissés, dépourvu de caissons ; on peut y voir, organisées dans un désordre charmant, un grand nombre de petites figures qui ne seraient guère à leur place dans une église et le sont moins encore dans une orangerie ; de plus, tout est peint en noir et doré. La pièce comprend 5 cheminées qui doivent occasionner beaucoup de frais même si on y a installé des poêles ; les plantes ne doivent pas bien s’y porter. L’espace ou le sol en sont entièrement couverts, et je n’ai pas vu d’évacuation pour l’eau d’arrosage

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en hiver. Le jardin est assez beau ; le « théâtre » surtout, ainsi qu’on l’appelle, est très plaisant, il est orné de belles statues dorées. Les fontaines en rocaille, à côté de l’entrée du jardin, sont pour la plupart endommagées, mais cet agencement est assez réussi. Désormais, le duc fait aménager là un beau parc.

Le jardin du comte von Platen est grand et son ordonnance est assez bonne ; à côté s’élèvent de petites maisonnettes ou plutôt casernes pour le logement des nécessiteux ; la maison de plaisance est au milieu du jardin, elle vient d’être construite. Je ne suis pas parvenu à comprendre où seront placés les coupe-feu ni comment ils pourront être compatibles avec le plan des appartements. Le bâtiment comprend un demi-sous-sol en pierre surmonté de deux étages en bois. Les arbres taillés sont propres et beaux, et l’allée principale de la maison possède une belle perspective qu’on envisage de prolonger bien au-delà du jardin, jusqu’à la route de Cassel. Dans ce jardin, on trouve en abondance des treillages de lattes tressées et, à côté, un treuil à tambour permettant à des bœufs ou des ânes de pomper l’eau destinée au jardin et de la faire monter jusqu’en haut de celui-ci.

Depuis Hanovre, le troisième relais de poste établi dans le village de Hagenburg est à 5 lieues de Leese ; ensuite, on prend un bac pour traverser la Weser, le relais de poste suivant est alors à 3 lieues, à Diepenau ; il faut encore 3 lieues et demie pour arriver à Bohmte et, enfin, encore 2 bonnes lieues et demie pour atteindre Osnabrück. Cette ville est assez grande et vieillotte mais passablement bien construite – pressé par la malle-poste, je n’ai rien pu observer et des habitants de la ville m’ont assuré qu’il n’y avait pas grand-chose à voir.

Depuis Osnabrück, la septième poste parcourt 3 lieues jusqu’à Ibbenbüren et la huitième, de là, 2 lieues et demi jusqu’à Rheine. C’est un petit bourg aux constructions simples qui appartient à l’évêque de Münster; il s’étend le long de l’Ems, sur lequel a été construit un nouveau pont de bonne facture dont la forme est la suivante :

[[Vue d’un pont à Rheine]]

Chaque arche est longue de 21 pieds. Lorsqu’on a traversé le pont, on peut lire cette inscription à la porte de la ville :

QVIConIVrata laCVIt pons LasVs ab VnDa
PraDaqVe CoLLapso fornICe CessIt, aqVae,
CeLsIor aVspICIo frIDerICI principis alto
Aspurgens querulas ventici videt aquas.

La neuvième poste parcourt 3 lieues de Rheine à Bentheim, où l’on peut voir un château construit sur la falaise, fortifié à l’ancienne manière, avec un assez beau jardin.

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La 10e poste met 7 heures jusqu’à Delden : c’est là que l’on commence vraiment à vivre à la hollandaise. La 11e poste fait le voyage de Delden à Deventer en 8 heures. Cette belle ville assez grande, entièrement composée de maisons de pierre à la manière hollandaise, est bordée par l’Issel, un fleuve au trafic important ; après Ter-GaudeNote: Knesebeck écrit « Ter-Gaude »., il se jette dans la Meuse et coule avec elle jusqu’à Dordrecht. Deventer est une ville fortifiée à la façon hollandaise avec des terre-pleins, des flancs simples perpendiculaires et une fausse-braye étroite ; à l’intérieur, elle possède encore une enceinte composée d’un mur et d’un fossé bâti ; elle est entourée d’une grande plaine qui est essentiellement une lande de tourbe. D’après ce que j’ai pu observer en hâte au passage, cette ville contient peu de bâtiments construits à la bonne manière moderne. Cependant, la façade de l’hôtel de ville était d’une ordonnance tout à fait plaisante, elle était bâtie dans un grès taillé de bonne qualité. Voici un croquis de la moitié de cette façade :

[[Vue de la façade sur rue de l’hôtel de ville à Deventer]]

L’ordre dorique est ici tout à fait correctNote: Le terme « correct » (correct dans l’original allemand) revient constamment ; on comprend assez rapidement que Knesebeck l’entend dans le sens normatif de « juste dans ses proportions » et « respectueux des règles en vigueur ». : le pilastre et la colonne sont séparés par un intervalle de 4 modules, les colonnes sont distantes de 14 modules, et elles se trouvent à une distance de 6 modules du mur, où les pilastres engagés et les colonnes adossées sont eux aussi corrects. Un pont de bois traverse l’Yssel ; il prend appui à la fois sur des [?]Note: Le mot allemand est illisible. Knesebeck écrit dans l’original allemand « theils auff zahr (?), theils auff Schiffe ». et sur des pontons flottants dans les endroits où le fleuve est profond. Il est en fort mauvais état ; on paie toutefois un péage très élevé pour le traverser. Cependant, une digue haute et magnifique est bien entretenue sur la distance correspondant à une heure de trajet ; on peut imaginer que l’excédent des péages prélevés pour la traversée du pont servira un jour à construire un beau pont de pierre.

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À 3 heures de Deventer se dresse à côté de la route suivie par la malle-poste la maison de plaisance royale de Het Loo qui, plus que tout en Hollande, mérite la visite. Le postillon fait volontiers le détour avec le consentement de la compagnie si on lui donne quelque supplément à discrétion. Les bâtiments sont vastes mais d’une construction très modeste, en briques lisses à la manière hollandaise. Ils seraient convenables si la corniche était en continu : ils sont de hauteurs différentes mais pourraient alors faire un bon ensemble. L’édifice est composé, dans sa totalité, d’un corps de logis comprenant un rez-de-chaussée, deux étages complets et un attique ; s’ajoutent aussi au corps de logis deux ailes de même hauteur, auxquelles deux pavillons courts sont encore attenants ; enfin, privées d’attique, deux longues ailes à deux étages moins élevés. Sur le devant, la cour est fermée par une grille de fer forgé bleue et dorée, avec des petits pilastres intermédiaires.

Pilastre jouxtant le portail flamand antérieur, Loo.

Au milieu de la cour sont installés une fontaine, quatre carrés de pelouse et un pavé commode, composé pour une part de briques vernissées, pour une part de pierres. La disposition générale du jardin est la suivante : derrière la maison se trouve le jardin d’agrément, de la même largeur que l’ensemble des bâtiments. Sur le côté droit des bâtiments (à partir de l’entrée), dans l’angle {de l’aile en retour}, se dresse un berceau de treillage vert de belle disposition, le plus beau que j’aie jamais vu ; plus loin sur la droite est aménagé le jardin de promenade, qui se compose de haies taillées presque à hauteur d’homme formant toutes sortes de dessins d’allées, entre lesquelles sont intercalés des espaliers de fruitiers rares et toutes sortes d’agrumes. Sur le côté gauche, dans l’angle, s’étendent un terrain de jeu de mail taillé au carré puis, à côté, une autre promenade bordée de hautes haies taillées, ornée seulement de quelques statues et fontaines. Plus à gauche, à côté du jardin, on peut suivre la promenade au milieu du parc ; entre les deux, tout au bout à gauche, se trouve la ménagerie, ou plutôt la grande uccelliera ou volière.

Une observation plus précise fait apparaître quelques éléments notables. 1. Dans la maison, l’avant-corps ou la loggia est entièrement recouvert de boiseries ; par contre, le sol est joliment pavé de marbre ; aux murs, on peut voir des pilastres romains surmontés d’une corniche architravée dont l’ordonnance n’est pas du tout correcte, comme on peut le voir sur le croquis approximatif qui figure ci-dessus. Tout est peint à l’imitation du marbre gris

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et deux perspectives d’architecture sont figurées sur les murs. Des deux côtés, les portes sont très basses ; en face des portes, trois arcades mènent à l’escalier ; celui-ci ne monte qu’au premier étage ; en haut, il est d’ordre ionique et orné de beaux tableaux de perspectives ainsi que d’un joli plafond, peint par Robbert du Val de La Haye.

On ne saurait imaginer ordonnance plus contraire à la symétrie.

La grande salle est située au-dessus de l’avant-corps ; elle est ornée en ordre ionique mais l’ordonnance est partout fautive. Sur les placards encastrés dans les murs ont été peints de beaux paysages. Les chambres ne présentent aucune particularité notable. Les encadrements des cheminées sont en bon marbre, mais les autres ornements sont en bois peint à l’imitation du marbre. Dans la salle à manger, devant le comptoir, un espace a été délimité par des colonnes ioniques indépendantes entre lesquelles court une balustrade ; le sol est plaqué de marbre. Mais il est incongru de voir dans une pièce comme celle-ci des fûts de colonne ioniques cernés de bagues.

Le jardin est beau et propre et son ordonnance est la plus intelligente que j’aie jamais vue. Il est divisé en deux ; la première partie est séparée de la deuxième par une terrasse assez élevée qui, sur les trois côtés antérieurs, est bordée {d’un muret} de pierre, et comprend une balustrade sur l’arrière ; elle donne sur une allée de beaux arbres rectilignes au port mince, qui ne coupent pas la perspective ; au bout, cette allée rejoint un canal étroit. Dans la partie avant, quantité de pièces d’eau de bonne invention sont bien mises en valeur. Même si elles sont de petite taille, elles sont correctement faites. Devant la maison, un escalier descendant en arc-de-cercle est agrémenté sur sa partie supérieure de deux sculptures monumentales de bonne facture, en grès tendre, l’Yssel et le Rhin. Des deux côtés, l’eau s’écoule depuis les statues dans des bassins de pierre, de part et d’autre des marches. Au milieu du jardin, un grand bassin repose sur trois tritons de plomb doré qui crachent de l’eau ; au-dessus se tient une Vénus de marbre blanc. Des deux côtés de la terrasse jaillissent deux agréables cascades surmontées pour l’une d’un Narcisse et pour l’autre d’une Écho de marbre blanc ;

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le reste est sculpté en pierre. Derrière les tritons s’élève encore un petit bassin orné d’un Hercule déchiquetant les serpents. Pour le reste, les allées sont bordées des deux côtés de petits canaux de pierre d’où sortent de petits jets d’eau ; l’allée transversale est encore agrémentée des globes terrestre et céleste : de petits filets d’eau jaillissent des villes et des étoiles. En plus, quatre statues de marbre se dressent sur les quatre grands parterres des coins.

La partie arrière du parc s’élève progressivement, par paliers. Un grand bassin s’étend sur le devant ; il comprend un jet d’eau assez élevé, plus haut que tous ceux de Versailles, mais dont le débit est faible. Autour du bassin, en face du château, ce qu’on appelle le grand théâtre se compose de deux quadrantsNote: Knesebeck semble utiliser un terme courant de la géométrie pour décrire la forme semi-circulaire de la colonnade ouvrant la perspective sur le théâtre dans le jardin de Het Loo : en mathématique, est désignée comme quadrant une des quatre portions de la circonférence d’un cercle. entre lesquels s’étend l’allée principale : ils forment un péristyle de colonnes ioniques en pierre et sont fermés à l’arrière par un mur peint en clair-obscur ; les colonnes sont très bien proportionnées avec des chapiteaux à la manière de Scamozzi. Au-delà de ce théâtre, l’allée principale est bordée, des deux côtés, d’une très haute haie taillée, derrière laquelle s’étend de part et d’autre le jardin potager. Enfin, le jardin s’achève sur un petit théâtre composé de colonnes doriques ; même si celui-ci a sans doute été agencé de façon un peu irrégulière, son ordonnance est assez bonne ; de ce fait, on ne remarque guère que les mesures des métopes ne sont pas justes. Devant ce théâtre s’élève encore une petite fontaine ; l’allée et le jardin se terminent par un fossé et ne sont fermés que par une balustrade de la moitié d’une hauteur d’homme ; à l’extérieur, dans les champs, ils sont prolongés par quelques arbres et, beaucoup plus loin, s’achèvent sur un obélisque qui fait paraître le jardin beaucoup plus grand qu’il n’est. N.B. : le jet d’eau est entouré de 8 jets plus petits et de 16 jets de très petite taille, assortis encore de deux petits bassins.

Bien qu’ils soient tous faibles, de petite taille et de petite envergure, les jeux d’eau installés dans le grand étang de l’arrière du parc sont dignes d’être comptés parmi les plus beaux, par leur qualité d’invention et leur disposition.

De Het Loo, il faut encore 5 heures pour gagner le village de Voorthuizen et, de là, 3 heures jusqu’à Ammersfoort, une ville de Hollande bien construite mais qui ne présente aucune particularité remarquable, hormis le carillon qui est considéré comme un des meilleurs carillons qui soit. De là, sur le chemin de Naarden, à 3 heures environ d’Ammersfoort, s’élève à gauche de la route le pavillon de chasse royal de Soestdijk, à une demi-heure du beau village de Soest. Le roi ne s’y rend que rarement et, par suite, il ne présente guère de particularité notable ; de surcroît, la maison est une construction très simple de briques cuites, le jardin une imitation de celui de Het Loo, en moins raffiné.

Naarden est un beau lieu bien fortifié, quoique d’assez petite taille, qui comprend 6 bastions, tous bâtis en briques cuites jusqu’au parapet, et dotés de bonnes voûtes et contre-mines.

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Trois remparts sont flanqués des deux côtés – avec, pour l’un d’entre eux, un retrait d’un seul côté – de doubles flancs en arcs extérieurs à orillons droits, comme on peut le voir sur le polygone qui suit :

[[Plan schématique d’une partie de la citadelle de Naarden]]

Derrière les flancs bas sont creusés des fossés secs ; sous la façade qui jouxte le fossé du ravelin, des voûtes touchent le fossé du ravelin à fleur d’eau par cinq meurtrières rondes ; de ces voûtes part encore une contre-mine qui s’étend jusqu’aux sections rondes de la pointe du bastion. Pour accéder à ces voûtes, il faut passer par la brisure qui surmonte le flanc bas à la brisure de l’orillon. Dans l’ensemble, ce rempart principal est de bonne facture, il est vaste et assure une défense confortable, il est fort bien pourvu de créneaux hauts et imposants ; tous les fossés sont bâtis et bien entretenus. Du côté du Zuiderzee, les bastions sont dotés de flancs droits simples tous les deux bastions et demi ; les flancs et courtines sont encore précédés d’une fausse-braye. La situation est très favorable ; mais si on ajoutait, du côté des terres, un bastion pour renforcer les fortifications, et, du côté du Zuiderzee, un bon port, ce qui serait tout à fait envisageable, cette citadelle pourrait devenir une place forte d’une importance tout à fait considérable. La contrescarpe est disposée de manière à permettre la construction de traverses mais elle n’en est pas encore pourvue ; de façon générale, elle n’a pas été bâtie assez solidement. Les portes sont de facture simple, mais elles sont disposées d’une manière agréable et régulière ; elles sont surmontées d’amortissements sculptés en pierre d’apparence assez modeste. Les chutes d’eau sont assez raides :

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à l’aide des écluses, toute la place peut être mise en eau avec la campagne alentour.

De Naarden à Muiden, il faut une heure, et de là, deux encore jusqu’à Amsterdam. L’écluse de Muiden, qui permet aux bateaux d’accéder au Pampus, est très belle et de grande taille.

Amsterdam Les fortifications qui entourent la ville se composent de petits bastions simples, mais entièrement recouverts de briques cuites ; ces bastions sont massifs, mal entretenus par ailleurs, et mal dotés en créneaux ; la plupart ne comprennent que de minces créneaux de pierre ; il ne coûterait pas cher de les doubler à l’arrière d’un monceau de terre. Les portes de la ville sont fort belles de tous les côtés, elles sont décorées sur presque toute leur hauteur ; à l’extérieur, à l’entrée des ponts, s’élèvent des portails dégagés, faits de pierre taillée, qui comprennent un arc bien proportionné supporté par 4 colonnes ioniques dont les têtes de chevrons ne sont pas seulement trop grandes mais aussi tellement mal ordonnées qu’elles ne sont pas placées au centre des pilastres. Les portes de la ville sont elles-mêmes ornées de deux pilastres doriques à l’extérieur et de quatre à l’intérieur. Toute cette architecture est entièrement conforme aux règles de Scamozzi, à ceci près qu’ici, l’ordonnance des triglyphes n’est pas partout également soignée. Le nouveau WaagNote: Knsebeck écrit Wage. Le terme néerlandais Waag signifie poids public ou bascule publique. est agencé de la même façon, en sorte que la vue de ce bâtiment est presque lassante. J’en ai établi ici une élévation approximative :

[[Vue de la façade sur rue du Waag à Amsterdam]]

L’édifice le plus remarquable d’Amsterdam est l’hôtel de ville, dont, à n’en pas douter, la qualité d’exécution n’a pas son pareil au monde. Il serait inutile de s’étendre ici sur le sujet, puisqu’un ouvrage important y a été consacré,

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qui reproduit tout jusque dans les moindres détails de façon excellente et fiable. Je n’ajouterai donc ici que ce que l’on ne peut pas trouver dans cette description. À l’extérieur, le rez-de-chaussée est très bas. La grande hauteur des deux étages supérieurs a empêché qu’il pût en être autrement, mais ceci n’excuse pas l’architecte qui, pour préserver un bel aspect d’un côté, ne doit pas introduire une anomalie ailleurs. Si l’on avait ajouté un perron sur le devant et placé la porte d’entrée au premier étage, le résultat final aurait été bien meilleur, et la faible hauteur du rez-de-chaussée n’aurait pas prêté le flanc à la critique. La qualité d’exécution de l’édifice est excellente : tout a été joliment taillé et assemblé en grands blocs de grès de Bentheim, ce qui fait que les jointures sont presque sans défaut ; et les sculptures sont très agréables à voir. Les proportions des pilastres et de leurs entablements sont bonnes, l’ordonnance des modillons, des rosaces sur la rainure de la corniche et même celle des sculptures est parfaitement exacte ; le censeur le plus pointilleux n’y trouvera rien à redire. Cependant, alors que l’architecture est si richement ornée, les fenêtres sont toutes plates et dépourvues du moindre encadrement, ce qui n’est pas digne d’éloges ; à l’inverse, une ornementation très riche n’aurait pas non plus été à sa place. Un simple encadrement avec des moulures ou des encoignures, sans corniche, aurait suffi, et il y aurait eu suffisamment de place pour l’ajouter, même si l’entrecolonnement est assez réduit.

[[Vue de l’entablement de l’hôtel de ville à Amsterdam]]

Sur les entablements, les larmiers sont trop petits ; sinon, l’ordonnance est bonne. L’entrecolonnement correspond à 7 modillons, soit 8 modules de 12 pieds rhénans. Les fenêtres font 5 pieds de large sans le cadre et cette taille est tout à fait proportionnée à l’entrecolonnement. Le module de l’ordre corinthien de l’étage supérieur est un peu plus petit que celui de l’ordre romain utilisé au-dessous, étant donné que le deuxième étage n’est pas plus élevé que le premier. Celui-ci correspond à 23 2/9e modules, l’étage supérieur à 25 1/2. Pourtant, l’entrecolonnement n’en correspond pas moins à 7 modillons. L’intérieur est très richement orné de marbre blanc auquel on a ajouté, pour les portes principales et les cheminées, un peu de marbre coloré. Cependant, les blocs de marbre des grands pilastres ne jointent pas proprement, on voit un jour de l’épaisseur de deux lames de couteau, alors que pour le marbre, les jointures ne devraient pas du tout être visibles. Il est bien dommage qu’il fasse fort sombre dans le bâtiment et que le plaisant éclat du marbre

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ne puisse ressortir. Cela tient à l’invention de l’architecte, qui s’est obstiné à placer la grande salle au centre du bâtiment, ce qui a imposé d’aménager deux cours qui, faute de place, ne pouvaient être que de dimensions réduites. L’intérieur de l’hôtel de ville n’est pas encore achevé ; non seulement il manque le plafond de la grande salle, mais seul un petit nombre des peintures qui doivent garnir tous les intervalles entre les pilastres des galeries à l’opposé des fenêtres a été achevé. Faute de lumière, il est difficile d’identifier celles qui s’y trouvent déjà, d’autant plus que les peintres ont peint en clair-obscurNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise l’expression die tunckele ahrt (die dunkle art) : la « manière sombre ». et que, de surcroît, les peintures présentées sont parfois des nocturnes. Il y a peu de temps, deux nouvelles peintures à la fresque ont été peintes dans les demi-voussures d’un coin de la galerie : elles sont beaucoup plus plaisantes que les autres, même si elles sont de bien moindre valeur artistique que les anciennes, dont il sera question plus loin. Les sculptures, toutes réalisées en marbre blanc, sont assez prodigieuses par le nombre, la taille, la qualité du dessin et le soin extrême apporté à leur exécution. Ni la France ni l’Italie ne possèdent, réunie dans un espace aussi réduit, une aussi grande quantité de marbre magnifiquement sculpté, sans compter les deux grandes pièces de marbre blanc qui figurent à l’extérieur dans les deux frontons du bâtiment et représentent à elles seules un travail si considérable qu’on demeure stupéfait, surtout si l’on sait que tout cet ouvrage a été réalisé sous la direction d’un seul artiste, le très honorable Artus Quellinus. On peut voir notamment sous la statue de Diane, placée à côté de l’entrée de la salle du Trésor, un trophée en relief représentant toutes sortes d’instruments de chasse : les cors de chasse et les cors d’harmonie ont été sculptés dans le marbre en creux et avec une telle délicatesse qu’on croirait voir l’original en corne ; le filet a été évidé avec une telle finesse que les mailles sont séparées par des intervalles de 1/10e de pouce ; il est percé et tressé aussi délicatement que s’il était réel. Il y a vraiment là de quoi susciter l’admiration des plus grands artistes. On a construit autour de cette œuvre une barrière de bois parce que certains visiteurs à l’attitude désinvolte, en voulant y graver leurs noms, en ont cassé des boutsNote: Cf. [Anonyme], Description de l’hôtel de ville d’Amsterdam, avec les explications de tous les emblèmes, figures, statues, etc. qui se trouvent au-dehors et au-dedans de ce bâtiment, Amsterdam, Mortier, 1716, p. 105 : « L’ouvrage de son piédestal est encore au-dessus de tous les autres, & doit être regardé comme un véritable Chef-d’œuvre. Aussi y-a-t-on employé trois ans entiers. On y voit tous les instruments de la Chasse, comme diverses sortes de retz et de filets, des cors, des Carquois avec des Flèches, des épieux, des couteaux, des gibecières, & d’autres choses semblables, toutes si artistement travaillées, qu’on les prendroit aisément pour les instrumens mêmes qu’elles représentent, comme s’ils étoient là suspendus exprès : on a été même obligé d’entourer ce piédestal d’une petite défense de lattes, pour empêcher que des mains indiscrètes où quelque autre accident, ne gâtent un si bel ouvrage, ainsi qu’il étoit déjà arrivé. ». Pour savoir ce qu’il faut retenir par ailleurs de ce magnifique bâtiment, le mieux est de consulter les gravures qu’en a donné Vennekol, l’architecte actuel d’Amsterdam. Autant que je sache, il n’existe pas de description des peintures ; je signalerai ici les plus importantes, pour autant que j’aie pu en prendre connaissance. Sur les 8 arcades des 4 coins de la galerie, on a prévu de présenter 8 tableaux des guerres des peuples germainsNote: Les teutscher Völcker dans l’original allemand, sont nommés « Bataves » dans [Anonyme], Description de l’hôtel de ville d’Amsterdam, avec les explications de tous les emblèmes, figures, statues, etc. qui se trouvent au-dehors et au-dedans de ce bâtiment, Amsterdam, Mortier, 1716, p. 107-108. contre les Romains ; six sont déjà achevés. Un tableau surmontant le Trésor – et placé au-dessus de Diane – a été dessiné par Govert Flinck mais peint par Jean de Quen ; on dit que la toile voisine est de Jan LievensNote: Après la mort de Govert Flinck en 1660, un certain nombre de peintures sont commandées à Lievens, Jordaens et Rembrandt pour la décoration de l’hôtel de ville. De l’autre côté,

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au-dessus de la Chambre des choses de la MerNote: « Chambre des choses du crû de la mer », dans [Anonyme], Description de l’hôtel de ville d’Amsterdam, avec les explications de tous les emblèmes, figures, statues, etc. qui se trouvent au-dehors et au-dedans de ce bâtiment, Amsterdam, Mortier, 1716, p. 105., a été peinte une attaque nocturne dans un camp : on dit qu’elle est l’œuvre de Jacob Jordaens mais, à mon avis, elle est plutôt de Gerrit van Honthorst. À côté figure un tableau qui est indiscutablement de Jordaens ; ces deux œuvres sont superbement peintes, et sont un peu plus clairement déchiffrables que les autres. Dans le troisième angle, au-dessus des statues de Jupiter et Apollon, deux tableaux peints à la fresque cette année appartiennent à ce cycle d’histoires : du fait de leurs couleurs claires, ils sont beaucoup plus beaux que les autres, mais assez mal dessinés, et, du point de vue de l’invention, un peu trop bizarres ; je n’ai pu savoir qui en étaient les auteurs.

En face du tableau de l’attaque nocturne du camp, au-dessus de l’arcade qui conduit de la galerie à la grande salle, un David vainqueur de Goliath est peint sur un support ressemblant à un croissant de lune ; l’ordonnance de ce tableau est bien pensée : dans l’une des pointes inférieures du croissant, quelques Israélites se réjouissent ; dans l’autre, quelques Philistins sont en proie à la frayeur. En face, de l’autre côté, Samson frappe les Philistins avec une mâchoire d’âne. Le premier tableau semble être de la main du maîtreNote: L’œuvre serait de Jacob Jordaens mais Knesebeck pense que c’est Gerrit van Honthorst qui l’a peinte. qui a peint l’attaque nocturne ; le second est de Lievens. Il manque en tout encore 24 tableaux dans les deux galeries. Dans la grande chambre des Bourgmestres, au-dessus des cheminées, sont suspendus deux grands tableaux : l’un représente le courage de l’émissaire romain dans le camp de Pyrrhus, et l’autre Marcus Curius dans son domaine à la campagne, repu de navets. Ce dernier tableau est d’un certain Govert Flinck, déjà mentionné plus haut, et l’autre de Ferdinand Bol.

À côté de l’hôtel de ville se dresse la Nouvelle ÉgliseNote: « Nieuwe Kerk » en néerlandais., ornée de très beaux vitraux dessinés par Bronckhorst, peints et cuits au feu. Au-dessus du grand portail de l’église, à l’intérieur, un orgue magnifique est décoré de belles sculptures et de tableaux de Bronckhorst figurant l’histoire de David. L’orgue repose sur une architecture de marbre dont le plan est à peu près celui-ci.

[[Plan du buffet d’orgue de la Nieuwe Kerk à Amsterdam]]

Les surfaces à petits points correspondent à de grandes colonnes de marbre blanc. Les hachures couleur chair renvoient aux pilastres et colonnes corinthiens en marbre. À côté des colonnes et pilastres ont été sculptés de beaux festons en marbre blanc. Sur les fenêtres est peint l’empereur Maximilien II honorant les armes d’Amsterdam d’une couronne impériale. La chaire est en chêne, c’est aussi une œuvre très précieuse, riche en parties sculptées bien dessinées ; elle est surmontée d’un abat-voix très large, comme

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on en voit au-dessus d’autres chaires en Hollande et en France : dans les grandes églises, il est censé permettre que la voix, qui monte naturellement, soit renvoyée vers le bas et puisse ainsi toucher d’autant plus fortement l’auditoire. L’abat-voix est lui-même surmonté d’un amortissement de grande hauteur, sculpté de quantité d’anges. À l’arrière de la chaire, le mausolée de marbre du célèbre amiral Johan van Galen vaut la peine d’être vuNote: Knesebeck n’évoque pas ici le mausolée le plus célèbre, celui de l’amiral Michiel de Ruyter (1607-1676), dû au sculpteur hollandais Rombout Verhulst (1624-1698).. Ce héros des mers gît sur son tombeau, le bâton de régiment à la main, entouré de quantité d’armes ; son casque à plumet est à ses pieds. Sur les grands côtés antérieurs du tombeau est sculptée, en marbre blanc, la grande bataille dans laquelle cet amiral a trouvé la mort en vainqueur, après avoir illustré sa bravoure en anéantissant et ruinant 6 des 26 navires anglais. Au-dessous, on peut lire cette épitaphe gravée en lettres d’or sur du marbre noir :

Hier leit init graff van ar de dappere van Galen,
Die erst finf buyt op buyt kastilien afhalen,
En met en Leuen hart naa byt toscaner strant,
De Britten hefft verjaegt, verovert verbrant.Note: Ci-gît dans le tombeau d’honneur le valeureux van Galen, / Qui d’abord alla chercher butin sur butin en Castille / Puis, avec un cœur de lion, près des côtes de Toscane / Chassa, conquit et brûla les Britanniques. Nous remercions Thomas Beaufils (université Lille III) pour sa traduction de cette inscription en néerlandais ancien.

Au-dessus du tombeau est suspendu un cartouche encadré d’armes dans lequel sont décrits les hauts faits de ce héros des mers. Derrière la Nouvelle Église, on accède rapidement à la nouvelle Église luthérienne, vraiment remarquable par sa plaisante disposition. En voici à peu près le plan :

[[Plan de la Oude Lutherse Kerk à Amsterdam]]
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À l’intérieur, les colonnes isolées font plus de 4 pieds de diamètre, elles sont constituées de blocs ronds de grès plein, c’est un très beau travail ; les murs sont eux aussi entièrement en pierres de taille ; à l’extérieur, ils sont lisses, ornés de simples encadrements de pierre

La tour des Réguliers

La tour Jan Roodenpoort

Plan de l’étage intermédiaire.

et d’un bon entablement dorique. À l’intérieur, les colonnes sont aussi doriques. Devant la porte principale antérieure a été installée une prédelle ornée en ordre romain qui est un superbe travail de menuiserie ; au-dessus est placée la chaire et, au-dessous, l’autel. En empruntant les petits escaliers à vis cachés dans les murs, on accède à la chaire et, au-dessus, à l’orgue. Dans les autres églises d’Amsterdam, il n’y a rien à voir de particulier, sinon le tombeau du bourgmestre Graf dans la Vieille ÉgliseNote: Lors de sa visite, trois bourgmestres d'Amsterdam portant le nom de « Graeff » sont déjà enterrés dans la Oude Kerk d'Amsterdam, dont Jakob Dircksz de Graeff (1571-1638), Cornelis de Graeff (1599-1664) et Andries de Graeff (1611-1678)..

Les tours de la ville d’Amsterdam valent la visite. Leur dispositionNote: Knesebeck ne parle généralement ni de la construction (générale), ni de l’agencement (intérieur) mais des façades et de leurs ordres. Dans ce cas, on pourrait presque dire « disposition extérieure ». est très agréable, même si cela n’est vrai le plus souvent que des parties supérieures car les bases sont érigées au milieu des vestiges des anciennes tours, d’aspect modeste. En voici un croquis approximatif.

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La tour de la WesterkerkNote: « Église de l'ouest » en français..

La tour de la Oude KerkNote: « Vieille église » en français..

[[Vue de la façade de la tour de la Zuiderkerk à Amsterdam]]
[[Plan de la tour de la Zuiderkerk à Amsterdam]]

Moitié de la tour de la ZuiderkerkNote: « Église du Sud » ou « église du Midi » en français.

Plan du premier étage au niveau de la corniche

La tour de Haring-PackerNote: La « tour de Haring-Packer » ou « tour des Harengs » est appelée ainsi « parce que les Empaqueteurs du Hareng y ont leur chambre » (Alle de voornaamste gebouwen der wijtvermaarde koopstad Amsterdam, Amsterdam, 1682, p. 135). et la tour de Mont-Alban ne présentent aucun intérêt particulier, raison pour laquelle j’ai omis de les dessiner.

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Un grand nombre d’autres bâtiments publics sont remarquables à voir, et il est difficile de trouver une ville comparable à Amsterdam de ce point de vue. Ils sont tous de grandes dimensions, pourvus de vastes cours et construits en pierre. Une partie d’entre eux possède des ornements architecturaux et on pourrait les prendre pour des palais, mais, d’un point de vue architectural, ils ne se prêtent à aucune observation particulière qu’il soit nécessaire d’ajouter ici. D’autant que leur architecture n’est pas toujours parfaitement correcte. Le trait le plus notable est l’attention qui a été portée à la commodité des édifices.

L’assistance accordée aux pauvres mérite par-dessus tout les plus grands éloges dans toute la Hollande et particulièrement à Amsterdam. La ville comprend non moins de huit grands édifices magnifiques destinés aux nécessiteux ; le Grand Hospice comporte à lui seul 11 grandes cours très bien construites ; la Maison des mendiants et la Maison des vieillards et des vieilles femmes, dont la cour est si vaste qu’elle contient un beau jardin d’agrément et une grande blanchisserie. Une grande curiosité dans ce lieu est la source d’eau douce qui est la seule de toute la ville ; on dit que sa profondeur est de 240 pieds. Le Grand Orphelinat est divisé en trois cours : la cour centrale accueille ensemble les petits garçons et les petites filles, les autres les jeunes gens et les jeunes filles. Ajoutons encore la cour des Veuves, la Maison des orphelins wallons, l’Hospice des pauvres ou l’Orphelinat des Diavons et, à l’extérieur de la ville, la Maison des pestiférés.

Pour ce qui est des édifices privés, on en trouve un certain nombre de grande beauté à Amsterdam, mais je ne vois aucune remarque particulière à faire à ce sujet. C’est au tournant de la Herengracht que sont établies les demeures les plus soignéesNote: Knesebeck fait probablement allusion à la « Gouden Bocht » (« boucle d’or » ou « coude doré »), la partie la plus prestigieuses de la Herengracht entre Leidsestraat et Vijzelstraat. ; ici et là, on rencontre quelques demeures à pilastres ioniques et corinthiens en pierre de Bentheim, très bien faites, par exemple la maison Poppen de Kloveniersburgwal, aux portes de la Maison des vieillards, qui est très remarquable avec ses pilastres corinthiens à l’entablement bien sculpté, surmontés d’un fronton. Seules les fenêtres et portes gâchent son aspect.

Je me contenterai de mentionner quelques éléments remarquables du point de vue de l’architecture.

1. En Hollande, les collectes d’eau sont très remarquables. Les toits sont doublés sur la partie supérieure, pour former une véritable cuvette qui est entièrement recouverte de plomb. De là, des tuyaux descendent jusqu’à un réservoir de plomb installé au-dessous des pièces d’habitation afin qu’il soit entièrement hermétique et maintenu au frais et, de cette façon, préserve longtemps une eau de bonne qualité. Au-dessus des entrepôts régionauxNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise l’expression landmagazin, entrepôt du land., un très grand collecteur tout à fait remarquable alimente toutes les pièces en eau en un instant par le biais de grandes{tuyauteries} de plomb pourvues de robinets.

2. La machine qui permet de nettoyer les fossés et canaux est particulièrement remarquable, raison pour laquelle j’en fais ici un dessin de profil.

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[[Coupe d’une machine destinée à désembouer les canaux à Amsterdam]]

L’usage de cette machine est le suivant. Elle est placée sur un bateau attaché au pilier d’un pont par une corde b. Lorsque, en c., les chevaux tirent sur l’axe, ils font tourner l’axe d. auquel la corde est attachée, en sorte que toute la machine est traînée très lentement le long du pont. Ces mêmes chevaux font aussi tourner les roues dentées o. et n. par l’intermédiaire des treillis e., f. et g., actionnant par là même le mécanisme de la pelle qui ramasse la vase en k. et la déverse dans le bateau au moyen d’un plan incliné.

3. Dans la mesure où on trouve à Amsterdam comme partout ailleurs un grand nombre de moulins à eau, que je les mentionnerai également ici. Ils servent à collecter dans des canaux les eaux qui s’accumulent dans les champs. La navigation sur les canaux est ainsi rendue plus confortable et on évite les inondations des champs, qui peuvent ainsi donner de bons pâturages. Les roues à godets sont un peu particulières dans ces moulins, j’en ai donc représenté une ici dans sa totalité.

[[Dessin d’une roue à godets d’un moulin à eau à Amsterdam]]

Cette roue est construite dans une rigole montante qui s’étend des deux côtés et bute presque contre le sol ; lorsqu’on la fait tourner, elle s’abat dans l’eau et envoie celle-ci en permanence dans la rigole, entraînant ainsi une montée de l’eau qui se déverse dans un canal. Pour faire tourner la roue, il suffit d’une roue dentée et d’un treillis qui sont actionnés par les ailes du moulin.

4. J’en profite pour mentionner aussi les moulins à papier hollandais, qui ont cet avantage sur nos moulins allemands qu’ils n’écrasent pas les chiffons, mais les broient grâce à des leviers métalliques spécialement prévus à cet effet.

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Il n’est pas facile d’en faire un dessin, mais le croquis suivant peut être utile pour les garder en mémoire.

[[Dessin du détail d’un moulin à papier à Amsterdam]]

Les pilons à scieNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise l’expression Säge stampf. et moulins à huile sont aussi très beaux, mais le temps et l’espace que je destine à ces notes ne me laissent pas le loisir d’en présenter des croquis.

[[Vue intérieure d’un moulin à pouzzolane à Amsterdam]]

[5.] Je dois aussi mentionner brièvement ici le sable appelé pouzzolane, et les moulins à pouzzolane. La pouzzolane est un sable issu de certaines pierres que l’on trouve dans les alentours de Cologne et que l’on fait souvent venir en Hollande ; ce sont des pierres qui se sont formées sous l’eau, raison pour laquelle on les appelle « pierres plongées ». Elles ont été employées dans des bâtiments dont subsistent encore aujourd’hui des vestiges. Les pierres issues de ces derniers sont concassées, transportées en Hollande où elles sont broyées dans des moulins comme celui qui est représenté ici, pour donner du sable. La meilleure formule consiste à mélanger 5 volumes de sable pour 6 volumes de chaux : on obtient alors un mortier qui résiste à l’eau.

[[Dessin du clapet d’un pont à Amsterdam]]

6. Notons encore le type de clapets installés au milieu de certains ponts, par exemple sur le pont Neuf : lorsque les mâts des navires butent contre ces clapets, ils s’écartent d’eux-mêmes puis se referment après. Cela tient uniquement à leur forme, comme on le voit dans la figure ci-dessus.

Ainsi s’achèvent mes remarques sur la ville d’Amsterdam, qui auraient pu être beaucoup plus longues si j’avais eu le temps d’observer toutes les machines et artifices en usage dans cette excellente ville.

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D’Amsterdam à Leyde, il faut 7 bonnes heures. La ville de Leyde est très grande et c’est l’une des plus belles de Hollande ; c’est la plus productive du pays. En ce qui concerne les curiosités de la ville, il faut d’abord mentionner les spécimens rares du Jardin médicinalNote: Le Jardin botanique était alors appelé parfois « Jardin médicinal ». de l’université et du cabinet d’anatomie, mais il ne nous appartient pas de le faire ici, car les présentes remarques ne se rapportent qu’à l’architecture et aux arts apparentés. L’hibernaculum du Jardin médicinalNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise l’expression «Horti medici», du latin Hortus medicus. abrite une maquette tout à fait fidèle d’une maison moscovite en bois. Dans la ville il n’y a pas beaucoup de bâtiments remarquables. Sur la rive droite de la RappenburgNote: Il s’agit du canal le plus connu de Leyde., en venant d’Amsterdam, presque à la sortie de la ville, une demeure possède une cour sur le devant à la façon d’un hôtel particulier français : elle n’est dotée que d’un petit avant-corps d’ordre ionique, sculpté de façon très propre et précise et joliment bâti en pierre taillée. La Maison des drapiers est également une construction propreNote: C’est une notion très allemande ; il faut la comprendre dans le sens de « convenable », « conforme aux règles de l’art ». et intelligente. Cette ville détient le droit d’entrepôt de draps : nulle part dans toute la Hollande on ne trouve d’aussi bonnes étoffes de laine et de drap. Les fortifications ne présentent aucun intérêt particulier et sont mal entretenues.

De Leyde à La Haye, il faut deux heures et demie. Cette ville est actuellement la plus agréable de Hollande, surtout pour les amateurs de vie de cour qui peuvent mener là une existence beaucoup plus plaisante que dans les autres villes du pays. Même si La Haye possède de très belles maisons, elles ne se distinguent pas par une science architecturale particulière. Les maisons bâties des deux côtés du Prinsegracht sont il est vrai tout à fait somptueuses ; elles ont été construites dans le goût actuel. Cependant, je n’en ai trouvé aucune qui vaille la peine d’être dessinée. Ce qu’on appelle le Moritzhof, situé derrière le Prinsenhof au bord du grand lac, est une construction de fort belle apparence avec, en façade, des pilastres engagés d’ordre ionique en pierre de taille dont l’ordonnance est très correcte ; c’est de loin le plus bel édifice de La Haye. Dans le chœur de la Grande Église s’élève le beau tombeau de l’amiral Obdam, dont j’ai établi le plan ci-joint afin de mieux pouvoir le décrire.

[[Plan du tombeau de Jacob Van Wassenaer Obdam dans la Grote Kerk à La Haye]]

Au pied ou tombeau de tout cet ensemble se dresse un piédestal de marbre blanc aux quatre coins duquel s’élèvent 4 colonnes romaines supportant une corniche architravée, construite en arcade, et un ciel : au-dessous se tient en a. l’amiral grandeur nature, sculpté en marbre blanc comme tout le reste ; à ses côtés, trois petits enfants portent ses armes. Derrière eux se dresse en f. un sublime

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piédestal surmonté d’une grande sphère sur laquelle est posé un aigle portant une Renommée. En b., c., d. et e. figurent, sur des supports de faible hauteur, la Fidélité, le Courage, la Vigilance et la Prudence. Enfin, aux quatre coins du tombeau, en g., h., i. et k., sont sculptées en bas-relief quatre batailles navales fameuses au cours desquelles cet amiral était au commandement. L’inscription est gravée dans la partie haute du tombeau, le ciel ou plafond. L’ensemble est en marbre blanc, sans quelques incrustations de marbre noir autour des bas-reliefs. La sculpture est bien faite et le dessin est bon, mais les quatre Vertus ne sont pas dotées d’attributs suffisamment explicites.

Autour de La Haye, les maisons de plaisance royales ainsi que quelques jardins sont à voir.

1. Le Huis ten BoschNote: Le Huis ten Bosch (Hauß im busch dans l’original allemand) ou « Maison dans le Bois ». est petit mais d’une très agréable disposition. Seul le rez-de-chaussée comprend de véritables pièces ; au-dessus, on ne trouve qu’un demi-étage pour les domestiques. Ces deux niveaux sont relativement surélevés par rapport au sol. L’avant-corps de la maison et l’escalier qui y conduit sont revêtus de marbre en abondance. Comme on peut le voir sur le croquis suivant, on accède à la grande salle en passant entre deux rampes d’escalier, la salle présentant une configuration particulière, tout à fait plaisante :

[[Plan du Oranjezaal au château de Huis ten Bosch à La Haye]]

sa spécificité est d’être surmontée d’une coupole qui éclaire la pièce sur tous les côtés. Cette pièce est ornée de la peinture d’une architecture romaine qui ne figure cependant que sur des boiseries latérales, ce qui ne présente pas un aspect très heureux. En revanche, toutes les peintures sont magnifiques, elles sont d’Antoine van Dyck, Honthorst, Rubens et Jordaens ; les dorures sont abondantes et superbes. La pièce donne des deux côtés sur des appartements composés chacun de quatre pièces. Dans la première pièce sur la droite, on peut voir au-dessus de la cheminée une Annonciation de Rubens. La dernière pièce, qui est de toutes petites dimensions, est belle et précieuse ; les murs sont tapissés de boiseries indiennes et de laques, entre lesquelles s’intercalent beaucoup de panneaux qu’on a remplis de peintures chinoises et japonaises et de satin. Le plafond, en forme de voûte à pans bombés, est lui aussi habillé d’encadrements indiens richement incrustés d’argent et d’or, qui abritent des miroirs. Un cabinet situé de l’autre côté, et symétrique de la pièce qui vient d’être décrite, recèle tout autant d’éléments précieux. Il est richement marqueté d’argent et d’or somptueux et abrite beaucoup de miniatures rares, d’excellents sceaux métalliques, de petites statues et des branches de corail extraordinaires.

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De là, on peut se rendre en peu de temps dans le jardin de Monsieur de St. Annenland. Il se compose pour ainsi dire de trois jardins distincts situés aux trois points cardinaux, au centre desquels est placée la maison. La partie à main droite quand on arrive est la plus notable, avec ses belles haies taillées et ses ifs de hauteurs variées, qui se superposent de très jolie façon et dessinent ainsi un beau théâtre.

De là, on arrive facilement sur la belle route de Scheveningen, qui forme une allée toute droite de La Haye à Scheveningen, pendant plus d’une demi-heure. Elle est pavée de briques vernissées, et c’est la plus belle de toutes les allées de Hollande, qui est vraiment la patrie des allées. À main gauche de ce chemin, le jardin du comte de Portland, appelé Sorgvliet, est très apprécié pour ses allées d’une rare beauté et ses arbres bien entretenus et bien taillés. Les bâtiments sont d’apparence assez simple, ils sont construits en bois. Le jardin situé devant la maison et sa butte ont été dessinés de façon ingénieuse et, dans la grotte – d’aspect modeste par ailleurs – sont suspendus des miroirs judicieusement disposés, qui démultiplient la vue d’agréable façon. De l’autre côté de La Haye, en direction de Delft, on rencontre encore deux maisons de plaisance royales.

Celle de Ryswick, que le dernier traité de paix a rendue célèbre, est placée au centre d’un parc et présente un aspect un peu délabré parce que le roi s’y rend rarement. L’édifice est de bonnes proportions mais comme l’architecture en a été réalisée en partie avec négligence et, par ailleurs, est de trop petites dimensions, et que son ordonnance ne paie pas de mine, il perd par là même une grande partie de sa beauté. Il comprend deux étages : l’étage inférieur est dorique, l’étage supérieur ionique. L’étage en ordre dorique est orné de bossages, les fenêtres sont dotées de corniches en saillies et de petits frontons. Les entablements surmontant les lisières sont en crossette, ce qui n’est pas heureux. L’exécution est également très mauvaise. L’ensemble du bâtiment forme un alignement sur une terrasse haute de 3 ou 4 marches, séparée de la cour et du jardin et entourée d’une balustrade de pierre. Au centre se dresse un grand corps de logis de 9 entrecolonnements qui est nettement en avancée sur le jardin. Il dépasse de 3 entrecolonnements en façade et de 2 sur les flancs. Le rez-de-chaussée est entièrement construit en arcades ouvertes, comme une loggia. Au-dessus se trouve la pièce où les émissaires se sont réunis chez le médiateur qui occupait le corps de logis central. La grande salle est également située dans cette partie. De part et d’autre de ce corps de logis ont été aménagées des galeries qui font 7 entrecolonnements de long et 2 de large. Elles donnent des deux côtés sur un pavillon de 4 entrecolonnements de long et de large. Comme cette ordonnance est correcte et bonneNote: « Correcte » du point de vue du respect des règles, et bonne par sa qualité., et s’est particulièrement bien prêtée à la conclusion d’un traité de paix, je présenterai ici un plan des pièces.

  • a. Salle des conférences générales
  • b. Appartements du médiateur
  • c. Cabinet du médiateur pour les conférences particulières
  • d. Espace libre au pied des escaliers
  • e. Galeries
  • f. Appartements des émissaires des alliés
  • g. Appartements des envoyés français
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[[Disposition générale du château de Ryswick]]

Le rez-de-chaussée possède de beaux sols de marbre dont l’arrangement et le dessin varient selon les pièces. Les cheminées sont elles aussi revêtues de multiples variétés de marbre. À l’étage, les parquets et encadrements de cheminée sont seulement en bois. Dans toute la demeure, les portes sont de facture très simple et très petites, ce qui présente de grands inconvénients. La grande cheminée du salon est habillée de belles boiseries dorées et surmontée d’un portrait en pied grandeur nature de l’ancêtre du roi actuel.

Honselaarsdijk est plus beau et frappe davantage le regard que Ryswick, même s’il est visible que les deux édifices sont dus au même architecte. La disposition intérieure atteste encore une fois que celui-ci maîtrise mieux l’ordonnance des pièces que les autres parties de l’art de bâtir. L’édifice dans son ensemble se compose d’un corps de logis assorti de deux ailes qui ferment une cour carrée s’achevant par une galerie et un balcon en terrasseNote: Altan dans l’original allemand, de l’italien altana (n. f.) : balcon.. Il possède deux étages complets et, au-dessous, un demi-sous-sol à fenêtres basses. En Hollande, Gerard Valck a réalisé une très bonne gravure de cette demeure, qui permet de se faire une idée juste de l’aspect extérieur du bâtiment. On peut remarquer que l’étage inférieur de la façade antérieure est décoré en ordre ionique, l’étage supérieur de colonnes adossées en ordre romain, et l’ensemble de la cour en ordre dorique pour l’étage inférieur et ionique pour les pilastres engagés de l’étage supérieur, ce qui produit un effet assez curieux, d’autant que les deux pavillons donnant sur le jardin sont architecturés sur une face mais entièrement lisses sur les autres. L’avant-corps de la maison est de nouveau décoré, à l’intérieur, en ordre ionique, l’ordonnance est bonne et il est agrémenté de bustes de pierre. L’escalier est de très bonne ordonnance avec des paliers et des rampes de marbre ; il est surmonté d’une haute coupole dont le plafond est paré d’une belle peinture ; les fenêtres placées tout autour de cette coupole apportent beaucoup de clarté. Ainsi l’escalier, déjà éclairé dans sa partie inférieure par des fenêtres ordinaires, est baigné de lumière de remarquable façon – presque trop par rapport aux pièces. Cependant, de l’extérieur, si l’on regarde le toit donnant sur la cour, cette coupole ovale allongée produit un effet misérable et semble même rapiécée. Comme à Ryswick, on n’a pas lésiné sur les sols et cheminées de marbre. L’ordonnance des portes est tout aussi lamentable. En revanche, les pièces de l’étage supérieur ont meilleure allure car elles sont bien meublées et ornées de beaux tableaux des meilleurs maîtres hollandais. Le cabinet dit des Indes orientales, qui appartient à la reine, est particulièrement remarquable : il est entièrement décoré de

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laques des Indes orientales, c’est-à-dire chinoises ou japonaises, et autres œuvres du même genre.

De La Haye à Delft, le trajet est d’une lieue. Cette ville est l’une des villes hollandaises au plan le plus régulier. Elle est surtout fameuse pour sa manufacture de porcelaine, qui se perfectionne constamment : si l’on n’a pas appris à distinguer les produits de Delft de ceux des Indes orientales, on peut facilement prendre les uns pour les autres. Les ruelles et les maisons sont aimables, mais ne présentent rien de particulièrement remarquable du point de vue de l’architecture. L’hôtel de ville est un édifice isolé sur une grande place de marché, il a été bâti avec beaucoup de soin en belles pierres ; l’architecture est singulière, à demi-gothique, mais elle est tout à fait agréable à voir : les dorures qui y ont été appliquées y sont pour beaucoup. À l’intérieur, dans l’avant-corps de l’édifice, en face de la porte, se dresse un petit trône, un espace isolé du reste et délimité par 4 épaisses colonnes de marbre noir, surmontées de trois arceaux de marbre de très bonne facture. Le plus remarquable sont les épitaphes qui figurent en face de l’hôtel de ville dans la vieille église ou église Sainte-Ursule. Je les décrirai un peu plus en détail. Deux tombeaux en particulier sont à voir.

[[Vue du tombeau de Maarten Harpertszoon Tromp dans la Oude Kerk à Delft]]

[[Vue du tombeau de Pieter Pieterszoon Heyn dans la Oude Kerk à Delft]]

A. Le tombeau de l’amiral Maarten Harpertszoon Tromp est un travail propre, en marbre blanc à veines rouges et blanches, assorti d’un peu de marbre noir ; sur la partie supérieure, deux griffons tiennent l’écusson, flanqués de 2 vieux tritons qui, par manque de place, ont été conçus pour être assis ; tout a été dessiné en trop grandes dimensions.

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B. Le tombeau de l’amiral Heyn, fait de marbre noir et blanc, est d’apparence très modeste. Le travail et le dessin sont meilleurs que ceux du tombeau de Tromp. On peut reprocher à l’un et à l’autre de ressembler davantage à de petits autels qu’à des tombeaux.

L’autre église, appelée Saint-Hippolyte ou Nouvelle Église, abrite le beau tombeau du prince Guillaume d’Orange, mort assassiné ; le prince Maurice d’Orange est également enterré là. Je n’ai pas eu le temps de faire une élévation, mais le plan est celui-ci.

[[Plan du tombeau de Guillaume Ier d’Orange-Nassau dans la Niewe Kerk de Delft]]

C’est un tombeau de marbre noir, désigné sous les lettres a, b, c et d. Le prince Guillaume y est allongé sur une couche, en 1. Il porte une longue robe et un chapeau ducal qui ressemble presque à un bonnet de nuit. À ses pieds est couché un chien. Toute cette partie est en albâtre. Sur l’avant, en 2., le prince sus-nommé est assis, armé de pied en cap. Sur la partie inférieure, en 3., se tient une Renommée de bronze, très bien dessinée. Au-dessus de ce tombeau a été construit un magnifique monument de marbre blanc selon le plan dessiné ci-dessus : les 10 colonnes centrales sont surmontées d’arcades qui entourent une voûte d’arêtes. Sur les quatre pilastres des angles, avec les colonnes qui leur sont attachées, repose un attique de la même hauteur que les arcades ; l’entablement ne vient qu’au-dessus, pour couronner l’ensemble. Les colonnes sont en marbre noir, le reste en marbre blanc ; sur les attiques figurent des emblèmes en bas-relief, sur lesquels sont assis de petits enfants en pleurs, qui portent des flambeaux éteints.

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Tout en haut, deux petits enfants en pleurs se tiennent encore debout, portant cette inscription :

D.O.M. et æternæ memoriæ Guilielmi Nassovi suprem: Aurasionen=
sium Principis Patris Patriæ, qui Belgii Fortunas suas posthabuit
et suorum. Valedissimos Exercitus ære plurimum privatobis conseri=
psit, bis induxit Ordinum auspiciis. Hispaniæ tÿranidem propalit:
veræ religionis cultum, Avitas Patriæ leges revocavit, resituit: ipsa
denique libertatem tantum non assertam Mauritio Principi Paternæ
virtutis Heredi filio stabilendam reliquit: Herois vere pii, pruden=
tis invicti: Qvem Philippus II. Hisp: Rex. ille Europæ Timor, timuit,
non domuit, non terruit, sed embo percussore fraude nefanda sustu=
lit. Foederat. Belg: Provinc: perenni meritor. monum. P.C.C Note: A Dieu très bon très haut et très puissant, et à la mémoire éternelle de Guillaume de Nassau, Prince souverain d’Orange, Pere de la Patrie. Qui préféra à sa propre fortune, la fortune de la Hollande & des Siens. Il leva, deux fois, presque à ses dépens, de trés grosses armées, & les licentia deux fois. Sous les auspices des Etats, il secoua le joug de la Tyrannie d’Espagne ; rétablit le culte de la veritable Religion ; & remit les anciennes Loix de la Patrie dans l’état où elles étoient auparavant. Enfin, il laissa le soin d’achever le rétablissement de cette liberté, qui n’était pas encore tout à fait affermie ; Au Prince Maurice, son Fils, qui hérita de toutes ses Vertus. Guillaume. Fut un Héros véritablement pieux, doué d’une grande Prudence, & qui ne fut jamais vaincu. Philippe Roi d’Espagne le craignit, quoi que ce prince fut la terreur de toute l’Europe. Ce Roi ne le vainquit point. Il ne l’épouvanta point. Et s’il lui arracha la vie, ce ne fut que par le secours d’un impie & infâme assassin, & par la plus lâche de toutes les trahisons. Les Etats des Provinces-Unies ont fait dresser ce Tombeau, pour être un Monument éternel de son grand mérite, & pour le justifier contre les calomnies auxquelles sa Mémoire eût pu être exposée. A Delft. La traduction est tirée de : Michel Bizot, Supplément à l’Histoire métallique de la république de Hollande, Paris, Pierre Mortier, 1690, p. 5-6.

À Delft, j’ai vu chez le fameux Leeuwenhoeck le remarquable microscope, mais comme ce sujet, qui est en soi une très curieuse matière, ne nous concerne pas ici, je ne m’étendrai pas sur ce point.

De Delft à Rotterdam, il faut deux heures. Cette ville est actuellement la plus peuplée après Amsterdam, et elle est très fameuse pour la navigation. Celle-ci est remarquablement développée dans le port, beaucoup plus commode que celui d’Amsterdam : les plus grands bateaux entrent à une extrémité de la ville et ressortent par l’autre, et ils peuvent y débarquer très commodément leurs marchandises. De chaque côté de ce canal, aux deux extrémités de la ville, s’élève une porte d’architecture passable, comme on le voit sur le croquis approximatif qui va suivre. Des deux côtés du canal sont construites les meilleures maisons de la ville, dont les habitations sont pour le reste de facture plus simple que celles qui ont été décrites jusqu’ici. À l’entrée du canal, la porte est dorique avec des bandeaux larges ou des bossages ; son architecture est loin d’être pure. De l’autre côté du canal, l’autre porte possède quatre colonnes adossées ioniques qui font saillie de plus de la moitié. Elle n’est pas deux fois plus haute que large. Les quatre colonnes sont surmontées d’un fronton. Cette porte est donc tout à fait simple mais d’une architecture très épurée. Les portes sont semblables à l’extérieur et à l’intérieur. Lorsqu’on arrive à l’extrémité de la ville, la porte A est à gauche et la porte B à droite.

[[Vue d’une façade d’une porte sur le canal du port de Rotterdam]]
[31]14{r}
[[Vue d’une façade d’une porte sur le canal du port de Rotterdam]]

L’élévation et plan suivant représentent la demi-façade du LandhausNote: Le Landhaus est « l’hôtel ou maison ordinaire où s’assemblent les états d’une province ». de Rotterdam, sur la Hochstraße. Il est construit très proprement en pierres taillées, mais l’angle opposé, qui donne lui aussi sur une rue adjacente, est construit en pierres à brique selon la bonne manière hollandaise ; il est tout plat et de construction simple, et cela fait perdre à la façade beaucoup de son charme. La disposition de cette façade est très sensée, à ceci près que les volutes du fronton et les sculptures placées en a. au-dessus de l’avant-corps du niveau inférieur et au-dessus des fenêtres de l’étage ne sont pas de bon goût.

À Rotterdam, la verrerie est aussi à voir et, tout près, chez H. van Vliet, les beaux papiersNote: La description de Knesebeck est imprécise ici : parle-t-il du décor de la maison (papier-peint) ou des travaux sur papier de l’artiste Hendrick Cornelisz Van Vliet ?.

Dans l’église principale, on peut signaler aussi le tombeau de l’amiral de With, qui est de très bonne facture ; mais comme il est du même goût que ceux de Delft, j’ai pu omettre de le dessiner.

[32]{14v}
[[Vue de la façade du corps de logis d’un Landhaus à Rotterdam]]
[[Plan schématique de la façade du corps de logis d’un Landhaus à Rotterdam]]

Sur un grand et large pont qui ressemble à un petit marché se dresse la statue de bronze du célèbre Érasme de Rotterdam, plus grande que nature, avec cette inscription au-dessous :

Desiderio Erasmo
Magno Scientiarum (atq)atqueliteraturæ
politioris vindici instauratori
viro seculi sui primario
civi omnium præstantissimo
ac nominis immortalitatem Scriptis
æquiternis jure consecuto
S. P. Q. Roterdamus
Ne quod tantis apud se Suosq posteros
virtutibus præmium deesset.
Statuam hanc ex æere publico
erigendam curaverunt. Note: Au Grand Desiderius Érasme, / brillant défenseur et rénovateur des Sciences et des Lettres, / Premier parmi les hommes de son époque, / Citoyen remarquable entre tous, / qui doit à l’éternité de ses écrits la juste immortalité de son nom, / Le Sénat et le Peuple de Rotterdam / ont fait ériger cette statue aux frais de l’État, / afin que, auprès d’eux et de leurs descendants, de si grandes vertus ne demeurent pas privées des honneurs qui leur sont dus. Cette traduction a été réalisée par Frédéric Junqua (université Grenoble Alpes), que nous remercions ici pour son aide.

[33]15{r}

Cet homme excellent, qui s’est particulièrement illustré dans les litterae humaniores, a également eu le mérite d’inventer l’usage de la tourbe et des voiles dont on se sert sur les petits canots à fond plat pour naviguer par tous les vents. Voilà pourquoi il est tenu en si haute estime à Rotterdam, au point qu’on a conservé la petite maison dans laquelle il est né, en y apposant en son honneur des inscriptions en allemand, en espagnol et en latin.

Sur le chemin de Rotterdam à Gouda, situé à trois heures de route, j’ai vu un pont roulant. Ce petit pont était utilisé pour les barques des paysans. On pourrait parfaitement avoir recours à des ponts de ce type sur les fleuves allemands, mais il faudrait construire des bateaux spéciaux à double quille et donc à fond plat.

[[Vue d’un pont roulant près de Rotterdam]]

On pourrait surtout s’en servir sur la Saale à la place des écluses. Cependant, avec un tel pont, les bateaux ordinaires peuvent facilement être endommagés.

Gouda est une ville assez aimable et propre que doivent traverser tous les bateaux qui vont de Rotterdam à Amsterdam et vice versa. Le plus remarquable dans cette ville c’est que tous les canaux sont vidés chaque jour à l’aide des écluses puis remplis à nouveau d'eau fraîche, ce qui ne peut être réalisé dans aucune autre cité de Hollande.

Pour ce qui est des édifices, il n’y a absolument rien à voir, hormis la grande église Saint-Jean sur la place du marché, célèbre pour ses vitraux remarquablement peints à grand feu. Le dessin n’est pas toujours très correct, et, curieusement, les pieds sont souvent beaucoup trop longs, plus d’une fois et demie plus longs que les têtes, dans bien des cas. Cependant, il faut reconnaître que les pièces de verre ont été ajustées de façon très intelligente, de manière à ne pas dissimuler le dessin ; les coloris et nuances sont admirables, l’ordonnance est convenable et très riche. En somme, il est difficile de trouver ailleurs des vitraux aussi beaux, en telle quantité,

[34]{15v}

et qui laissent passer autant de lumière et assombrissent aussi peu le bâtiment. Le duc Éric de Brunswick a les honneurs d’un des meilleurs vitraux sur lequel est peint Héliodore, d’après le Livre des Maccabées ; celui-ci raconte comment Héliodore est châtié pour avoir dévalisé de riches églises. Les peintres qui ont exécuté la presque totalité de ces vitraux sont deux frères, Dietrich Peter et Walter Peter, tous deux originaires du Brabant. Cette église comprend également une très mauvaise chapelle d’apparence très modeste, décorée à l’extérieur d’un portail de marbre blanc, dont voici une élévation. Dans la partie supérieure, deux petits enfants en pleurs sont assis au centre autour d’une urne ; chaque porte est surmontée d’une tête de mort. Tout en haut, au centre, sont placées trois armoiries drapées de festons. Ce tombeau est celui de M. Van Beverningh, bourgmestre de Gouda, et ancien envoyé des États généraux de HollandeNote: Si Knesebeck évoque le « tombeau » de Hieronymus van Beverningh, il décrit en réalité le portail de la chapelle que le diplomate fit construire près de 15 ans avant sa mort et qui remplaça une ancienne chapelle du XVe siècle dans la Grote Kerk de Gouda. Il y fut inhumé en 1690..

Note: Dans le dessin, la partie supérieure de la décoration (décrite uniquement dans le texte) est omise.

Il faut 7 heures de Gouda à Dordrecht, où il n’y a rien de particulier à voir. De Dordrecht, on peut prendre une voiture pour rejoindre en une heure le nouveau bac. Il part toutes les heures et même plus souvent pour Lage Swalff, qu’il atteint en une heure et demie et, de là, il faut louer une charrette jusqu’à Breda, où l’on arrive quatre heures plus tard.

Cette forteresse célèbre, qui appartient actuellement au prince régnant d’Angleterre, en qualité de prince de Nassau, est un exemple remarquable d’amélioration et de renforcement d’une fortification ancienne, réalisée avec succès par le fameux van Coehoorn. J’ai donc circulé trois heures durant autour de la muraille pour dessiner les améliorations à partir du plan de la forteresse ancienne que l’on trouve dans le Theatrum Europaeum (voir le dessin ci-dessous). Cependant, la construction n’est pas complètement achevée : de a. à b., on a édifié de magnifique façon tous les bastions en briques, mais les autres sont simplement en terre. Non seulement les anciens bastions ont été aménagés au mieux, mais aussi les ouvrages extérieurs ; ainsi, ces améliorations

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Château

Breda

100 lieues rhénanes

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ont été réalisées à moindre coût et sans perdre de terrain dans les fortifications. En c. et d., un bastion a été taillé complètement en pointe avec un angle large. Le château ne présente aucune particularité notable, le jardin est assez bien aménagé, et assorti de deux petits parcs tout à fait amusants ; mais les statues sont en terre et leur forme est si lamentable qu’on les croirait modelées par un potier.

L’église principale, sur la grande place du marché, est censée abriter de beaux tombeaux mais je n’ai pu rester assez longtemps pour les voir.

De Breda à Anvers, il faut emprunter une voiture de location extraordinaire, parce qu’aucune voiture ordinaire ne fait le parcours. Cette grande et célèbre ville est à dix heures de route. Je mentionnerai ses aspects remarquables dans le descriptif de mon voyage de retour.

D’Anvers à Gand, on circule avec une calèche ordinaire qui ressemble aux calèches de campagne allemandes. Gand est à dix heures de route d’Anvers, elle est très grande et assez bien bâtie, mais moins belle qu’Anvers. Sur une grande place se dresse, juchée sur une colonne noire, une statue de Charles V grandeur nature, entièrement dorée. Sa facture est passable. L’hôtel de ville est situé dans un angle où convergent deux rues, il est très haut et très grand. On distingue trois types d’architecture. D’un côté, 3 rangées de colonnes adossées accouplées, distantes de 4 entrecolonnements. L’ordre dorique, dans la partie inférieure, est décoré de bandeaux ou de bossages ; à la base, les colonnes se touchent ; au niveau des chapiteaux, elles sont pleines, sans abaque. Sinon, les triglyphes sont bien répartis ; la partie supérieure est d’ordre ionique et, tout en haut, d’ordre corinthien avec des consoles en saillie sur les frises, comme chez Serlio pour l’ordre composite. Le bâtiment est entièrement gothique sur tout son côté longitudinalNote: Le bâtiment est disposé en L avec deux faces principales. et très richement travaillé ; dans ce genre, il est difficile de trouver mieux. Le côté du bâtiment est ouvragé de la sorte jusqu’à la cinquième fenêtre ; puis une partie en architecture moderne s’étend sur 19 entrecolonnements et autant de fenêtres et présente un très bon aspect. Au-dessous de la 10e et de la 12e fenêtre, au rez-de-chaussée, s’élève un bon portail doté d’un perron de bonne disposition.

De Gand, on emprunte un carrosse suspendu pour se rendre à Lille, une grande et belle ville, située à 11 heures de Gand. Les fortifications de cette cité sont solides, elles se composent de hautes murailles et de bastions bâtis en brique à l’intérieur comme à l’extérieur, assortis de beaux ouvrages extérieurs. À certains endroits, les bastions sont très petits ; en revanche, des ravelines sont revêtues de contregardes, et les contrescarpes ont des places d’armes et des traverses. Devant la porte des Malades, les bastions sont plus grands, avec des flancs obliques, des orillons quadrangulaires, et des places basses retirées. La citadelle surtout est très joliment fortifiée, elle surpasse et de loin celle d’Anvers. Les portes sont également très bien disposées, en particulier celle qui est appelée la porte de France, celle des Malades, toute neuve en pierres de taille, très haute et magnifiquement dessinée,

[37]17{r}

comme on peut le voir sur l’esquisse qui suit. Les proportions sont un peu étroites et hautes, elles sont très plaisantes à voir. Les sculptures sont très aimables et charmantes.

[[Vue de la porte de Paris à Lille]]
[38]{17v}

La ville possède également de belles églises construites à la manière moderne, trois en particulier. L’église des Dominicains, d’ordre ionique dans sa partie inférieure, corinthien dans sa partie supérieure, comprend des colonnes et des pilastres dont la base est commune ; le dessin en est à peu près celui-ci.

À l’intérieur de l’église, des arcades reposant sur des colonnes ioniques isolées sont surmontées d’une galerie entièrement en pierre ; la disposition est aussi bonne que celle de l’église des Jésuites d’Anvers. Des deux côtés figurent des peintures, de magnifiques peintures de paysages, avec de petites scènes d’histoire chrétienne. L’église des Récollets et plus belle et d’une architecture plus pure. À l’extérieur, trois colonnades sont superposées : dorique avec des mutules, mais l’ordonnance n’en est pas bonne ; ionique avec des frises bombées, et corinthienne. J’ai dessiné ici la moitié de la façade. À l’intérieur, l’architecture ne présente aucune particularité remarquable.

L’église des Jésuites est de petite taille mais charmante ; elle possède un bel autel à colonnes corinthiennes de marbre rouge, assorties d’un beau tableau. Le portail comprend deux paires de colonnes doriques jumelées de part et d’autre, qui entourent une arcade de très bonnes proportions, comme on le voit sur le dessin suivant.

[[Vue d’une façade de l’église Saint-Étienne à Lille (à gauche)]]

[[Vue d’une façade de l’église des Récollets à Lille (à droite)]]
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De Lille à Arras, il faut à nouveau 11 heures. Cette ancienne ville épiscopale n’est pas de très bonne constitution. Les fortifications y sont entièrement en ruines. Elle ne comprend pas de bâtiments intéressants, à l’exception de deux tours rénovées et assez bien façonnées dans leur partie supérieure. La citadelle est très joliment construite mais elle se situe en contrebas par rapport à la ville et aux terrains qui l’entourent, pour des raisons que je n’ai pu élucider. Voilà pourquoi on trouve aussi autour de la citadelle des tirs de mousquets et des redoutes de briques détachées pentagonales, dotées de basses voûtes mais qui ne disposent ni de retirades ni de lignes de communication.

D’Arras à Amiens, il faut à nouveau 11 heures. Cette ville est convenablement construite, mais on voit partout transparaître la pauvreté des sujets français, bien qu’ils s’emploient à la dissimuler par tous les moyens. Il n’y a rien de remarquable dans la ville hormis la cathédrale Notre-Dame, dont les Français font très grand cas. Pour eux, on a rien vu en France aussi longtemps qu’on n’a pas vu cette église. Elle est en pur gothique, et construite assez richement dans ce style : les {archivoltes}Note: Knesbeck écrit probablement Vrissen (le mot n’est pas clairement lisible), que nous avons traduit ici par archivoltes, ce qui correspond au décor du portail. du portail principal abritent à elles seules une centaine de figures assises, d’un dessin tout à fait misérable. Les stalles du chœur sont de la très bonne sculpture sur bois, dans le même style. Cependant, cette cathédrale n’est même pas aussi belle que l’église Saint-Laurent de Nuremberg et elle ne peut en aucun cas être comparée à la cathédrale de Ratisbonne.

D’Amiens, il faut parcourir 7 lieues françaises pour atteindre BreteuilNote: Knesebeck se trompe dans le nom de la bourgade qu’il nomme « Bretteville » dans l’original allemand. Une lieue terrestre égale 4,445 km (voir : Paul Fréart de Chantelou, Journal de voyage du cavalier Bernin en France, éd. Milovan Stanić, Paris, Macula-l’Insulaire, 2001, p. 38). La distance entre Amiens et Breteuil serait donc de 31,16 km, ce qui correspond à peu près la distance actuelle calculée à 31,9 km., 6 lieues et demie jusqu’à Saint-Just, 3 jusqu’à Clermont, 3 jusqu’à Creil et 3 jusqu’à Luzarches et 4 jusqu’à Saint-Denis. La basilique de Saint-Denis fait partie des belles églises gothiques. On y a enterré les rois, et on peut y voir beaucoup de beaux monuments de marbre, mais tous sont éclipsés par le tombeau du maréchal de Turenne. Il se trouve à gauche en entrant, à côté du chœur, non loin de l’entrée et du mausolée rond des rois dont Marot a fait un si joli dessin, bien que l’édifice soit délabré et d’aspect tout à fait misérable. Avant d’atteindre le tombeau de Turenne, on peut encore voir à l’extérieur celui du roi Louis XII (et d’Anne de Bretagne), dont les effigies sculptées reposent sous des arcades entre lesquelles se tiennent des statues des Vertus, bien sculptées et bien dessinées. Les Filles de l’Assomption possèdent dans ce lieu une petite église bien faite que l’on peut voir sur la figure qui suit. L’architecture en est très correcte et les proportions bien exécutées ; la construction est honnête et soignée, mais par ailleurs très modeste. La colonnade ionique inférieure semble entièrement construite avec des proportions à la Scamozzi ; les colonnes ont presque conservé cette ordonnance malgré la présence d’un entablement. Tout l’édifice est fait de pierres taillées, et la couverture est en ardoise.

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[[Vue de la façade de l’église des Filles de l’Assomption à Saint-Denis]]

De Saint-Denis à Paris, il faut encore parcourir une lieue et demie. En passant par la porte Saint-Denis, j’ai pu constater qu’elle était parfaitement conforme à la gravure de Blondel dans son Cours d’architecture. La disposition est la même à l’intérieur et à l’extérieur, et les sculptures sont d’une qualité remarquable. Avant Anguier l’Ancien Note: C’est Michel Anguier (1612-1686) qui travaille sur la porte Saint-Denis et non son frère aîné François (1604-1669). On ne sait pas pourquoi Knesebeck désigne Michel comme « l’Ancien » (ältern Anguier)., c’est Girardon qui les avait commencées, mais il a dû s’interrompre pour exécuter des commandes royales. Pour le reste, il n’y a pas grand-chose à voir en matière d’architecture dans la rue Saint-Denis, à l’exception de la fontaine des Innocents, qui est considérée comme un très bon exemple d’architecture épurée. L’édifice possède deux niveaux ; l’étage inférieur est très modeste mais l’étage supérieur est tout à fait charmant. La fontaine est adossée à une maison et seules deux faces sont dégagées : l’une donne sur la petite rue Saint-Denis sur une longueur de deux arcades et l’autre s’étend sur trois arcades de très bonnes proportions et elle est deux fois plus haute. Dans l’intervalle figurent des pilastres composites d’une largeur de cinq modules. Sous les arcades sont installées des balustrades. Entre les pilastres se trouvent des nymphes en haut-relief comparables à des statues ; leur dessin est bon, surtout en ce qui concerne les vêtements. Sous les balustrades des arcades,

[41]19{r}

sur les bases qui forment les stylobates, figurent des bas-reliefs de petits enfants et de naïades. C’est Jean Goujon, un sculpteur habile, qui a dessiné et exécuté tout cet ouvrage en 1550. L’œuvre est tout à fait dans le goût antique. Cependant, il est dommage que cet édifice ne soit pas du tout nettoyé ; on peut en dire autant de la plupart des monuments de Paris. On verra sur la figure suivante le plan et l’élévation de la façade.

Plan et élévation de la fontaine des Innocents dans la rue Saint-Denis à Paris

En bas, au-dessus du robinet, on peut lire les mots ‘Fontium Nimphis’. Sur le côté figure cette inscription gravée dans le marbre noir :

Quos duro cernis simulatos marmore fluctus
Hujus Nimpha loci credidit esse suos. 1689Note: Aux nymphes des fontaines / Voyant les flots que l’art sur ce marbre figure La Nymphe les a pris pour son eau qui murmure. 1689. Victor-Augustin Vanie Dictionnaire grammatical critique et philosophique de la langue française, Paris, chez l’auteur, 1836, p. 230 (traduction d’Éloi Johannot). Une traduction moins lyrique serait : « Voyant le flot imité sur ce marbre, / La Nymphe de ce lieu l’a pris pour le sien. 1689  »

Plus haut dans la rue Saint-Denis, du côté opposé, s’élève l’église Saint-Leu-Saint-Gilles, un édifice très simple. On peut cependant y voir une œuvre remarquable, La Cène de Frans Pourbus, un tableau très bien exécuté placé au-dessus du maître-autel. À gauche de la nef, une chapelle est éclairée par une petite coupole ;

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son ordonnance est très convenable, elle contient de nombreux tableaux, dont un Souper des disciples à Emmaüs, dans lequel le Sauveur tend une hostie à un disciple. À l’arrière, à côté du chœur, on peut voir le tombeau de Charlotte de BesançonNote: Knesebeck se trompe, il s’agit du tombeau de Marie des Landes, épouse de Chrétien de Lamoignon, réalisé par François Girardon et qui se trouvait initialement dans l’église Saint-Leu à Paris. Voir Maral 2015., conçu par Girardon, un bon travail, dans lequel on apprécie en particulier un bas-relief représentant la veuve du conseiller d’État de Lamoignon accompagnée dans sa dernière demeure par des pauvres pour lesquels elle avait eu beaucoup de bontés. J’ai vu le reste de la ville en suivant l’ordre que voici.

1. Le palais des Tuileries, dont on peut voir les deux façades dans les gravures de Marot, qui sont tout à fait fiables. Elles ont été entièrement bâties en pierres de taille, avec beaucoup d’application et d’art. On voit à peine qu’elles ont été exécutées à différentes époques. Dans le bâtiment central qui jouxte la cour, le marbre abonde : toutes les colonnes du pavillon central, qui sont de différents types, les deux pilastres ioniques et, çà et là, des panneaux placés sur les murs au-dessous des fenêtres. Les proportions du bâtiment central plus ancien sont meilleures que celles des deux ailes nouvelles placées à l’extérieur de part et d’autre : au-dessus des pilastres corinthiens, l’entablement est beaucoup trop haut et donne à ces derniers une apparence trop frêle et insignifiante.

2 modules

1 1/3 modules

1 module

1 2/3 modules

L’ordonnance du profil de cet entablement est particulière, comme on peut le voir sur le dessin. J’ai pu observer dans ce cas comme dans bien d’autres que la proportion de cinq modules donnée par Vignole pour les entablements corinthiens n’est pas agréable à l’œil : elle est trop lourde. Pourtant, les architectes de Paris ont généralement suivi Vignole dans presque tous leurs ouvrages. Dans l’autre colonnade du bâtiment central, l’ordre n’est pas maintenu : les pilastres corinthiens ont été remplacés par des gaines de termes à corniches, prévues pour supporter des bustes ; on n’en voit cependant qu’un petit nombre du côté du jardin.

L’intérieur du palais mérite vraiment la visite. Au rez-de-chaussée, l’avant-corps du bâtiment a été ouvert par la construction d’arcades entre lesquelles sont intercalés des pilastres engagés et des colonnes ioniques ; ils sont surmontés d’entablements pleins, mais beaucoup trop bas ; ceux qui voient là une corniche architravée sont dans l’erreur, ils se laissent abuser par les consoles de la frise. L’escalier est une très bonne construction en pierres de taille sur voûtes,

[43]20{r}

qui respectent les règles de la coupe des pierres. Les pièces sont toutes revêtues de riches dorures ; les sculptures des portes et des encadrements des fenêtres sont très opulentes ; elles sont délicates et faites proprement. On voit sur les murs toutes sortes de grotesques dans une multitude de belles couleurs, sur fond d’or ou peintes et rehaussées à l’or sur fond blanc ; ce sont là de magnifiques inventions, particulièrement plaisantes. Les peintres qui les ont réalisées s’appellent Lemoine : l’un est de Paris et l’autre originaire de Lorraine. Dans la salle de gardes, le plafond a été peint en gris sur gris par Loir, qui a aussi peint en couleur dans l’antichambre un soleil levant sur lequel se détache une Aurore accompagnée des Heures et d’autres divinités païennes. À côté, 4 paperolles portent les quatre Saisons. Dans le cabinet, le plafond est de Bertholet. La corniche dorée, surmontée de quantité d’ornements de plâtre, entoure une voûte en miroir de Lerambert ; les statues assises et couchées placées sur le côté sont de Girardon. Les murs de la Grande Galerie ont une apparence modeste et elle a été démeublée, mais les précieuses armoires qui s’y trouvent méritent vraiment le détour. Elles possèdent le plus souvent un décor architecturé de jaspe et d’autres pierres précieuses, entrecoupé de toutes sortes de compartiments ornés de ciselures d’argent et d’or, de miniatures et d’autres parures. Le plafond en berceau est très bien peint, Errard a copié ici avec beaucoup d’application le plafond de la galerie Farnèse de Rome, œuvre d’Annibal Carrache. Les nus que l’on voit sur la corniche sont en stuc ; ici par contre ils sont simplement peints, mais si bien et si naturellement qu’on les prend pour des reliefs. Les appartements de la Reine, qui donnent sur le jardin, sont plus petits ; à côté ont encore été aménagés un cabinet et une chambre donnant sur le jardin, faisant partie de l’apppartemnt du Roi : son plafond et les dessus-de-porte sont de Coypel l’Ancien. Les appartements de la Reine, quant à eux, ont été peints par Nocret ; on peut surtout lui reprocher d’avoir placé la peinture d’histoire au plafond, ce qui n’est pas convenable, et de ne pas représenter les scènes en raccourci, ce qui produit une impression déplaisante. Dans l’appartement de la Reine, la cheminée et les portes sont déjà ornées de miroirs : ce n’est donc pas là une si grande nouveauté. Au-dessous sont installés les appartements du Dauphin, qui abritent les maquettes des plus excellentes fortifications ; l’autorisation de les visiter n’est plus accordée facilement. La salle des Machines ou Theatrum, qui occupe la partie inférieure du bâtiment à côté de la chapelle et de l’escalier, est magnifiquement aménagée : elle est peinte de manière très remarquable et décorée de marbre et d’une architecture bien peinte et richement dorée. La disposition des colonnes dans le proscenium est superbe ; mais surtout, le plafond qui surplombe le parterre est particulièrement précieux et digne d’être vu. Une place est réservée pour le roi tout à l’avant du parterre et celui-ci est séparé des bancs à gradins voisins par une haute balustrade de fer d’une hauteur de deux pieds. Au-dessus, les peintures du plafond ont été dessinées par Le Brun et peintes par Coypel.

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Un grand nombre de personnes peuvent contenir dans ce théâtre et voir la scène sans se gêner mutuellement, même si l’espace du parterre est très restreint. Cependant, on peut difficilement concevoir comment 7 000 personnes pourraient y trouver place, ainsi que les Français le prétendent : le calcul planimétrique de la capacité du théâtre pourrait facilement en apporter la démonstration. Celui qui l’a dessiné est un gentilhomme italien nommé Vigarini.

Le jardin des Tuileries est tout à fait charmant pour les promenades et ne manque ni d’allées, ni d’arbres taillés, ni de terrasses. En matière de fontaines, statues, etc., il ne présente cependant rien de notable. Les perrons des terrasses sont très bien dessinés, et le croquis de ce jardin qui figure chez Marot est tout à fait juste. Le célèbre Le Nôtre qui réside juste à côté en est le créateur. Son logis se compose de trois petites pièces successives ; celle de l’arrière peut offrir une petite salle passable. La pièce centrale abrite quantité de belles statues de métalNote: Knesebeck distingue « bronze » et « métal »., toutes à l’antique, et toutes issues de bonnes mainsNote: Cf. Marguerite Charageat, « Plans et vues du “logis” d’André le Nôtre aux Tuileries. Sa maison de la rue Saint-Honoré », Bulletin de la Société d’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. 84-86, 1957-1959, p. 77-82..

Le Louvre est un bâtiment magnifique, et il est dommage qu’on ne poursuive pas sa construction. En premier lieu, l’entrée, dessinée par Perrault, peut être considérée comme un chef-d’œuvre d’architecture. J’en ai établi l’élévation et le plan, comme on le verra sur la page qui suit. Au niveau de l’entablement, l’auctor a ajouté une cimaise lesbienne parmi les modillons, ainsi qu’un tore au-dessus de la frise, entièrement inversé par rapport à l’usage qui prévaut partout : voilà pourquoi j’en ai fait le dessin.

[[Vue d’un entablement de la façade sur rue de l’aile est du palais du Louvre à Paris]]

Le larmier est aussi trop plat. La hauteur de l’entablement semble supérieure à 4 modules et inférieure à 5. La cimaise devrait être plus grande et le larmier plus petit.

La qualité d’exécution de ces belles grandes pierres de taille est aussi parfaite qu’on peut le souhaiter, toutes les jointures perpendiculaires sont dissimulées au mieux. Les architraves sont composées de nombreuses pièces conformément aux règles de la coupe des pierres et, bien que celles-ci soient taillées en biseau à l’intérieur du mur, la taille en est toute droite à l’extérieur, là où elle est visible, ce qui leur donne un aspect d’autant plus curieux. Cependant, la plupart de ces seuils droits, par exemple au-dessus de la porte centrale, ont été renforcés avec une barre de fer. Ce type de seuil et d’architrave est aujourd’hui tout à fait courant à Parismais beaucoup présentent déjà une apparence délabrée ; sur ce point, l’ouvrage de Perrault se distingue nettement des autres. Les moulures situées au-dessus du larmier du fronton remontent des deux côtés,

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Élévation de l’entrée principale du Louvre dessinée par M. Perrault. Il n’existe pas en France de gravure de cette façade, à moins que le roi n’en ait fait réaliser pour son seul usage, et pour en faire présent à de grands personnages ; peut-être la jalousie en est-elle la cause – il est d’autres cas où elle joue manifestement un rôle. En termes d’exécution et de correction, ce bâtiment n’a guère son pareil au monde. Voilà pourquoi je l’ai dessiné avec davantage d’application que tout le reste.

Le module ou la moitié de l’épaisseur d’une colonne est de 3 pieds 3/4.

15 5/? modules 2 ? modules

8 6/7 modules

11 14/21 modules

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elles sont d’un seul tenant et il fallu beaucoup d’art pour mettre en place ces pièces de pierre très longues et larges mais très fines. À cet effet a été créée une machine spéciale que les Français estiment supérieure à l’ouvrage qui a permis à Fontana de dresser l’obélisque du Vatican à Rome. La disposition de cette architecture – mais avec, cette fois, seulement des pilastres – a été conservée sur le côté du Louvre qui donne sur la Seine. Le seul aspect qui pourrait à juste titre déplaire serait le suivant : au-dessus des fenêtres principales intercalées entre les pilastres corinthiens, très beaux et bien proportionnés, on ne trouve à l’étage supérieur que de mauvaises petites fenêtres à arcades, comme on le voit sur la figure suivante.

[[Vue d’une travée de la façade côté Seine du palais du Louvre à Paris]]

Au demeurant, cette disposition se rencontre beaucoup à Paris, surtout dans les bâtiments de Mansart, comme ceux de la place des Victoires ou de la nouvelle place des Conquêtes ou de Vendôme. Il est incontestable qu’elle porte grandement atteinte à la majesté du reste du bâtiment. La cour est une immense place quadrangulaire dont un angle est encore occupé par l’ancien bâtiment du Louvre, qui a la forme d’une équerreNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise le mot Winckelhacken. et occupe moins de la moitié de l’ensemble du bâtiment actuel. Il possède une ordonnance à 3 étages : l’étage inférieur est corinthien, le premier étage est romain et le second ne comprend qu’un attique. Le nouvel édifice a conservé toute cette ordonnance : là encore, le deuxième étage n’est pas d’une hauteur complète et, au lieu de lisières, il est orné d’un ordre complet prétendument censé être l’ordre français. Le Louvre ancien, dont l’ordonnance a été publiée dans une élévation gravée de Marot, est entièrement terminé et nul ne peut nier que non seulement les bonnes proportions sont parfaitement bien observées mais que tout a été exécuté avec le plus grand art et toute l’application possible ; les sculptures sont abondantes, mais sans désordre, elles sont réalisées si proprement et comme il faut, elles sont si bien ordonnées et d’une invention si intelligente qu’il n’y a rien à corriger. Les nouvelles sculptures doivent être travaillées, elles aussi, de la même façon, ce qui va occasionner des frais inouïs et demandera encore beaucoup de temps. Pour l’instant, tout a seulement été ébauché, à la manière française : le tailleur se contente de donner une forme approximative à toutes les pierres qui doivent être sculptées, en conservant la hauteur et l’épaisseur maximales requises, et on les fixe au mur telles quelles. Elles sont sculptées après coup à même le mur. Parisest plein d’ouvrages ébauchés de cette façon, dont certains sont si anciens qu’ils menacent de s’effondrer avant d’avoir été terminés. Un bon architecte se donne pour

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règle d’éviter autant que possible l’excès de sculptures. Le toit est percé comme ceux que l’on appelle toit à la Mansarde, mais a été construit bien avant Mansart. On n’est donc pas en droit de prétendre que celui-ci en a été l’inventeur.

À l’intérieur du nouvel édifice, tout reste encore à faire, les murs extérieurs sont à nu. Le Louvre ancien offre beaucoup de choses à voir à l’intérieur. Certaines des pièces de l’étage supérieur ont été données à l’Académie française et à l’Académie d’architecture. Les plus magnifiques sont vides ; elles ont été ornées à la manière de celles des Tuileries, et sont elles aussi richement dorées et sculptées. Je mentionnerai ici brièvement les éléments les plus remarquables.

Les escaliers qui mènent des deux côtés au vestibule du bas et à la chapelle du haut sont à deux rampes entre des murs, avec des voûtes en berceau richement sculptées. Les pièces de l’Académie d’architecture ne présentent pas d’ornements particuliers ; la curiosité la plus remarquable sont les maquettes de différents édifices royaux. Dans la première pièce en venant de l’Académie des devises, on peut voir en bas à côté de l’entrée une maquette du pont de bois de Perrault avec ses butées de pierre, réalisée avec le plus grand soin. Elle fait 32 pieds de long et les tasseaux de bois ne font pas plus d’un pouce à l’exception d’un tout petit nombre. La figure suivante en donne une élévation approximative.

Élévation de la moitié du pont inventé par Perrault. Selon cette invention, l’arc peut être plus plat encore que sur ce dessin, si on voulait représenter encore davantage la jonction.

Pour montrer la solidité de ce pont, on a placé sur la maquette une lourde charge de pierres. Deux autres grandes maquettes figurent au-dessus, une en pierre, d’après le dessin de Perrault, l’autre en bois d’après Louis le Vau, représentant le grand escalier qui devait être construit au Louvre.

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À l’étage, dans l’une des pièces de l’Académie d’architecture, est exposée une grande maquette du Louvre tout entier dans son aménagement actuel, et, à part, une autre de la nouvelle entrée principale dont il a été question plus haut, à une plus grande échelle. Les sculptures sont reproduites proprement en lavis et rien n’a été oublié. La façade côté Seine est magnifique, avec deux avant-corps sur les coins, et un grand perron : ces dispositions n’ont pas été suivies dans l’ouvrage. Dans une autre pièce est présentée une autre maquette de l’entrée principale de Perrault, en grand format, en bois brun, ainsi qu’une maquette générale de tout Fontainebleau, et, à part, une maquette plus grande du château de Fontainebleau. Une autre illustre la rénovation à venir du château de Chambord. Une autre l’escalier de Nancy ; le palier carré qui entoure la rampe est occupé par des colonnes ioniques. Viennent ensuite deux maquettes de chapelles d’une composition inventive, et deux autres de toits en forme de dôme. Enfin, on peut voir la maquette du fameux Cavalier Bernin pour l’entrée principale du Louvre, qui surpasse en renom les trois autres dessins conçus par les Français, à ceci près qu’entre deux colonnes, on a introduit des paires de fenêtres, et que les trois arcades ordinaires de l’entrée ne sont, à mon avis, pas à leur place. L’ordre romain avec l’entablement de consoles est par ailleurs beaucoup mieux proportionné que chez les autres. Un dessin de la moitié de la façade est donné sur la page qui suit.

La pièce suivante est tout à fait somptueuse et riche en dorures, mais ne présente rien de particulier. De ces appartements, on passe à la galerie d’Apollon, qui est entièrement démeublée, et occupée par des échafaudages. La voûte en berceau de la galerie offre cependant un aspect plaisant : ses peintures, auparavant, n’avaient guère été soignées, mais son encadrement, de la main de Girardon, est presque complet et tout à fait magnifique. La peinture de l’arc-de-cercle à l’extrémité côté Seine est achevée, ainsi qu’une autre située sous les cartouches. On peut également voir dans cette pièce la Bataille d’Arbèles de Le Brun, qui fait 16 pieds de haut et 39 pieds de large et, à côté, un tableau de Paul Véronèse presque aussi grand qui représente le repas du Christ chez le Pharisien, avec la visite de la pécheresse. C’est ce tableau que les Français ont pris à tort pour les Noces de Cana en Galilée, encore conservé à l’heure qu’il est dans le couvent des Bénédictins de Venise. À part ceux-ci, sont encore accrochées dans cette pièce une Famille de Darius peinte par Mignard à l’imitation de celle de Le Brun, mais qui ne saurait rivaliser avec son modèle ; et une belle Bataille de Salvator Rosa, qui fait environ 5 pieds de haut et 8 pieds de large.

Dans une pièce située après l’Académie des peintres, on peut voir une Sainte Famille de Léonard de Vinci ; deux médaillons de Jules Romain, peints sur les deux faces, en grisaille, de mille hommes à la bataille, magnifiquement dessinés en petit formatNote: D'après l'inventaire de Charles Le Brun réalisé en 1683, trois tableaux de Jules Romain se trouvaient dans la collection de Louis XIV : un portrait de Jeanne d’Aragon, une Adoration des bergers entre saint Longin et saint Jean l’Évangéliste et le Triomphe de Titus et Vespasien, tous conservés au Louvre aujourd’hui encore. ; au-dessus, le Passage du Granique de Le Brun et la

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Élévation de l’entrée principale du Louvre à Paris, selon l’ordonnance prévue par le Cavalier Bernin, de Rome. Dessinée d’après la maquette conservée au dit Louvre.

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la Défaite de Porus ; dans une autre pièce figurent de bonnes copies de Raphaël, une Vénus couchée du Titien, le Triomphe d’Alexandre de Le Brun, ainsi que le meilleur de ses tableaux, la Descente de Croix. Enfin, on peut encore voir quelques portraits de Rembrandt et Antoine van DyckNote: Le Louvre possède encore plusieurs portraits des maîtres flamands provenant des collections de Louis XIV et qui pourraient faire partie des oeuvres que Sturm voit ici : un portrait des princes palatins Charles-Louis Ier et son frère Robert (1637), le portrait d'une dame de qualité et de sa fille (1627-1632), ainsi qu'un portrait de James Stuart (1633-1634) par Van Dyck mais également l'autoportrait au chevalet (1660) de Rembrandt.. De là, on passe à l’Académie des peintres, et en premier lieu à la salle où les Académiciens se réunissent tous les dimanches. Elle est remplie de toiles, non seulement celles qui ont été données par chacun des maîtres admis à l’Académie, mais aussi celles que présentent des élèves déjà formés ayant reçu un prix offert par le roi ; elle abrite également des modèles de plâtre sculptés d’après les antiques, comme la Vénus de Médicis, le Laocoon, Antinoüs, l’Hercule Farnèse, Flora et l’Athlète ; on peut y voir également des contrefaits et bustes des bienfaiteurs de l’Académie. De là, on traverse encore une pièce remplie de toutes sortes de tableaux et on arrive à la salle où sont réunis les élèves ; elle est richement ornée de modèles de plâtre, et surtout de bas-reliefs et de bons tableaux. De là, on passe enfin à la salle de dessin où posent les modèles vivants : ils sont au nombre de deux, un Français et un Italien, tous deux sont bien bâtis, et chacun pose trois heures durant une semaine sur deux, pour un salaire annuel de 400 francs. De l’Académie des peintres, on arrive à la Grande Galerie du Louvre. Sa longueur est de 1 362 pieds français, on en voit à peine le bout, j’ai compté plus de 700 de mes pas. Du côté du Louvre, on a commencé à l'aménager avec des boiseries sur les murs et une voûte en berceau peinte en grisaille par Poussin. Mais les compartiments sont tous de faibles dimensions garnis de petits tableaux, ce qui n’est pas heureux. Lors de ma visite, les peintres de l’Académie y avaient suspendu leurs œuvres comme ils ont l’habitude de le faire chaque année, en offrant à tous la possibilité de les contempler sans contrainte. En ce qui concerne la perfection du dessin, je ne me permettrais pas de porter un jugement sur des maîtres aussi habiles, mais pour ce qui est de l’ordonnance, de l’action et de l’esprit, je ne balancerai pas : je préfère à tous les autres le travail de Coypel le Jeune, qui est âgé d’une trentaine d’annéesNote: Knesebeck exprime ici sa préférence pour les artistes rubénistes qui privilégient la couleur en peinture, contrairement aux poussinistes qui privilégient le dessin..

Quand on redescend de l’Académie des peintres, on peut arriver par l’arrière dans les appartements du niveau inférieur du Louvre ancien appelés les Bains de la reine, du nom de la pièce principale de ce niveau. On ne saurait imaginer de décor plus riche que celui-ci. Toutes les pièces sont revêtues de dorures sur bois, les moulures sont remarquablement sculptées et de belles grotesques sont peintes sur les panneaux compartimentés. Dans l’une des pièces, on peut voir beaucoup de paysages peints à la fresque. Les plafonds sont, selon l’usage français, des voûtes à fond plat richement dorées, décorées de belles peintures. Tous les tableaux sont ici de Francesco Romanelli, un Italien.

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La salle des Bains abrite les portraits peints d’après nature des ancêtres de la reine, de Philippe Ier à Philippe IV. Cette pièce est la plus belle de toutes, même si elle n’est pas aussi riche que le Cabinet. Les murs sont revêtus de boiseries dorées, entre lesquelles sont interposés des pilastres ioniques de marbre noir, dont les chapiteaux et les pieds sont de bronze doré. Le plafond lui aussi est entièrement doré ; sur les panneaux, des grotesques sont peintes en clair-obscur avec du lapis-lazuli. Une partie du sol de la pièce est légèrement surélevé et pavé de marbre ; c’est là qu’a été installée la baignoire de marbre blanc. Cet espace est séparé du reste de la pièce par une belle balustrade de marbre. La salle des Antiques qui est juste à côté peut être regardée comme un joyau d’architecture. Elle est entièrement recouverte de marbre ; les niches sont décorées de belles colonnes, toutes en marbres rares. Ces niches abritaient autrefois des statues antiques qui ont à présent été transportées à Versailles. La dernière pièce de cet appartement est la salle des Suisses qui permet de regagner le vestibule. Les quatre caryatides, travail d’une rare beauté et excellent dans ses proportions, sont reproduites tout à fait fidèlement dans le Vitruve de Perrault. Les caryatides qui figurent au sommet du pavillon que l’on traverse pour entrer dans le Louvre du côté des Tuileries, face à la cour, sont faites à l’imitation de celles-ci, mais elles sont moins soignées. C’est Goujon qui les a sculptées ; il a laissé à Parisquantité d’œuvres magnifiques. Dans cette salle, on trouve aussi une importante série de moulages de plâtre que le roi a fait réaliser de la façon la plus précise à Rome sur les formes antiques, afin d’en avoir de bonnes copies.

Le Palais-Royal Depuis le Louvre, on peut emprunter la rue Saint-Honoré, où il y a beaucoup à voir, et arriver en premier lieu au Palais-Royal offert au duc de Chartres par le roi mais habité à présent aussi par son père, le duc d’Orléans. De l’extérieur, le palais n’a rien d’imposant, car sa hauteur est très réduite ; malgré tout, compte tenu de l’espace qui s’étend devant et de sa largeur, il est tout à fait passable. À l’intérieur, trois appartements principaux sont surtout à voir, celui de Madame, celui de Monsieur, et le troisième du duc de Chartres. Le premier est très bas de plafond mais richement décoré, les pièces sont aussi très petites, l’une d’entre elles est ornée de boiseries dorées, dont les panneaux sont occupés tantôt par des toiles, tantôt par des miroirs. L’autre appartement est un peu plus haut de plafond et plus spacieux. C’est surtout le cabinet qui est très opulent : les murs ornés d’encadrements dorés sont entièrement recouverts des plus magnifiques miniatures. Sur une belle petite armoire marquetée est exposé un assez grand nombre de médailles d’argent en rangées superposées, qui sont toutes simultanément à hauteur de vue. Dans cet appartement, les cheminées sont maintenant aménagées avec des miroirs à la mode française la plus répandue ; la tablette est très saillante

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par rapport au reste de la cheminée et on peut ainsi y poser des objets. Pour rejoindre le troisième appartement, celui de la duchesse de Chartres, on traverse la galerie qui est ordonnée à la manière ancienne avec un plafond plat à poutres apparentes richement sculptées et dorées par endroits. Les murs sont ornés d’une manière tout à fait somptueuse et agréable avec plusieurs contrefaits qui représentent, grandeur nature et en pied, les plus grands et les plus célèbres personnages du royaume de France. Au-dessus de ces figures et dans les intervalles qui les séparent, on a ménagé quantité de panneaux plus petits sur lesquels sont peintes les histoires les plus remarquables de ces personnages. À l’exception d’un petit nombre de contrefaits proches de la porte donnant sur l’appartement de la duchesse de Chartres, dont le portrait de Turenne, tout a été peint par le célèbre Simon Vouet. De par leur disposition, leur taille, leur hauteur de plafond et leurs proportions, les appartements de la duchesse de Chartres sont beaucoup plus beaux que les précédents. Le grand escalier de ce palais est superbe, mais ne présente cependant aucune nouveauté et ne peut rivaliser avec celui des Tuileries. Le jardin est très beau, il a été aménagé selon l’invention de Le Nôtre.

L’église Saint-Roch est située juste un peu plus loin du côté de la porte Saint-Honoré. De l’extérieur, elle présente un aspect très simple. L’intérieur est assez correct avec une ordonnance de pilastres d’ordre dorique. On dit qu’elle a été dessinée par Lemercier. À côté de l’autel se dressent deux statues, l’une de notre Sauveur le Christ, l’autre de Saint Roch, dues toutes deux à Anguier. Du côté gauche, une chapelle est consacrée à saint André. Un tableau y représente la crucifixion de ce saint, par Jouvenet.

L’église des Feuillants se situe plus loin, sur le côté gauche, au milieu, en face de l’actuelle nouvelle Place royale. Même si la façade de l’église donne sur la cour intérieure, du côté de la porte Saint-Honoré, le portail ci-contre a été installé à l’extérieur, à l’entrée du couvent, juste en face de la statue équestre, ce qui fait une belle parade.

La façade de l’église est passable ; on en trouvera un croquis tout à fait fidèle dans la première partie de la Topographia Galliae de Zeiler. C’est le premier édifice qui a fait la renommée de Mansart l’Ancien. L’intérieur de l’église est très modeste, à l’exception des chapelles sur les deux côtés, décorées pour la plupart de riches boiseries. Celles-ci se composent principalement d’encadrements aux belles dorures entre lesquels sont intercalés de petits tableaux. Le marbre n’est pas très abondant. La chapelle de Rostaing, sur le côté gauche en entrant, est la plus belle ; elle possède de petites colonnes romaines en marbre extrêmement rare, qu’on tient pour antiques. Dans la chapelle suivante, sur le même côté, figure un tombeau qui se compose d’un buste de marbre blanc posé sur un petit piédestal surmonté d’un support arrondi Note: Dans l’original allemand, Knesebeck écrit « auf einer Rundung (n. f.) » : « sur un arrondi ». ; à côté se tiennent encore deux statues de marbre blanc.

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[[Vue de la façade sur rue du portail d’entrée du couvent des Feuillants à Paris]]

Le tombeau le plus distingué est celui du comte Henri d’Harcourt, en marbre à festons dorés, dont on peut voir une élévation dans la figure qui suit. Sur les côtés, les consoles du piédestal sont dans un marbre gris entièrement dépourvu de veines, qui n’est pas très beau d’aspect mais compte parmi les plus rares.

L’autel est simplement en bois, mais il est presque entièrement doré. Le retable est une Assomption par Bunel, une peinture assez convenable, déjà un peu ancienneNote: Jacob Bunel réalise deux peintures pour le maître-autel de l’église : l’Assomption de la Vierge (détruite en 1870) et le Christ au jardin des Oliviers, sur la face arrière, dont on perd la trace après la Révolution et le dépôt aux Petits-Augustins..

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Figure 1. Le tombeau du prince d’Harcourt dans l’église des Feuillants à Paris

Avant d’en venir à la description de ce couvent, j’aurais dû songer à une demeure qui se trouve plus loin sur le même côté. J’en ai dessiné la façade que l’on peut voir sur la figure suivante ; à ma connaissance, personne d’autre n’en a réalisé une gravure. Pourtant, elle n’est pas moins remarquable que les plus grandes façades des meilleurs hôtels. Elle a été construite par un certain Henry PussortNote: Cf. Brice 1701, p. 125-126 : « La maison de Henry Pussort, Doïen des Conseillers d’Etat, mort l’an 1697. L’entrée de cette Maison est embellie d’un excellent morceau d’Architecture, formé de deux Colonnes Ioniques, avec un Attique au-dessus, dans lequel sont les armes de ce Magistrat. Les proportions de l’ouvrage sont tres-regulieres, & le tout ensemble forme un objet agréable. Les dedans de ce Logis ont aussi de la beauté & de l’agrément. Le Jardin sur tout, quoique fort resserré, a tous les ornemens que l’on lui a pû donner. On y voit entr’autres choses quatre Perspectives, peintes par Nicolas Montagne de l’Académie. Bertin, Trésorier des Parties Casuelles a acheté cette Maison en 1697. & y a fait faire des réparations tres-considerables. Comme c’est un homme tres-riche & qui a des meubles magnifiques, cette Maison sera sans doute une des plus considerables de Paris, & dans laquelle il y aura beaucoup de belles choses à voir. » .

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[[Vue de la façade sur rue de la maison d’Henri Pussort à Paris]]
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La place où se trouvait auparavant le palais de Vendôme est à présent fermée sur les quatre côtés ; un très bel édifice en occupe trois ; sur le quatrième, vers la rue Saint-Honoré, la place est entièrement ouverte. À l’arrière s’élève une grande arcade à travers laquelle on a vue sur la belle petite église récemment construite d’un couvent de religieuses ; tout cet ensemble est très harmonieux. J’ai dessiné une partie de cet édifice dans la figure qui suit.

[[Vue de plusieurs travées de la façade de la place Vendôme à Paris]]

Les colonnes étroites devraient cependant être un peu plus distantes les unes des autres, afin de pouvoir abriter des niches de statues. De tous ces bâtiments, même la façade n’est pas entièrement terminée. L’aménagement est conçu de telle sorte que, derrière les arcades, un espace de circulation doit rester libre, comme sur la place Royale. Le reste doit être aménagé en logements. L’aile qui donne sur la grande porte doit abriter la Bibliothèque du roi et le logis du bibliothécaire.

Derrière cette place est en train d’être édifié un beau couvent des Capucines ; l’église est entièrement terminée et le chantier du reste du bâtiment est déjà assez avancé. Il est de faible hauteur mais très vaste,

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et la construction est tout à fait régulière. L’église est très simple du point de vue de l’architecture. L’intérieur est entièrement lisse et l’extérieur n’est orné que d’un petit portail dont le croquis figure ci-dessous.

L’architecte de la grande place tout comme de ce couvent est Mansart le Jeune, qui est actuellement en charge de tous les bâtiments du roi. D’autres l’attribuent à d’Orbay qui jouit à Paris d’une bonne estime.

[[Vue de la façade sur rue du couvent des Capucines à Paris]]

Mansart a imité ici la bonne église des filles de la Visitation de la rue Saint-Antoine, dessinée par son cousin Mansart l’Ancien. Il a repris le nom de ce dernier alors qu’il s’appelait Hardouin ; Mansart l’a adopté et nommé légataire de tous ses biens. Mais l’ordonnance de cette église ne saurait rivaliser avec celle de la précédente. A l’intérieur, elle ne présente rien qui soit digne d’éloges, hormis sa grande clarté.

Dans l’église, deux chapelles valent la visite ; elles se font exactement face. Dans celle qui se trouve à gauche en entrant, on peut voir le tombeau du célèbre duc Charles de Créquy ; dans celle de droite, le tombeau du grand ministre d’État François Michel Le Tellier, marquis de Louvois. Ces deux tombeaux sont en marbre et, de même, l’ensemble des chapelles sont entièrement revêtues de marbre, ce qui est superbe. J’ai dessiné ici les deux tombeaux.

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Figure 2. Tombeau de Louvois Dans l’église des Capucines derrière la place des Conquêtes.

Inscription.

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Figure 3. Tombeau du duc de Créquy dans l’église des Capucines à la place des Conquêtes à Paris.

Inscription.

On trouve ici une inscription.

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La première œuvre a été dessinée par Mazeline et Hurtrelle, deux sculpteurs reconnus de Paris, mais la seconde, plus belle encore, a été exécutée par l’excellent Desjardins et par Van ClèveNote: Ainsi que par Girardon. Voir Maral 2015.. Dans la chapelle de Créquy, l’autel qui fait face au tombeau est décoré de colonnes corinthiennes en marbre du BrabançonNote: Marbre noir veiné de blanc.. Le retable représente le Martyre de saint Ovide, il a été peint par Jouvenet. Dans la chapelle de Louvois, l’autel est simplement orné d’une peinture de l’Ascension du ChristNote: Il s’agit plus probablement d’une Résurrection du Christ, peinte en 1691 (œuvre disparue) par Antoine Coypel, juste après la mort de Louvois. Le musée du Louvre conserve une esquisse (pierre noire et sanguine) représentant un soldat fuyant et qui serait un travail préparatoire pour ce retable., par Coypel, entourée d’un encadrement de marbre. Sur l’autel, en marbre blanc, un bas-relief entièrement doré représente la mise au tombeau, un très beau travail.

Le grand retable est une Descente de croix de Jouvenet, une très belle peinture ; on voit très bien qu’il a imité celle de Le Brun, et l’a surpassé.

Depuis les Feuillants, on peut descendre sur le même côté et, après s’être dirigé vers la grande porte, on arrive à l’église des Sœurs de l’Assomption, dont Marot a donné, dans ses gravures, un plan, une élévation et un profil tout à fait fidèles. Elle est due à l’architecte Charles Errard. L’église toute entière se compose d’une grande coupole qui fait, à l’intérieur, 35 coudes de diamètre. Cette coupole présente une certaine lourdeur, et ne possède pas de bonnes proportions comme les autres coupoles de Paris. À l’intérieur, les têtes de chevrons ne sont pas bien ajustées et ne tombent pas exactement au milieu des colonnes. À l’extérieur, devant l’église, on peut voir un portique à colonnes corinthiennes non engagées, dont l’entablement est non seulement dépourvu de têtes de chevrons, mais n’est même pas tout à fait convenable pour l’ordre corinthien. Je l’ai dessiné ci-contre. Un connaisseur des bons édifices m’a confié que cet entablement n’est pas proportionné par rapport aux colonnes ; je n’ai pu le vérifier, du moins à l’œil nu.

La corniche est d’apparence dorique.

[[Détail des moulures du portail de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption à Paris]]

De part et d’autre du portique, l’encadrement des deux portes se présente comme dans la figure ci-contre. Je ne parviens pas à comprendre à quoi servent les parties saillantes laissées à l’extérieur (a.) : on ne peut pas en faire des sculptures adaptées à cet encadrement. Du reste, celui-ci n’est lui-même pas très bien profilé. Dans cette église, les peintures sont acceptables. Le maître-autel placé à droite de la porte en entrant est surmonté d’un retable figurant la

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Plan du pont Royal à Paris Pieds français

Naissance du Christ qui est d’une assez bonne ordonnance, œuvre du célèbre Houasse qui est actuellement directeur de l’Académie des peintres français à Rome. En face de la porte, sur un autel plus petit, on peut voir un crucifix de Coypel l’Ancien et, au-dessus de la porte, une fresque de l’Assomption par Coypel le Jeune. La coupole est ornée de caissons de formes octogonales allongées avec des cadres dorés ; tout en haut est peinte une Assomption par Charles de La Fosse, dans une manière assez particulière qui produit son effet. Entre les fenêtres sont déjà accrochés cinq tableaux, qui représentent la vie de Marie, peints par plusieurs maîtres de talent ; il en manque encore trois pour remplir tout le pourtour de la coupole. Voilà ce que j’ai trouvé de remarquable en matière d’architecture dans ce quartier. À présent, je voudrais me tourner vers l’autre partie de la ville, du côté du faubourg Saint-Germain. La première construction notable que l’on rencontre est un pont de pierre, appelé pont Royal, très bien exécuté en pierres de taille ; on peut observer une particularité : aux deux extrémités, le pont s’évase comme tous les ponts bien construits mais cet élargissement ne repose pas, comme c’est d’ordinaire le cas, sur le socle massif de la rive mais, au-dessus de l’eau, sur des voûtes dont la taille est étonnante et assez hardie. Lorsqu’on a passé ce pont, on peut se diriger à droite vers

L’hôtel des Invalides volontiers tenu pour le meilleur et le plus fameux monument royal. À Paris, un livre in-folio moyen est tout entier consacré à la présentation des plans, élévations, profils et perspectives complets de ce bâtiment : je me suis donc contenté d’un simple plan général de l’ordonnance des bâtiments.

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Figure 4. Plan général de l’hôtel des Invalides

cours

40 toises ou 240 pieds français

  • A. Bâtiment de quatre étages
  • B. Bâtiment d’un étage et demi
  • C. Bâtiment d’un étage
  • Y. L’église et sa coupole
  • Z. L’église des Soldats
  • X. Le maître-autel servant aux deux églises
  • a. Le réfectoire des soldats
  • b. L’hôpital des soldats
  • d. Les jeux d’eau
  • o. Un autel au milieu des salles de l’hôpital
  • p. L’entrée principale
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Cet édifice a été construit à part à l’extérieur de la ville, dans le quartier Saint-Germain, non loin de la Seine ; il fait face au cours de la Reine et possède par conséquent aussi une magnifique perspective. Il a été très joliment bâti entièrement en pierres de taille, et peut être considéré comme un palais royal. L’entrée principale est d’une ordonnance tout à fait singulière et un peu bizarre. Après avoir franchi un grand fossé qui fait le tour du bâtiment, doté d’un parement intérieur et extérieur et au fond duquel ont été aménagés de petits jardins, on accède au grand parvis qui s’étend devant cet édifice par un beau portail de fer forgé, et on a vue sur l’entrée principale et la façade la plus soignée. Cette entrée se compose d’une arcade sur toute la hauteur du bâtiment encadrant un mur en retrait doté, à l’étage, de trois fenêtres et, au rez-de-chaussée, de la porte de l’hôtel flanquée de deux fenêtres. Dans l’arc-de-cercle situé sous l’arcade, le roi a été représenté de profil à cheval, en bas-relief, avec une armure à l’arrière. Sur le grand arc diaphragme ont été sculptées des armes ; l’arc repose sur deux pilastres ioniques assortis de piédestaux également surmontés d’armes, à l’avant des pilastres ; au lieu de volutes, les chapiteaux sont ornés de cornes de bélier. La grande cour possède, sur la face intérieure, deux corridors ou galeries superposés à arcades ouvertes, sans colonnes intermédiaires. À l’opposé de l’entrée s’élève le portail de l’église des Soldats, qui se distingue par une double rangée de colonnes indépendantes accouplées. Au-dessous, on peut voir quatre coupoles ou 8 colonnes ioniques à cornes de bélier ; au-dessus, 8 colonnes de l’ordre dit français que d’Aviler décrit dans son Cours d’architecture. Les corniches et ornements sont d’une exécution beaucoup plus sommaire dans ce portail que sur les murs qui entourent la cour, alors que c’est lui qui aurait dû recevoir l’ornementation la plus fournie. Les quatre angles de la cour (notés 1, 2, 3 et 4 dans le plan), qui sont en saillie, sont surmontés sur le toit de deux chevaux de pierre en galop volant, très bien dessinés et sculptés. Les lucarnes placées à l’extérieur sur l’avancée du mur de façade et à l’intérieur sur les côtés de la cour sont remarquables, les autres sont très simples. Je les ai dessinées ici.

Une des lucarnes du côté de la grande cour

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Encore une des lucarnes de la grande cour

La forme des lucarnes à l’extérieur sur la façade avant

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À l’intérieur des bâtiments, on peut voir partout de beaux escaliers. Les grands escaliers placés des deux côtés de l’église, en particulier, peuvent être considérés comme des chefs-d’œuvre. Ils sont construits dans une belle pierre de taille, le long d’une cage d’escalier carrée, en vis suspendues comparables à des voussures placées en hauteur. Dans les ailes latérales donnant sur la grande cour, quatre longues et hautes salles du rez-de-chaussée sont décorées de peintures représentant les conquêtes du roi, mais elles sont pour la plupart très effacées et difficiles à identifier. Aux deux extrémités étroites sont accrochés, au-dessus des portes, des tableaux de Le Brun à la gloire du roi. L’un d’entre eux, juste à côté de l’entrée, est encore frais et on voit clairement qu’il représente le roi dans les nuages, un foudre à la main ; Le Brun a réalisé cette œuvre avec beaucoup de soin. Des deux côtés, dans chaque réfectoire, trois tables peuvent accueillir de 300 à 600 couverts, sans compter ceux qui purgent une peine en étant assis au milieu et contraints de boire de l’eau. En entrant à gauche, on accède aux cours des soldats malades, dont les bâtiments sont bas de plafond et forment une croix dont les pièces se rejoignent au centre dans un octogone. Les côtés de la croix sont comme de longues salles garnies de part et d’autre de lits de malades ; au milieu de l’octogone se dresse un autel que tous les malades peuvent voir. À l’extérieur, ces bâtiments sont bordés d’étroits couloirs qui, comme les salles de l’hôpital elles-mêmes, sont un peu surélevées par rapport aux cours. Ces couloirs étroits abritent les lieux d’aisance qui sont ainsi placés de manière à ne pas dégager de mauvaises odeurs.

En outre, les conduites d’eau de ce bâtiment sont très remarquables, raison pour laquelle je les ai fait figurer dans le plan général. Dans le bâtiment d. se trouve un système de pompage qui fait remonter l’eau d’une fontaine à l’aide de mulets ; sous le toit du bâtiment, l’eau se déverse dans un grand bassin ; de là, des conduites de plomb la font circuler dans tout le bâtiment, indiquées ici par des lignes en pointillé. Ces eaux et les eaux de pluie sont ensuite évacuées ensemble vers la grande cour et de là, comme l’indiquent les lignes ondulées, elles se déversent enfin à l’extérieur du bâtiment en passant sous l’entrée principale.

Ce qu’il y a de plus magnifique à voir, c’est la double église. Celle qui donne sur la grande cour est réservée aux soldats et bordée des deux côtés de belles colonnes corinthiennes entre lesquelles on trouve, au niveau inférieur, des arcades bien proportionnées formant des chapelles et, au-dessus, des arcades très basses formant des galeries. Pour le reste, cette église ne présente aucune particularité notable, elle est très simple mais son ordonnance est bonne. J’ai davantage observé l’autre église qui ouvre sur la ville. J’en ai déduit que les Français n’étaient pas encore tout à fait corrects dans leur manière de dessiner les bâtiments, à l’exception de Perrault. Cette église est le chef-d’œuvre de Mansart le Jeune. Elle a été entièrement voûtée d’une coupole de pierres de taille et elle est très richement ornée de sculptures. Son exécution est irréprochable et les sculptures sont d’une facture vraiment délicate,

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mais elles ne sont pas encore terminées. Selon l’usage français, on commence par construire les murs. La façade extérieure est dorique dans sa partie inférieure, et corinthienne dans sa partie supérieure. Les colonnes doriques sont accouplées et elles ont un défaut que je signalerai également plus loin à propos de l’église des Minimes : les moulures des bases et des chapiteaux se touchent. Cependant, cette faute énorme et scandaleuse ne saute pas autant aux yeux ici que dans l’église des frères Minimes dont il a déjà été question. Pour bien montrer l’erreur commise, j’ai établi ici un plan précis des colonnes du milieu du portail. J’ai cependant commis moi-même une bévue en fixant l’entrecolonnement extérieur à 7 modules alors qu’il est de 7 1/2 modules ; mais cela ne change rien ici. À Clagny, le même Monsieur Mansart a commis cette faute irresponsable de manière beaucoup trop visible, comme je le signalerai le moment venu, et il aurait mieux fait de ne pas s’égarer en choisissant cet ordre.

Il faudrait 7 1/2 modules.
21/2 m.
5 mod.
5 mod.

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La faute commise ici est la suivante : l’architecte a utilisé des mutules sur la corniche, ce qui est absolument prohibé lorsqu’on a affaire à des colonnes doriques accouplées. J’ai dessiné ici fidèlement à la fois l’entablement dorique et l’entablement corinthien placé au-dessus, sans que les éléments soient rendus à l’échelle, car je n’ai pas pris leurs mesures des moulures : cela ne valait pas la peine. Du reste, il faut reconnaître que le profilage de ces entablements est assez bon, même si les modillons de la corniche corinthienne sont beaucoup trop longs.

[[Vue de l’entablement des colonnes d’ordre dorique dans la partie inférieure de la façade sur rue de l’église du Dôme à Paris]]
[[Vue de l’entablement des colonnes d’ordre corinthien à l’étage supérieur de la façade sur rue de l’église du Dôme à Paris]]

L’intérieur de l’église est riche d’un nombre considérable de sculptures, toutes d’une facture extrêmement délicate. Cependant, l’architecte a commis une erreur tout à fait manifeste sur la corniche qui, comme ses autres bévues, peut d’autant plus lui être reprochée que les architectes français se flattent de maîtriser la correction de l’architecture jusque dans ses ultimes subtilités. L’erreur consiste en ce que les modillons de la corniche située sous la coupole se rejoignent d’une façon qui n’est pas heureuse, comme on peut le voir sur le dessin suivant.

[[Plan schématique de la corniche continue sous la coupole de l’église du Dôme à Paris]]

Au moment où j’ai visité cette église, on venait de construire en plâtre le maître-autel qui doit servir pour les deux églises. Il se compose de six colonnes torses comme celui du Val-de-Grâce. De façon générale, on ne peut que féliciter les Français de commencer par construire entièrement en plâtre les ouvrages qui, comme cet autel, doivent ensuite être exécutés en marbre, et de présenter ainsi de véritables maquettes abouties qui permettent de se rendre compte très clairement de l’effet produit par l’ouvrage à venir.

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À l’extérieur, on peut déjà voir de belles statues de marbre blanc : entre autres, deux anges assis sur la corniche du portail principal, dus à Van Clève, sont particulièrement remarquables. Sur le fronton figurent deux statues couchées censées être l’œuvre de Coysevox ; mais l’éloignement ne permet pas de reconnaître avec une entière certitude leur délicatesse. Depuis l’hôtel des Invalides, en revenant vers la ville, il faut absolument voir le collège Mazarin, situé juste en face du Louvre de l’autre côté de la Seine; il est très bien dessiné. À ma connaissance, il n’existe qu’un profil de l’église gravé parMarot, ce qui est regrettable. J’en propose ici une esquisse mais je ne saurais dire si elle est fiable du point de vue des mesures et dans le détailNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise le mot minutiis du latin minutia, ae (n. f.) : petite parcelle, poussière et minutus, a, um (adj.) : petit.. J’ai voulu du moins dessiner le plan de l’église de façon aussi fidèle que possible, car j’en ai trouvé la disposition tout à fait plaisante.

[[Plan de la chapelle du collège des Quatre-Nations à Paris]]
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Collège Mazarin À l’extérieur, l’église est ornée de colonnes corinthiennes de proportion convenable, mais beaucoup de colonnes sont trop rapprochées, ce qui n’est pas beau, comme on peut sur le plan. Sur la corniche figure un bandeau de denticules mais ceux-ci ne sont pas taillés ; il s’agit là de bâtiments annexes censés être moins ornés. Sur l’attique qui s’étend de part et d’autre du fronton et qui ressemble à un alignement de socles ont été placées six paires de statues qui font une très belle parade. À côté de la coupole se tiennent d’abord deux évangélistes de part et d’autre, les autres sont quatre Pères de l’Église grecs à droite, et quatre Pères de l’Église latins à gauche. Dans le fronton, autour de l’horloge, deux femmes sont étendues ; l’une porte un marteau et une cloche, l’autre une règle et un livre ; toutes ces sculptures sont bien exécutées. Au-dessus de l’autre porte de l’église, des anges volants en bas-relief portent les armes du cardinal. À chaque fois, un entrecolonnement correspond à 7 modillons, et un modillon à 5 denticules. Mais le décompte de ces derniers n’est pas tout à fait précis, car on en trouve parfois 6. Les entablements qui jouxtent les colonnes sont trop hauts et, dans les ailes du bâtiment, les arcs diaphragmes des arcades placés entre les colonnes sont trop larges. Il semble qu’on arrive à 9 1/2 modules pour 7 modillons. En haut, sous la coupole, des piliers romains sont dotés de 3 modillons de 5 modules.

À l’intérieur, l’église est construite de façon nette et régulière en blocs de grès tendre sculpté, mais les chapelles ne comportent pas les colonnes de marbre dont l’usage est indiqué en pareil lieu. L’église est tout à fait claire et l’architecture d’une ordonnance très pure. Le tombeau de Mazarin, en particulier, mérite la visite. Il est placé au fond à droite en entrant ; il est indiqué sur le plan par un A. En voici l’ordonnance, assez semblable à celle du tombeau de Louvois décrit plus haut.

Un piédestal assez élevé se dresse sous un arc sculpté de marbre gris rouge, auquel sont adossées trois statues de métal. Le caveau est en marbre noir à pieds dorés, la statue du cardinal et les anges sont en marbre blanc. Ils sont l’œuvre de Coysevox tandis que les statues de métal sont de B. Tuby. Le travail de ce tombeau est si magnifique qu’il est unique dans tout Paris. J’en ai donné une esquisse approximative dans la planche qui suit. En particulier, la robe du cardinal, étendue sur le cercueil, est d’une facture excellente et travaillée avec le plus grand soin.

Au-dessus du maître-autel, on peut voir un tableau de la Circoncision du Christ qui est une très bonne peinture de Poussin Note: Knesebeck se trompe ici, il s’agit d’une œuvre de Tommaso Luini aujourd’hui conservée au musée des beaux-arts de Nancy..

Toute la disposition est aussi d’une rare inventivité ; elle produit très bien son effet et ne contribue pas peu à la commodité : voilà pourquoi je l’ai dessinée approximativement dans la planche qui suit, simplement au trait. J’ai rendu très précisément la disposition, mais les angles de la construction et les mesures n’ont pu être évaluées qu’au coup d’œil.

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[[Vue du tombeau du cardinal Jules Mazarin dans la chapelle du collège des Quatre-Nations à Paris]]
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J’ai laissé de côté certains détails de pièces reculées que je n’ai pas pu voir ; ces autres pièces ne sont pas aussi irrégulières qu’on peut le voir sur le plan. La bibliothèque est la principale pièce à visiter, les autres ne présentent aucune particularité remarquable. Les livres sont tous rangés dans des armoires fermées avec du grillage, le travail d’ébénisterie et de sculpture est très bon, et la dorure ne contribue pas peu à la beauté de cette pièce étroite et longue comme une galerie et dont, dans sa partie inférieure, le plan est en L. J’ai trouvé dans cette bibliothèque la belle description de la maison Barberini à Rome, ornée de magnifiques figures, dont le titre est le suivant :
Ædes Barberini ad Quirinalem a Comite
Hieronÿmo Tetio Perusino. fol. Rom. 1642.
Depuis ce collège, en s’enfonçant plus avant dans le faubourg ou le quartier Saint-Germain, on arrive au couvent des Jésuites ou noviciat des Jésuites. Je n’ai visité que l’église, qui est dessinée très proprement.

Église du noviciat des Jésuites La façade a été reproduite de façon très fidèle à son état actuel dans Zeiler, Topographia Galliae. Première partie ; même le nombre des triglyphes, dont l’ordonnance est très exacte dans ce bâtiment, a été respecté. Le travail des ébénistes sur les portes a lui aussi été reproduit très précisément, il est donc tout à fait inutile d’ajouter quelque chose. Certains font grand cas de cette façade et il est indéniable que son architecture est plus pure que celle de l’église des Grands-Jésuites ; cependant, je ne vois pas en quoi les proportions sont particulièrement heureuses, je trouve au contraire que les deux volutesNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise le terme controforti, de l’italien contrafforte (n. m.) : contrefort. qui jouxtent l’ordre ionique de la partie supérieure sont très lourdes. De surcroît, comment peut-on parler de perfection alors que les métopes doriques sont plus larges que hautes ; on ne saurait faire l’éloge d’un tel choix pour un édifice aussi isolé. Pour le reste, on peut saluer la précision avec laquelle la combinaison a été observée dans cette façade. Les niches ne contiennent pas encore de statues, comme on le voit également dans le croquis de ladite Topographia Galliae.

À l’intérieur, on a eu recours à l’ordre dorique : dans les métopes ont été représentés toutes sortes d’instruments de messe et d’église. On peut louer la grande clarté de cette église. L’architecture du maître-autel n’a rien de particulier, mis à part le tableau de Poussin, où saint François-Xavier est représenté en train de faire un miracle, et qui est fort estimé, à juste titre.

L’église des Carmélites déchaussées L’architecture de cette église n’a absolument rien de remarquable mais, à l’intérieur, quelques curiosités méritent une visite. Elle est surmontée d’une petite coupole sur laquelle est représentée l’Ascension d’Élie : la chute du manteau produit un très bel effet. On dit que cette œuvre a été peinte par Bertholet FlémalNote: Le nom Bartolet Flamael utilisé dans l’original allemand était en usage dans les descriptions des monuments de Paris du XVIIIe siècle  ; aujourd’hui, c’est le nom Bertholet Flémal qui est usité. C’était un peintre liégeois et non brabançon., un peintre brabançon. Le maître-autel est très joliment décoré de colonnes corinthiennes en marbre de DinantNote: Marbre noir, dit aussi « marbre noir de Dinant ». et d’un certain nombre de statues

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représentant les plus excellents saints qui sont les patrons de cet ordre. Sous la coupole, ont encore été aménagées deux belles chapelles. Dans celle de gauche figure une Vierge à l’enfant de marbre blanc dans une niche décorée de quatre colonnes corinthiennes de marbre brèche. Cette statue est de très bonne facture et les Français eux-mêmes en font grand cas même si elle a été sculptée d’après des modèles du Bernin par un élève du fameux Algardi, nommé Antonio Raggi, autrement dit par un Italien. Cependant, ils trouvent que l’enfant Jésus est trop grand par rapport à sa mère ; pour ma part, je n’ai rien vu de tel.

Le palais d’Orléans Appelé aussi palais du Luxembourg, le palais d’Orléans est l’un des édifices les plus remarquables de Paris. Ce palais est un parfait exemple de ce que les Français appellent la manière grande : ils la tiennent en très haute estime mais ne savent pas la mettre en pratique dans leurs ouvrages. C’est Jacques de BrosseNote: Salomon de Brosse (1571-1626) a parfois été nommé, par erreur, « Jacques de Brosse » ou « de Brosses » dans certaines biographies jusqu’à la fin du XIXe siècle. qui a été l’architecte de ce magnifique bâtiment dont on peut voir la représentation dans le recueil de bâtiments français de Marot en 4 tomes et dans la Topographia Galliae de Zeiler mentionnée plus haut. Il ne faut pas s’attacher aux petits détails de l’architecture de l’édifice, faute de quoi on trouvera beaucoup à redire (l’ordre dorique de la frise est beaucoup trop petit et l’ordonnance est affreuse), mais considérer surtout la composition d’ensemble, absolument superbe. Si un palais était construit d’une manière aussi pure que celui-ci a été décoré, on ne saurait rien imaginer de plus magnifique. À l’intérieur, l’entrée principale est circulaire et surmontée d’une coupole taillée avec beaucoup d’application ; elle est bordée, sur son pourtour, de piliers corinthiens ; on ne saurait mieux faireNote: Le pavillon d’entrée montre un ordre toscan en bossage à l’extérieur et un ordre corinthien à l’intérieur.. L’escalier principal est lui aussi absolument magnifique et considérable, les pièces sont vastes et très riches en décors sculptés, réalisés selon le goût ancien qui n’est plus apprécié aujourd’hui ; au plafond, les poutres sont visibles, toutes richement sculptées, avec beaucoup de dorures. Le plus magnifique à voir est la galerie située à gauche de l’entrée ; elle possède des fenêtres des deux côtés, entre lesquelles l’écart est si grand qu’on a placé dans l’intervalle de grandes toiles peintes par le célèbre Rubens en l’espace de deux ans, ce qui est vraiment étonnant. Elles représentent une allégorie de la vie de la reine Marie de Médicis ; le coloris est tout à fait incomparable, les vêtements sont peints de façon extraordinaire, mais l’invention et l’ordonnance sont plus remarquables encore. Il vaut la peine de donner une description de chacun des tableaux et on peut s’étonner que les Français, qui ont mis tant d’efforts et d’application pour reproduire en gravure les galeries et d’autres œuvres de Mignard, Poussin, Le Brun et autres, n’aient pas encore fait de même pour celle-ci. De quoi la jalousie n’est-elle pas capableNote: Le cycle ne sera reproduit que plus tard, entre 1707 et 1710, Jean-Baptiste Nattier fournissant 24 sanguines gravées par Gaspard Duchange. L’ouvrage sera finalement publié sous le titre La gallerie du palais du Luxembourg peinte par Rubens, Paris, Duchange, 1710 (voir sur Gallica). ! L’ordre des tableaux est le suivantNote: D’où l’auteur prend-il ces informations : d’André Félibien ? Brice ne semble pas être sa source principale. , quand on arrive par le bâtiment principal.

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  • 1. Au-dessus de la porte et en face, symétriquement, les contrefaits en pied et grandeur nature des parents de la reine Marie de Médicis qui ont fait construire le palais et peindre cette galerie. Cependant, ces contrefaits ne sont pas de Rubens mais de Van Dyck. Au centre, on peut voir au-dessus de la cheminée le portrait de la reine en costume d’amazone par Rubens.
  • 2. Plus loin, sur la gauche, figure une toile sur laquelle les Parques tissent le fil de la vie de la reine. Avec une mine et un visage particulièrement tendres, Junon prie Jupiter de faire que ce fil soit long.
  • 3. Une femme qui figure Pallas tient dans ses bras un enfant – la reine – et pose sur elle un regard étrangement pénétrant : le feu que Rubens savait mettre dans les yeux est tout à fait inimitable et surprenant ; autour d’elles, plusieurs femmes les regardent et s’affairent à leur service. Au premier plan, est allongé un fleuve maîtrisant un lion, c’est l’Alphée ; un grand nombre de petits amours répandent des fleurs et toutes sortes d’insignes régaliens. En face du dieu-fleuve, deux petits amours tiennent un bouclier figurant une fleur de lys.
  • 4. C’est la jeunesse de la princesse. Elle est figurée debout, en petit, devant Pallas assise, et apprend à écrire. Dans les airs, Mercure pointe le doigt vers elle avec admiration. À côté de Pallas, quelqu’un joue de la viole de gambe ; à ses pieds, on peut voir un luth et un livre, mais aussi une palette de couleurs, un pinceau, et une tête sculptée. Trois Grâces sont debout derrière la princesse ; celle du milieu lui ressemble fort, et lui tend une couronne.
  • 5. Une Renomée apporte au roi Henri IV de France le portrait de Marie de Médicis, que lui tend une Pallas debout derrière lui. Deux amours jouent avec les armes du roi. Au loin, dans le ciel, avec Jupiter, Junon décide du mariage.
  • 6. Le mariage {par procuration} de la reine avec l’envoyé du roi ne présentent pas un caractère très allégorique.
  • 7. Un bateau sur le port ; au-dessous, au premier plan, quantité de nymphes et tritons, et un vieux Fleuve aux cheveux gris aplatis. La France, figurée comme une jeune personne coiffée d’un casque, et quantité de jeunes femmes sont là pour accueillir la reine. Le duc de Florence, vêtu de son armure, se tient sur le bateau.
  • 8. Je ne comprends pas bien ce tableau. Une femme se tient sur un char tiré par deux lions eux-mêmes montés par deux putti qui tiennent des flambeaux. Dans les nuages, Junon et Jupiter : la première fait au second une requête pressante, en le priant peut-être de rendre fécond l’amour des deux époux.
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  • 9. La naissance de Louis XIII, une œuvre magnifique. La reine est représentée d’une manière étonnante. Elle est assise sur un fauteuil, épuisée, les pieds nus posés sur des pantoufles, et on sent que le peintre a déjà maintes fois observé des accouchées. Elle regarde l’enfant nouveau-né avec un affect particulier, un mélange de douleur et de joie, tandis que quelques femmes commencent à s’occuper de lui. De l’autre côté, une femme présente à la reine une corbeille de fruits sous laquelle se cachent encore 5 petits enfants. Au loin, le soleil se lève pour annoncer l’heure de la naissance.
  • 10. Le roi, projetant un voyage, est accompagné de beaucoup d’hommes en armure et tend à la reine, qui tient par la main le jeune prince placé entre ses parents, une boule bleue décorée de fleurs de lys françaises, pour lui confier la régence.
  • 11. Le couronnement de la reine, un tableau magnifique qui n’a rien d’allégorique, hormis le fait que deux figures volantes portent une corne d’abondance et déversent de l’argent derrière la reine. Ce tableau est plus grand que les autres, il comprend un grand nombre de personnages, parmi lesquels des cardinaux figurés de façon juste et saisissante. Leurs manteaux sont d’un rouge splendide, qui est resté aussi frais que s’il venait d’être peint.
  • 12. Au fond de la galerie, on peut voir une toile remarquable : la mort du roi. Il est conduit au ciel par deux hommes, abandonnant ses armes sur la terre. Une femme affligée qui tient une palme tombe à genoux, et une autre qui arbore un signe de victoire au sommet d’un bâton s’arrache les cheveux et pleure amèrement. La reine, en deuil, avec une mine singulière de douleur héroïque, est assise sur un trône et accepte pour ainsi dire à regret le gouvernement que lui confient ses sujets agenouillés. L’imploration, dans les visages des personnages agenouillés, ainsi que les autres affects dépeints dans ce tableau ne sauraient être rendus par des mots.
  • 13. Une assemblée des dieux dans le ciel. Un jeune homme nu (qui a quelque chose de vulgaire et de bourgeois), les cheveux roux et un nimbe autour de la tête : c’est Apollon. Pallas et Mars chassent la Furie, l’Envie, la Révolte et l’Infidélité. Ce tableau est symétrique de celui qui est placé en face et il aurait le même format si une fenêtre n’avait pas contraint à en découper une partie.
  • 14. La reine est figurée en amazone à cheval, une Renommée la survole, portant une couronne de lauriers. Elle est suivie d’un personnage féminin qui, une main sur un lion, tient dans l’autre les bijoux
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  • de la reine et les lui montre avec une expression de tristesse. Au loin s’élève une ville vers laquelle se dirige l’armée de la reine.
  • 15. L’alliance avec l’Espagne par le mariage de la princesse française en Espagne et de la princesse espagnole en France. Toutes deux se tiennent côte à côte et, de part et d’autre, un jeune homme en armure vient pour ainsi dire les chercher. Trois Fleuves sont allongés au premier plan, comme si la scène avait lieu sur un pont. Dans le ciel, une gloire d’anges déverse toutes sortes de bienfaits d’une corne d’abondance.
  • 16. La reine est sur un char ; autour d’elle se tiennent, d’un côté, un homme ailé et une femme casquée et, de l’autre, des femmes nues portant des fleurs ; sur le devant figurent trois enfants et, au premier plan, des satyres allongés sur le ventre, qu’on a fait tomber à terre, et devant lesquels gisent une flûte et des livres.
  • 17. La reine est avec le roi son fils sur un bateau ; quatre femmes sont à la rame.
  • 18. La reine est attaquée par plusieurs hommes en armure. Elle tient une balance dans la main ; à ses côtés se trouve un jeune homme casqué. Au-dessus volent deux figures dont l’un tient un flambeau et l’autre un manteau.
  • 19. Mercure apporte à la reine assise sur son trône le rameau de la paix ; auprès du dieu se tient un cardinal qui conseille à la reine de l’accepter. À côté d’elle se trouvent encore un cardinal et de l’autre côté une dame. Ce tableau renvoie à la paix que la reine a conclue avec le roi son fils.
  • 20. Ce tableau représente l’action de grâces de la reine. Mercure la conduit à un temple et une femme l’entoure par derrière, si l’on peut dire ; une autre femme marche devant elle en retournant un flambeau vers des armes qui gisent à terre. Elle est poursuivie par la Jalousie.
  • 21. La reine est conduite au ciel, ce qui fait allusion à sa mort. Un ange brandissant un éclair renverse un dragon.
  • 22. Le roi et la reine sont assis côte à côte dans le ciel. Il lui présente un cœur. Un vieil homme ailé conduit vers eux une figure féminine presque nue.

Dans la pièce précédente se trouve, en haut de la cheminée, un tableau représentant David assis, tenant la tête de Goliath sur un piédestal. Ce tableau faisait au moins 5 pieds de large sur 7 à 8 de haut, et il est magnifiquement peint. Il me semblait être une œuvre de Rembrandt.

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Dans le jardin, il n’y a rien à voir de particulier, sinon, du côté gauche en entrant, une balustrade de marbre blanc, de très belles proportions et de bonne facture. Je pensais que Blondel en avait donné un dessin fidèle dans son Cours d’architecture et j’ai omis de faire de même, mais je m’aperçois que je me suis trompé.

La Sorbonne. En quittant le palais d’Orléans, on accède en peu de temps à ce superbe bâtiment. Marot en a donné un plan et une élévation extrêmement soignés, je m’abstiendrai donc de le dessiner. La façade donnant sur la place à l’extérieur est d’une ordonnance tout à fait agréable. Sa partie inférieure est d’ordre corinthien sans piédestaux, l’étage supérieur d’ordre romain avec piédestaux ; cependant, je ne trouve pas très heureux qu’elle comprenne des colonnes dans la partie basse et un petit nombre de pilastres en saillie dans la partie haute, d’autant que les colonnes du bas sont presque indépendantes et supportent un entablement de faible envergure. En haut comme en bas, elles sont ornées de cannelures, et les colonnes du bas sont assorties de baguettes jusqu’à la troisième section. Les quatre statues qui figurent dans les niches sont bien faites, on dit qu’elles sont de Guillain. La coupole est rythmée de pilastres corinthiens qui se rejoignent, mais elle est un peu trop aplatie. Son toit, son pied et la lanterne qui le surmonte sont cependant très bien dessinés. Les 8 contreforts qui s’alignent au pied de cette coupole, en particulier avec les petits enfants placés devant, sont assez réussis, raison pour laquelle je les ai dessinés à part. Les petits enfants et les rubans ou bandeaux du toit sont en plomb doré.

On retrouve la même ordonnance au Val-de-Grâce.

Sur la coupole, la lanterne est entourée d’un chemin de ronde en fer forgé. En somme, si cette coupole possédait une coque un peu plus haute, comme celle des Invalides, il n’y aurait rien à redire justement. À l’intérieur, la façade qui donne sur la cour du collège est très modeste, elle n’a pas d’ordre, mis à part un portique de 6 colonnes corinthiennes détachées, en façade, et au total 8 colonnes détachées devant la grande porte qui se dresse dans l’axe de la courNote: Knesebeck se fie ici à la gravure de Marot (voir Gady 2005, p. 96, fig. 58) qui montre un porche à six colonnes, les deux aux extrémités étant dédoublées par deux supplémentaires, placées derrière. Ce dispositif ne correspond pas à l’état sur place (Brice 1971, col. 199-200 : « Ce portique occupe le milieu d’une des faces laterales de l’Eglise, & il est du genre de ceux que Vitruve nomme prodomos ou decstyle, étant formé de dix colonnes, dont six sont de face & les quatre autres en retour sur les côtez. » (voir Gady 2005, p. 249, fig. 170).. Un détail produit une impression tout à fait misérable : pour graver sur le portique l’inscription

Armandus Johannes Card. Dux de Richelieu,
Sorbonae provisor, aedificavit Domum et exaltavit
templum Sanctum Domino M. DC. XLII. Note: Traduction d’après Pericolo 2002, p. 305, note 106 : « Armand Jean, cardinal duc de Richelieu, proviseur de la Sorbonne, a fait bâtir cette édifice, et a construit ce temple consacré au Seigneur, en l’an 1642 ». Par contre, Pericolo fait figurer l’année 1643 dans l’inscription, ce qui n’est pas correct.

on a renoncé à toutes les moulures de l’architrave : la frise est ainsi réduite à une plaque lisse et on ne voit apparaître le profil des moulures de l’architrave qu’aux extrémités.

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L’intérieur de l’église présente encore davantage d’agrément que l’extérieur : il est entièrement orné de pierres de taille et de pilastres corinthiens entre lesquels s’intercalent des arcades bien proportionnées. L’église forme une croix dont la coupole vient coiffer le centre ; mais les quatre coins de la croix sont complétés par un si grand nombre de chapelles que, de l’extérieur, l’église a la forme d’un rectangle. Voici les éléments les plus remarquables de l’intérieur. Le maître-autel, dont le plan et l’élévation sont présentés dans la figure ci-dessous, a été dessiné par Le BrunNote: Dans Brice 1971, c. 188, l’auteur donne une autre indication : « Le grand Autel a été élevé sur le desseins que Pierre Bullet a donnez ; il ont été préferez à ceux de plusieurs habiles Archtiectes qui avoient été consultez sur ce sujet. ». Il est dommage qu’il ne soit pas surmonté d’un tableau et que les piédestaux soient en marbre noir avec des ornements dorés. Les colonnes sont tout à fait plaisantes, en marbre dans les tons rouges avec des bases, chapiteaux et modillons dorés et des rosaces sur la rainure de la corniche. Le crucifix est d’une facture magnifique, on dit que c’est la dernière œuvre d’Anguier. La Vierge est de Le Conte et le saint Jean d’un maître dont le nom m’échappe. Les anges sont de Tuby et de Van ClèveNote: Il s’agit de Louis Le Conte , Guillaume Cadaine, Jean-Baptiste Tuby et Corneille Van Clève. Voir Brice 1971, col. 189-190 : « Cet Autel qui et d’une très-belle ordonnance, est placé au fond de l’Eglise, […] Sa décoration consiste en six colonnes Corinthienne de marbre de Rance, dont les bases & les chapiteaux sont de bronze doré d’or moulu, aussi-bien que les modillons & les rosons du sofite de la corniche. Les deux colonnes du milieu forment un corps en ressault couronné d’un fronton, sur lequel il y a deux Anges appuïez qui sont de deux Sculpteurs differens, de Marc Arcis & de Corneille Vancleve; les autres colonnes sont en retraite, & deux encore en retour des deux côtez, entre lesquelles on a placé deux excellentes figures de marbre, dont l’une represente la Vierge, qui est de Louis le Comte; & l’autre, saint Jean l’Evangeliste, de Cadene. Un grand Attique regne sur tout ce riche ouvrage, où sont placez des Anges, qui sont de Jean-Baptiste Tubi. […] ». Le tout en marbre blanc.

Un autre élément remarquable est l’autel qui figure dans la partie de la croix située en face de la porte de la cour ; il est surmonté, non d’un tableau, mais d’une statue de la Vierge à l’enfant assise, placée dans une niche à coquille. Cette niche est surmontée d’un entablement à fronton et attique reposant sur quatre colonnes corinthiennes. Le corps de l’autel est en marbre blanc veiné de gris, la Vierge est entièrement en marbre blanc et les colonnes sont taillées dans un marbre de couleur tout à fait plaisant. Devant l’autel s’étend un beau parterre de marbre entouré d’une jolie balustrade. L’ensemble de la composition est tout à fait simple mais très bien proportionné et intelligemment conçu. Il en existe des gravures, je n’en ai donc pas fait le dessin. La Vierge est due à un sculpteur italien du nom de Raggi, estimé des Français eux-mêmesNote: Ici Knesebeck se trompe : la statue de la Vierge a été sculptée par Martin Desjardins (voir Brice 1971, c. 191) ; l’œuvre a disparu. . Ce Raggi aurait été un élève du célèbre Algardi à Rome.

En troisième lieu, la pièce la plus remarquable est le tombeau du cardinal de Richelieu. C’est un quadrilatère de pierre sis au milieu du chœur, sur lequel on peut voir le cardinal à demi-allongé posant sa tête entre les bras de la Religion. À ses pieds est assise la Science en pleurs, un voile devant les yeux. À l’extrémité du tombeau figurent des génies qui portent les armoiries du cardinal assorties des insignes de l’ordre. Le tout en marbre blanc, un travail magnifique de l’excellent Girardon. Enfin, sur les murs, on peut encore voir dans des niches les douze apôtres et quatre anges sculptés en tuf : le dessin est bon, l’action aussi ; ces sculptures sont de Guillain. Un seul tableau est remarquable dans cette église : dans l’arcade située au-dessus du maître-autel, Dieu le Père dans une gloire, par Le Brun. Certains apprécient également les bustes des quatre évangélistes peints dans les pendentifs de la coupole. Ils seraient l’œuvre de Champaigne.

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[[Vue du maître-autel de la chapelle du collège de la Sorbonne à Paris]]
[[Plan schématique du maître-autel de la chapelle du collège de la Sorbonne à Paris]]
[79]{38r}
[[Vue du tombeau d’Armand-Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, dans la chapelle du collège de la Sorbonne à Paris]]
[80]{38v}

Depuis cette église, on peut se rendre à

l’Observatoire royal. En dépit de ses abords simples, cet édifice mérite cependant d’être examiné de près en raison de la superbe qualité de son exécution. L’architecte en a été l’excellent médecin Perrault, et dont les ouvrages sont préférés par les connaisseurs à ceux de tous les autres architectes français, non sans susciter la jalousie visible de ces derniers. Dans ses commentaires sur Vitruve, Perrault a donné un plan, une élévation, une vue de profil et une vue en perspective de l’Observatoire, qui sont tout à fait précis. La voûte n’est pas construite en fausses pierres de taille ; on n’en trouve pas d’exemple dans ce bâtiment. Le grand escalier principal est extrêmement hardi et le dôme suspendu tout à fait remarquable : alors que les autres prennent appui sur des murs, celui-ci est construit sur une trompe placée dans un angle. On peut également noter la présence d’un bon nombre de voûtes à fond plat. Toutes les pierres sont de grande taille et bien ajustées. Dans la voûte, elles forment partout une figure régulière. L’ensemble de la voûte est construit en pierres de taille, et elle supporte même une terrasse en pierre de taille entourée d’une belle balustrade de pierre. Rien n’est en bois dans l’édifice hormis les battants de portes et les châssis de fenêtres. Il repose sur des fondations très profondes et comprend une double cave sur deux niveaux ; le tout a été bâti avec des murs extrêmement épais. En somme, ce serait un bâtiment construit pour l’éternité s’il ne présentait déjà ici et là quelques fissures dues à la trop grande hardiesse des pierres de taille de la voûte. Les portes sont elles aussi surmontées d’un linteau droit bâti en pierres qui semblent taillées de frais, ce qui peut paraître tout à fait surprenant pour l’ignorant ; mais l’avantage de cette taille apparaîtra sur le croquis que je présente dans la page suivante : fig. 1, l’apparence extérieure du linteau ; fig. 2, le plan de ce dernier vu d’en haut ; fig. 3, le plan vu d’en bas. Ceux qui connaissent l’art de la taille des pierres pourront facilement reconstituer à partir de là toute la construction, dont les Français font du reste plus de cas qu’elle ne le mériterait, d’autant que la plupart de ses spécimens sont soit renforcés avec des tiges de fer intérieures, soit sont mal ajustés, ce qui n’est pas beau. De surcroît, il a fallu ajouter encore, par précaution, beaucoup de tiges de fer au-dessous.

Comme cet édifice comprend cinq voûtes superposées, toutes en pierre de taille, l’avant-corps a été percé de part en part d’une cavité ronde par laquelle on peut voir directement le ciel depuis la cave inférieure, la plus obscure ; on prétend qu’on peut ainsi voir les étoiles en plein jour. La hauteur totale correspond à 144 pieds ou 288 marches. Au dernier étage, une pièce abrite toutes sortes de maquettes curieuses de machines construites ou inventées pour la plupart par Perrault, notamment

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Fig. 1 : les pierres vues de face ;

Fig. 2 : les pierres vues d’en haut ;

Fig. 3 : les pierres vues d’en bas ;

Fig. 4 : les pierres vues de derrière.

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  • 1. Une machine pour nettoyer les ports, mais qui n’est pas aussi bonne que les machines hollandaises.
  • 2. Une machine à scies multiples pour tailler les pierres, qui, de même, n’est pas comparable aux machines hollandaises.
  • 3. Une belle machine pour enfoncer les pieux.
  • 4. Un double levier d’un genre particulier.
  • 5. Une vis sans fin.
  • 6. Toutes les machines inventées par Perrault qu’il décrit dans son Vitruve.

Toutes ces maquettes sont très bien faites mais elles ne remplissent plus leur fonction comme elles le devraient. De plus, on peut voir aussi un miroir concave en métal qui ne peut être comparé ni par la taille ni par l’effet à celui qui a été réalisé par M. von Tschirnhaus à Dresde, d’autant qu’une grosse tache en occupe le centre, faute d’un polissage adéquat ou par l’effet de la rouille.

Lorsqu’on entre dans le bâtiment par la porte avant de l’étage inférieur, on remarque encore un vestibule octogonal surmonté d’une voûte à fond plat avec un œil-de-dôme ouvert de 12 pieds de diamètre sans le cadre ; la voûte, entourée d’une balustrade sur sa partie haute, mesure 22 pieds de large et 2 pieds et demi de haut. De là, en revenant vers la rue Saint-Jacques, on arrive à la magnifique église du Val-de-Grâce, volontiers comptée parmi les plus beaux édifices de Paris.

LeVal-de-Grâce. L’ordonnance extérieure et intérieure de cette église est plus correcte que celle de la Sorbonne. À l’extérieur, la partie inférieure de la façade est d’ordre corinthien et l’étage d’ordre romain. Parmi les églises françaises, celle-ci est considérée, à côté de l’église Saint-Gervais, comme une des plus belles par la taille et la magnificence. À l’origine, c’est le célèbre Mansart l’Ancien qui en a assuré la direction, mais non seulement il n’en a pas exécuté le plan ni la maquette, mais son projet était si coûteux à tous points de vue qu’il a suscité une levée de boucliers. Voilà pourquoi, de dépit, il a abandonné le chantier, qui a été réalisé par Muet. Les entablements de la façade extérieure se présentent comme suit.

L’entablement corinthien de la partie inférieure.

L’entablement romain à l’étage.

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Le profilage de ces entablements n’est pas optimal, les talons sont trop informes, et les bandeaux inférieurs de l’architrave corinthienne sont beaucoup trop petits par rapport aux autres, etc. Pour le reste, tout semble assez bien proportionné. Dans la partie inférieure de la façade, deux niches abritent des statues de Saint Benoît et de sainte Scholastique, par Anguier. Au-dessus de celles-ci se trouvent encore deux autres niches ; au-dessus des pilastres latéraux, deux autres emplacements ont également été prévus pour des statues sur des piédestaux, mais elles ne sont pas encore exécutées. Tout en haut sur le fronton qui surplombe l’église, on peut voir les armes de la reine Anne d’Autriche à côté des armes de France, portées par deux anges ; Regnauldin est censé en être l’auteur. Au-dessus de la porte principale, quatre colonnes sont en surplomb et forment un portique ; elles sont surmontées de leur propre fronton dans le champ duquel a été sculpté le nom couronné de la reine. Sur la frise de ce portique, on peut lire  Jesu nascenti Virgini que MatriNote: « À l’enfant Jésus et à la Vierge sa mère ».. Cependant, la proportion des entrecolonnements n’est pas optimale : la colonne centrale est à 10 1/2 modules des autres, mais celles des côtés sont distantes de 4 modules. Les proportions sont de 4 modules pour 3 modillons, et 10 2/3 modules pour 8 modillons. Ceci mis à part, la simplicité unie à la majesté font l’excellence de cette façade et la rendent magnifique.

À l’intérieur, cette église est certes petite, mais très bien construite avec des pilastres corinthiens réunis par des arcades de bonnes proportions ; sur les arcs diaphragmes, des figures assises, en bas-relief, entourent un écusson couronné qui porte le chiffre de la reine, Æ. L’ordre est surmonté d’une voûte en berceau entièrement composée de pierres très joliment sculptées par Anguier. De chaque côté de la nef, trois arcades donnent sur autant de chapelles qui n’ont cependant pas encore été ornées. Les piliers corinthiens possèdent des cannelures dont les baguettes sont plates jusqu’à la troisième section, comme celles de l’église Saint-Pierre de Rome, imitée ici sur ce point comme sur bien d’autres. Notamment l’absence de cimaise sur la corniche. Si l’on avait ajouté au-dessus de l’entablement un petit attique bas pour supporter la voûte, l’effet produit aurait été encore meilleur. Pour le reste, on peut également reprocher à cette église l’absence de chœur, mais c’est le dessous de la coupole qui est censé en tenir lieu. Entre autres éléments remarquables de cette église, on mentionnera principalement les trois suivants.

  • 1. Le maître-autel est certes connu par une gravure, mais si incorrecte que j’ai décidé de présenter ci-après un plan et une élévation vraiment fidèles. Comme on pourra le voir ici, j’ai pleinement respecté les proportions de toutes les mesures principales de cet ouvrage, à ceci près que, sur l’autel, Joseph, Marie et l’enfant Jésus ont été dessinés un peu plus grands que nature. Ils sont l’œuvre d’Anguier le Jeune, et sont considérés comme son meilleur ouvrage. Les six colonnes torses font plus de 2 pieds de diamètre, soit
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[[Plan du maître-autel de l’abbaye du Val-de-Grâce à Paris]]
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[[Vue du maître-autel de l’abbaye du Val-de-Grâce à Paris]]
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  • 9 modules pour 9 pieds 2/3. Elles sont sculptées dans un marbre noir tout à fait singulier et rare, taché et veiné de blanc ; à ce titre, elles n’ont pas leur pareil. Les chapiteaux, bases, modillons, rosaces et feuillages enroulés sont recouverts d’une dorure mate. Les piédestaux sont en marbre noir, surmontés d’applications d’ardoise et de métal doré. Les anges, palmettes et consoles du baldaquin portent une dorure brillante. Le baldaquin a été dessiné par Gabriel Le Duc.
  • 2. Le pavement de marbre de l’église est composé de toutes sortes de marbres de couleur, les plus beaux qu’on puisse imaginer ; il n’a pas son pareil à Paris et alentour. Sous la coupole, on peut voir une rosace comme celle que d’Aviler a reproduite dans son Commentaire sur Vignole, planche 103, à la lettre Y, mais les quadrilatères entre les blancs ne sont ni noirs ni bordés de rouge. Sur trois côtés de cette rose, les carrés et octogones de couleur sont bordés de noir, comme le même d’Aviler l’a bien noté. Sous les nerfs de la voûte qui surplombe la nef s’étendent, de la même façon, de larges bandeaux ponctués de grands quadrilatères.
  • 3. Les belles peintures à la fresque de Mignard qui figurent en haut sur les coupoles sont également très remarquables. Ce ne sont pas seulement les meilleures œuvres de ce maître excellent ; on dit même que ce sont les meilleures peintures à la fresque de toute la France. Elles représentent une gloire des bienheureux dans les cieux, un ensemble de figures presque innombrables, d’une bonne ordonnance et d’une bonne disposition, qui agrandit considérablement la coupole. La peinture du ciel, toujours plus lumineux au fur à mesure qu’on s’élève, est incomparable. À Paris, on peut se procurer une gravure excellente et très précise de ces peintures. Dans ses œuvres, Molière leur a consacré un beau poème.
  • 4. Autre élément remarquable, l’ensemble de la corniche intérieure entourant la coupole et les quatre balcons qui surmontent autant de petites portes dans les piliers de la coupole, les balcons étant entièrement dorés ; les bustes des quatre évangélistes en bas-relief placés au-dessus sont cependant sculptés en pierre, de très belle façon. Je n’ai pu entrer dans le monastère qui est lui aussi le plus beau de Paris, à en juger d’après les vues gravées par Marot ; celles-ci sont très fidèles, à ceci près que l’hémicycle qui jouxte, à l’avant, la grande place située devant l’église, est de son invention. La place sur laquelle donne l’église est entourée d’édifices en pierre de taille ; à l’avant, cependant, le long de la rue, on a préféré installer simplement une grille de fer forgé, au demeurant très belle. Les portails toscans qui entourent cette cour sont gâchés par l’entablement courant sous leurs frontons, qui n’est pas continu mais brisé.

En longeant la rue du même côté, on arrive au monastère et à l’église

des Feuillantines.L’église est très bien mise en valeur dans une grande cour ; je n’ai vu que le portail parce qu’on m’a prétendu qu’il n’y avait rien à voir de particulier à l’intérieur. La façade présente une apparence un peu informe

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parce qu’elle est beaucoup plus large que haute. Pour le reste, l’architecture est assez pure, même si les Français ne l’entendent pas ainsi. En tout cas, le profilage est excellent : pour en donner une illustration, j’ai dessiné ici la console du piédestal, le pied des colonnes et l’entablement en ordre ionique situé au-dessous de l’ordre corinthien. Par ailleurs, j’ai dessiné à titre de curiosité la façade exactement telle qu’elle se présente, en améliorant seulement les proportions, pour qu’elle puisse être comparée à la gravure publiée par Marot, qui a donné lui-même le plan de l’église. On verra ainsi que les proportions de mon dessin sont non seulement meilleures que celles de l’ouvrage réel, mais sont incontestablement les meilleures qu’on puisse employer dans une telle configuration ; on constatera cependant que la façade est encore un peu trop large et semble pour ainsi dire tassée. Le fait qu’elle ne produise pas un meilleur effet ne tient pas seulement aux proportions mais à l’ordonnance elle-même. Cependant, les proportions y sont pour beaucoup : la preuve en est que la façade de mon dessin surpasse de loin et incontestablement en beauté et en grâce celle qui a été bâtie et ornementée par Marot. Voir la fig. III. Pour le reste, au vu de la propreté des lignes et de la qualité du profil, il y a sans doute presque moins à redire à cette façade qu’à celle du Val-de-Grâce.

Base et corniche du piédestal de l’ordre.

Entablements de l’ordre ionique de l’église des Feuillantines.

Un peu plus loin se trouve l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, qui, en dehors de sa façade, ne présente rien de notable ; elle est simple dans sa manière, sans ordre hormis sur le portail principal ; elle comprend deux tours plaisantes ; le tout dans une grande manière superbe qu’on rencontre pour le reste très rarement chez les Français. Il est cependant dommage que seule une tour ait été achevée ; par suite, la façade ne se présente pas entièrement comme Marot l’a gravée, bien que son dessin soit par ailleurs tout à fait fidèle.

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Devant le portail principal s’élève encore une colonnade dorique très correcte et tout à fait ordinaire de quatre colonnes isolées, de très grande taille, qui font 16 bons modules de haut. Les colonnes centrales sont séparées par un intervalle de 10 modules ; les autres par un intervalle de 5 modules des deux côtés. Cette colonnade est surmontée d’un fronton bien proportionné. Si simple et commune que soit cette ordonnance, elle a cependant en quelque sorte l’avantage de la beauté par rapport à toutes celles qui, à Paris, ont été conçues si artificiellement : voilà qui confirme une fois encore que rien ne vaut la plus grande simplicité, lorsqu’on a affaire à une construction intelligente et d’un format majestueux. Cependant, en dépit des bonnes proportions de cette ordonnance, je ne peux m’empêcher de penser que l’architecte qui l’a dessinée, Gittard, est un esprit capricieux et singulier (j’ai été confirmé dans cette idée, on le verra plus loin, par la visite du palais de Saint-Cloud). Gittard a en effet choisi ici le profil le plus absurde qu’on puisse imaginer ; on s’en rendra compte sur le dessin suivantNote: Daniel Gittard livre les plans de la façade, mais celle-ci ne sera pas exécutée selon ses desseins. Des deux tours prévues par Gittard, une seule sera finalement construite, mais de hauteur double par rapport aux plans initiaux..

[[Vue de l’entablement de la façade sur rue de l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas à Paris]]

Il est frappant de voir, notamment, que la baguette de l’architrave et les cannelures du bas de la corniche sont plus grandes que le larmier lui-même, d’autant plus que, dans l’édifice réel, elles sont proportionnellement encore plus grandes que dans mon dessin, sans parler d’autres défauts qui sautent aux yeux dans le croquis.

Depuis la rue Saint-Jacques, on arrive à l’île du Palais, où l’on peut voir trois constructions remarquables.

1. Le pont Neuf
C’est le plus grand pont de {Paris} ; de par sa disposition et sa perspective, on peut le préférer au pont Royal, mais il ne peut rivaliser avec ce dernier du point de vue de la précision de la construction. Ses piles sont plus fortes et ses arches de plus petite taille : il est à peine deux fois plus long que le pont Royal et comprend 14 arches alors que ce dernier n’en possède que 5. Ses dimensions sont les suivantes. La longueur entre l’aile du Louvre et la pointe de l’île est de 500 pieds, correspondant à 7 arches ; la partie massive qui se trouve sur l’île fait 140 pieds de long et le reste du pont, jusqu’au quai des Augustins, mesure encore 230 pieds, pour 5 arches. La largeur est partout de 72 pieds, dont 2 pieds des deux côtés pour la rambarde ; les trottoirs, surélevés de deux pieds, font 19 pieds de large et il reste 30 pieds pour la chaussée centrale. Sur les larges trottoirs, il reste encore de la place pour toutes sortes de petites boutiques

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qui occupent 7 pieds et en laissent 12 pour le passage. Lorsqu’on descend du Louvre et qu’on passe le pont, on peut voir sur l’autre arche, du côté droit,

la Samaritaine

[[Vue de la pompe de la fontaine de la Samaritaine à Paris]]

Il s’agit d’une presse hydraulique métallique à double effet à la manière de Salomon de Caus, et elle ne présente aucune particularité notable sinon les 8 vrilles de métal qui permettent de soulever ou de faire descendre la machine toute entière en fonction du niveau de l’eau. Toute la machine est cachée à l’intérieur d’une petite maison surmontée d’une belle horloge à carillon, la seule qu’on puisse voir àParis, mais qui est simple. Le nom de cette machine à eau lui vient de son décor extérieur, placé dans une niche en arc-de-cercle reposant sur une console en forme de terme portant une fontaine ; l’eau s’y écoule dans une agréable cascade provenant d’une cuve située à proximité en-dessous du toit ; à côté de cette niche se tiennent le Christ et la Samaritaine, très joliment dessinés et bien sculptés en grès tendre. Toute cette ordonnance, qui est plutôt bonne, est censée être de Germain Pilon, qui était célèbre à l’époque d’Henri III, le précurseur du suivant ; d’autres pensent que les statues ne sont que des copiesNote: Les sculptures sont dues à René Frémin (1672-1744). La pompe n’est construite que sous le règne d’Henri IV, à partir de 1602. Par contre, Germain Pilon a sculpté les mascarons du pont Neuf..

La statue équestre d’Henri IV est plus d’une fois et demie plus grande que nature, donc un peu plus petite que la nouvelle statue de la place Vendôme, dite aussi place des Conquêtes. Le roi et son cheval ont été sculptés séparément ; du reste, le dessin est bon et la fonte de bronze réussie. La statue est placée sur un piédestal de marbre, avec des inscriptions bien dorées ;

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je n’ai recopié que celle-ci, placée à l’avant le long du pont (car ces inscriptions ont suffisamment été reproduites dans les livres) :

Erico IIII.
Galliarum Imperatori
>Navar. R.
Ludovicus XIII. filius ejus
opus nicho. et intermissum pro
dignitate pietatis et imperii plenius
et amplius absolvit.
Note: À Henri IV / Empereur des Français / Roi de Navarre. / Louis XIII son fils / a mené à terme cette œuvre qui avait été commencée et délaissée, / pour répondre à ses obligations de piété et à la plénitude / et l’ampleur de son Empire.

Au-dessus de cette inscription, sur ce même piédestal, sont figurées des actions du roi dans des bas-reliefs de métal. Aux quatre angles du piédestal sont placées des statues de prisonniers en métal ; à leurs pieds gisent des armes antiques. Le piédestal et toutes ses sculptures sont dues à un Français nommé Francheville ; mais le cheval et le roi ont été sculptés à Florence par Jean de Bologne, qui était natif de France mais a passé toute sa vie en Italie. La statue est entourée d’une haute grille de fer forgé dorée par endroits.

2. L’église Notre-Dame
Un vieil édifice gothique par son style mais vraiment magnifique. Il ne présente pas de particularité remarquable sinon de beaux tableaux, en particulier ceux qui, chaque année, sont offerts par les orfèvresNote: Les « Mays » désignent les tableaux commandés chaque année entre 1630 et 1707 (à l’exception des années 1683 et 1694) par la corporation des orfèvres pour être offerts, dans les premiers jours de mai, à la cathédrale Notre-Dame de Paris, au rythme d’un par an. En 1630, les petits mays sont remplacés par de grandes toiles commémorant les Actes des Apôtres, de saint Luc, qui relatent l’activité missionnaire des premiers disciples du Christ.. J’en reproduis ci-dessous le catalogue : toutes les indications sont clairement données sur les cadres des tableaux, elles sont donc certaines.

  • 1. Année 1630, Historia, Ac. III, 1-7, par Lallemant.
  • 2. – – 1631, le Miracle de la Vierge Marie, censé avoir été accompli dans cette église, par Lemoine.
  • 3. – – 1632, Histoire, Ac. V, v. 1-10, de Vouet le Jeune.
  • 4. – – 1633, Ac. VII, 60, de Lallemant.
  • NB. 5. – – 1634,Une fête de la Pentecôte. Ac. II, de Blanchard l’Aîné.
  • 6. – – 1635, Pierre guérit un malade avec son ombre, de Laurent de La Hire. Je ne connais pas la source : semble-t-il Ac. V, 15.
  • 7. – – 1636, Saint Paul dans l’Aéropage d’Athènes, convertissant saint Denys, de Létin.
  • 8. – – 1637, la Conversion de saint Paul, de Laurent de La Hire, Ac. IX.
  • NB.9. – – 1638, le roi Louis XIII sacrifiant sa couronne à la Vierge Marie, de Philippe de Champaigne.
  • 10. – – 1639, de Claude Vignon.Ac. VIII, 38.
  • 11. – – 1640, de Vouet le Jeune. Ac. X, 25-26.
  • 12. – – 1641, du même. Ac. XII, 8-10.
  • 13. – – 1642, de Prévost. Ac. XII, 2.
  • 14. – – 1643, de Poerson le père, Ac. III, 12.
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  • 15. – – 1644, de Sébastien Bourdon, la Crucifixion de saint Pierre.
  • 16. – – 1645, de Corneille l’Ancien, Ac. XIV, 14.
  • 17. – – 1647, d’Errard. Ac. IX, 17-18.
  • 18. – – 1647, de Boullogne le père, Ac. XIX, 12, le Miracle survenu avec le tissu qui avait touché le corps de saint Paul.
  • NB. – – 19. 1648, de Le Brun, la Crucifixion de saint André. Un pied de saint André est très abîméNote: Knesebeck emploie le terme « citropié » dans l’original, signifiant probablement « estropié », « mutilé »..
  • 20. – – 1649, de Boullogne le Père, le Martyre de saint Simon.
  • NB. – – 21. 1650, de Le Sueur. Ac. XIX, 19.
  • 22. – – 1651, de Loir, la Conversion du proconsul Serge par saint Paul. Ac. XIII, 6-12.
  • 23. – – 1652, de Le Brun, une œuvre excellente, la Lapidation de saint Étienne. Ac. VII, 58-59.
  • 24. – – 1653, de Testelin. Ac. IX, 40-41.
  • 25. – – 1654, de Poerson le père. Ac. XXVIII, 3-5.
  • 26. – – 1655, de Heince. Ac. XVI, 14.
  • 27. – – 1656, de Testelin. Ac. XVI, 22.
  • 28. – – 1657, de Villequin. Ac. XXV, 23.
  • 29. – – 1658, de Boullogne le père, la Décollation de saint Paul à Rome.
  • 30. – – 1659, de Corneille l’Ancien. Ac. X, 25-26.
  • 31. – – 1660, de Dudot, l’Adieu de la Vierge MarieNote: Knesebeck se trompe : il ne s’agit pas de l’Adieu de la Vierge Marie mais de saint Pierre arrivant pour ressusciter Tabitha..
  • 32. – – 1661, de Paillet, le Martyre de saint Barthélémy.
  • 33. – – 1662, de Coypel l’Ancien, l’histoire d’un miracle censé être survenu lors du martyre de saint Jacques.
  • 34. – – 1663, de Hallé, Saint Jean sur le point d’être jeté dans l’huile bouillante.
  • 35. – – 1664, de Blanchet. Ac. VIII, 39.
  • 36. – – 1665, de Sorlay,Saint Pierre veut fuir Rome et rencontre le Christ.
  • 37. – – 1666, de Heince. Ac. VIII, 19-20.
  • 38. – – 1667, de Plattemontagne. Ac. XVI, 26-28.
  • 39. – – 1668, de Jean-Baptiste de Champaigne. Ac. XIV, 19.
  • 40. – – 1669, de Vignon le Jeune, Saint Barthélémy délivre du démon la fille de Polémon, roi d’Arménie, et convertit son père.
  • 41. – – 1670, de Boullogne le père, l’Ascension.
  • 42. – – 1671, de Blanchard, le Ravissement de saint André à l’approche de son supplice.
  • 43. – – 1672, de Cani. Ac. XVII, 34.
  • 44. – – 1673, de Corneille. Mt. IV, 18-19.
  • 45. – – 1674, de Jouvenet. Mt. IX, 2.
  • 46. – – 1675, de Claude Audran. Mt. XIV, 10-12.
  • 47. – – 1676, de Houasse, Saint Étienne conduit à la lapidation par des sbires.
  • 48. – – 1677, de Ballin. Ac. XV, 39.
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  • 49. – – 1678, de Verdier. Jn. XI, 43-44.
  • 50. – – 1679, de Boullogne le PèreNote: Knesebeck se trompe sur l’attribution de l’oeuvre : il s’agit de Bon Boullogne et non de Louis de Boullogne l’Ancien son père., le Paralytique à la piscine de Bethesda.
  • 51. – – 1680, de Jean-Baptiste Corneille. Ac. XII, 7-8.
  • 52. – – 1681, de Coypel, une Assomption de la Vierge.
  • 53. – – 1682, de Cotelle, les Noces de Cana. Jn. 2.
  • 54. – – 1683, d’Alexandre Ubelesqui, le Baptême du Christ. Mt. III. En 1684, il n’a été fait don d’aucun tableau.
  • 55. – – 1685, de Poerson le Jeune,la Guérison d’un malade. Mt. V, 1-2.
  • 56. – – 1686, de Boullogne le Jeune. Un homme important s’agenouille devant Jésus ; je n’ai pu voir s’il s’agissait du centurion de Capharnaüm ou du Romain. Rien ne s’accorde complètement avec les Écritures. Il semble plutôt s’agir du centurion ou du chef de la foule (Mc V, 22).
  • 57. – – 1687, de Hallé le Jeune, Mt. XXI, 12-13.
  • 58. – – 1688, de Chéron. Ac. XXI, 10-11.
  • 59. – – 1689, de Vernansel, Lc. VIII, 54-55.
  • 60. – – 1690, de Chéron, Mt. XIV, 11.
  • 61. – – 1691, de Guillebault, Lc. VII, 14-15.
  • 62. – – 1692, d’Alexandre Ubelesqui, Mt. IV, 23.
  • 63. – – 1693, d’Arnould de Vuez. Jn. XX, 27-28.
  • 64. – – 1694, de Parrocel, Lc. III, 3.
  • 65. – – 1695, de Boullogne le Jeune. Jn. IV, 6-7.
  • 66. – – 1696, de Christophe, le Miracle des cinq pains. Mt. XIV, 17.
  • 67. – – 1697, de Marot. Mt. XXVIII, 8-9.
  • 68. – – 1698, de Vivien, l’Adoration des Mages.
  • 69. – – 1699, de Tavernier. Lc. XXII, 61.

On prévoit de faire pour cette église un magnifique autel à colonnes torses. Actuellement, on travaille à la partie haute de la maquette en plâtre grandeur nature. Dans la croisée de cette église, les vitraux peints sont également remarquables. Il est dommage qu’il y ait là trop d’éléments gothiques en pierre et que les vitraux ne représentent pas de grands sujets comme ceux de Gouda en HollandeNote: Knesebeck évoque les vitraux de l’église Saint-Jean (en néerlandais : Sint-Janskerk ou Grote Kerk) de Gouda.. Mais les couleurs sont ici presque plus belles encore et plus brillantes. Les portes de cette église méritent aussi le détour : elles sont entièrement couvertes de ferronneries et serrures très curieuses. Les chapelles ont de belles boiseries et de plus, elles sont richement ornées de tableaux. Dans deux chapelles du côté droit, on peut notamment voir deux toiles censées avoir été peintes par Poussin avant son départ en Italie : l’une représente la Vierge Marie quittant cette vie. On ne peut pas vraiment parler d’une mort ni dire non plus qu’elle est menée vivante au ciel. L’autre est une Sainte Marie l’Égyptienne.

Après cette église, l’autre édifice notable que l’on peut voir sur l’île est le monument de Louis XIV enfant.

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Il est édifié à l’endroit où la rue du pont au Change fait un Y avec la rue Saint-Denis et où les maisons donnant sur la rue possèdent une face étroite. On a construit là une arcade qui abrite ce monument ; celui-ci est pour l’essentiel en métal mais une partie est également sculptée en pierre. Le roi actuel est représenté alors qu’il était prince et âgé de six ans environ ; il se tient debout au centre sur un piédestal et il est surmonté d’une Renommée déposant sur sa tête une couronne de lauriers ; à côté, en dessous du piédestal, figurent le roi et la reine ses parents, grandeur nature, en métal. On dit que ces statues sont très ressemblantes ; du reste, le dessin est assez réussi. Plus bas, là où se trouve aussi l’inscription, on peut voir des prisonniers à demi-allongés. Tout cet ouvrage est censé être de Guillain. Depuis l’île, en traversant la Seine, on arrive sur la droite à la Grève ou la place devant

l’Hôtel de Ville. Du point de vue de l’architecture, l’Hôtel de Ville est orné d’ordre corinthien, mais mêlé ça et là de maint désordre gothique. Il ne présente donc guère de particularité notable, sinon, au-dessus de l’entrée principale, une statue équestre d’Henri IV en moyen-relief, sculptée par un élève de Michel-Ange nommé Biard d’après le modèle de la statue de Marc-Aurèle que l’on peut voir à Rome sur le Capitole. À l’intérieur, on accède par quelques marches à une cour surélevée mais très petite, entièrement entourée d’arcades. En face de l’entrée principale figure sous l’une de ces arcades la statue du roi actuel en pied, en marbre blanc, sur un piédestal de marbre blanc. Tandis que le reste des colonnes de la cour est en pierre, celles qui se dressent à côté de l’arcade ont été remplacées par deux colonnes de marbre rouge. Le revêtement des arcs diaphragmes est aussi en marbre ; sur le piédestal de la statue, on peut lire cette inscription en lettres d’or :

Lodovico Magno Victori Perpetuo
Semper Pacifico

Ici et là ont été ajoutés quelques autres ornements dorés. Le roi est assez bien rendu ; toute cette œuvre est de l’excellent Coysevox. Sur le côté droit en entrant, on accède à un escalier doté de la disposition courante à deux rampes, rare cependant dans des bâtiments si anciens. Il faut admettre que la construction de cet escalier est assez jolie, et je suis tenté de croire qu’il n’est pas aussi ancien que le reste du bâtiment. Cependant, on peut s’étonner de voir moins d’ornements au-dessus de la rampe de droite qu’au-dessus de celle de gauche ; l’une et l’autre sont surmontées de voûtes en berceau à fond plat, mais celle de droite ne possède que des panneaux quadrangulaires simples alternant avec des ovales qui encadrent un petit nombre de rosaces sculptées, tandis que celle de gauche est beaucoup plus riche. Au centre, on peut voir un beau soleil et, reproduites quatre fois autour, les armes de la ville avec le navire, entouré de beaucoup de parties sculptées et, à l’extrémité, de très belles rosaces ; le tout a été sculpté en pierre, plutôt bien. En haut, au-dessus de la sortie, on peut voir encore une voûte gothique mais qui est un véritable chef-d’œuvre, avec beaucoup d’arcades entièrement dégagées dont la découpe est d’une finesse inouïe : elles forcent l’admiration.

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Pour le reste, il n’y a rien de particulier à voir dans les salles, hormis les tableaux, qui sont le plus souvent de grandes toiles, des contrefaits en grand nombre, notamment de Mignard, de Troy, Pourbus ou encore du bon portraitiste Largillière. Depuis l’Hôtel de Ville, on accède facilement à l’église

Saint-Gervais, dont le portail est le plus beau et le plus magnifique de tout Paris. Marot a donné une gravure très précise de cette façade mais il a oublié d’indiquer que les colonnes des deux rangées supérieures étaient entièrement cannelées, ainsi que celles de la rangée inférieure jusqu’à la troisième partie du fût. Cependant, le fait que la partie inférieure des colonnes doriques soit lisse n’est pas très heureux. Pour le reste, les trois ordres grecs se superposent dans de très bonnes proportions. Par suite, ce bâtiment peut être considéré comme un modèle de symétrie, ordonnance, combinaison et de la manière grande. La pureté de cette architecture et sa magnificence frappent immédiatement le regard et le cœur. Il est cependant dommage que cette façade soit aussi mal placée et qu’une moitié seulement donne sur une grande rue alors que l’autre est cachée dans une ruelle perpendiculaire étroite. De loin, on ne peut en voir que la moitié. Au-dessus de l’ordre dorique, l’ordonnance de l’entablement est bonne, même si, au-dessus des colonnes accouplées, les métopes sont un peu plus larges que hauts ; des festons ont été ajoutés pour mieux dissimuler ce défaut. Les colonnes auraient pu être davantage rapprochées. Compte tenu des proportions de la frise, la taille des métopes aurait été juste si l’intervalle entre les colonnes avait été plus réduit. En effet, toutes les dimensions sont plus grandes qu’à l’ordinaire : généralement, la hauteur des triglyphes correspond à 45/30e du module. D’après mes calculs, la hauteur est ici de 46 4/5e, ce qui est aussi par conséquent la hauteur des métopes. Si l’écart entre les colonnes avait été réduit de 2 2/3 modules, la largeur des métopes aurait été de 48 4/5e et la différence entre largeur et hauteur n’aurait été que de 2 modules, ce qui serait passé beaucoup plus inaperçu que la faute actuelle, comme en témoigne le dessin que j’ai établi ici de l’entablement dorique de cette même église, en me conformant à ces calculs pour représenter les métopes qui surmontent les colonnes accouplées. Comme on peut ainsi le constater, le calcul de ces proportions aurait facilement pu être modifié pour parvenir à une ordonnance tout à fait correcte.

Afin d’examiner à présent si les belles proportions de cette magnifique façade pourraient encore être améliorées, je l’ai dessinée telle quelle, sans respecter ses proportionsNote: En fin de volume, la planche [4] représente cette « amélioration » apportée par les soins de l’auteur.. Il est indéniable qu’à première vue, la façade originale présente un visage plus riant que la mienne, parce qu’elle est plus élancée et plus élevée, proportionnellement à sa largeur. Cependant, d’un autre côté, dans la mesure où les étages de l’original ne rétrécissent pas suffisamment en allant vers le haut, il faut admettre non seulement que la façade semble pour ainsi dire suspendue en avant, mais que sa partie supérieure est trop lourde, alors que, dans ma propre façade, la partie supérieure est mieux assise sur la partie inférieure.

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[[Vue de l’entablement de la façade sur rue de l’église Saint-Gervais-Saint-Protais à Paris, modifiée par Knesebeck]]

Au demeurant, nul ne pourra dire que les parties superposées de ma façade sont trop tassées : lorsqu’on observe longuement les deux façades l’une à côté de l’autre, on a finalement l’impression que la façade originale est trop étroite et que ses proportions sont moins bonnes que celles de la mienne. C’est bien la preuve que les proportions de Goldmann, que j’ai ici observées, surpassent toutes les autres. Du reste, l’ordonnance de l’ordre dorique est ici incontestablement plus correcte. Les trois colonnades se superposent conformément aux plus belles proportions, comme 4. 5. 6. : dans son Architecture, Scamozzi a amplement fait la démonstration de leur beauté. Cependant, pour en revenir à l’église elle-même,

[[Espace laissé vide pour le dessin qui est manquant]]

j’ai représenté encore ici le profil de l’entablement ionique dans les autres colonnades : l’architecte a été aussi prudent et ingénieux sur ce point que dans l’ordonnance toute entière. Son nom est Brosse et cet ouvrage est son chef-d’œuvre. Lorsque le Bernin est venu à Paris, cette façade et la fontaine des Innocents sont presque les seules constructions dont il ait fait l’éloge : rien ne lui a plu sinon ce qui était majestueux. Au vu de la hauteur, il n’est pas facile de reconnaître le profil corinthien. Dans cette église, on voit aussi que les frontons brisés produisent un mauvais effet : au-dessus du champ central, le larmier et ce qui se trouve au-dessus sont beaucoup trop en saillie et semblent très fragiles. Cependant, compte tenu de l’ordonnance, l’architecte n’a sans doute pu faire autrement : en effet, au-dessus de l’entrecolonnement

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central, l’architrave aurait été beaucoup trop à nu. On peut remarquer enfin qu’il est très difficile et rare de superposer trois colonnades sans commettre quelques fautes. Mais tout ceci n’empêche pas de constater dans ce bâtiment comme dans le palais d’Orléans la hauteur d’esprit de de Brosse, qui lui a valu une renommée particulière parmi tous les architectes français. À l’intérieur de l’église, il n’y a rien à voir de particulier, hormis le retable et les vitraux peints en clair-obscur qui représentent le martyre de saint Gervais et sont toutes de Le Sueur. Dans la nef sont encore accrochés 6 grands tableaux :Note: Plutôt que de tableaux, il s’agissait de tapisseries commandées à Eustache Le Sueur en 1652. Tissées par Laurent Girard, elles sont installées à Saint-Gervais-Saint-Protais en 1661. le premier sur la gauche en entrant est de Bourdon, les deux suivants de Le Sueur et, de l’autre côté, les trois sont de Champaigne. Parmi ceux de Le Sueur, j’ai particulièrement remarqué celui où saint Gervais est flagellé sur un banc : toutes les actions et les affects sont d’une exécution superbe. Ces 6 tableaux semblent tous se rapporter à la vie de saint Gervais. Au-dessus de la clôture du chœur figure un beau crucifix de Sarrazin qui est très bien dessiné. Depuis cette église, on arrive à la rue Saint-Antoine et on peut y voir d’abord, sur le côté droit,

l’église des Grands-Jésuites,qui possède, parmi toutes les églises de Paris, la façade la plus riche en ornements, mais par là même la plus laide, car ces sculptures sont assez confuses, mal dessinées et mal exécutées, et de surcroît couvertes de saleté et de poussière de la rue : la vue de cette façade cause un vif déplaisir. Les proportions de l’architecture ainsi que son ordonnance ne sont pas si déséquilibrées ; une gravure assez fidèle figure dans la Topographia Galliae, Première Partie, de ZeilerNote: Dans Zeiler 1655-1661, t. 1, p. 131.. L’intérieur est beaucoup moins orné, alors que ce devrait être l’inverse, et, pour cette raison même, il est plus réussi que l’extérieur. La coupole, cependant, est trop peu ornée, à l’intérieur comme à l’extérieur. Elle est plus propre à l’intérieur. L’usage veut que le plafond soit épousseté et nettoyé par quelqu’un qui, à cet effet, est élevé en hauteur dans une nacelle de fer. Le maître-autel est également riche en colonnes de marbre et en statues, mais, à la vue des unes et des autres, force est de constater qu’on n’a pas fait appel aux meilleurs sculpteurs. La peinture est plus belle : c’est une Assomption de la Vierge MarieNote: Knesebeck se trompe et indique à tort une Assomption de la Vierge alors qu’il s’agit d’une Apothéose de Saint Louis. La confusion était courante à cette époque tant Vouet avait donné une attitude et un caractère féminins à la figure de Saint Louis notamment car il s’inspirait fortement d’une Assomption de Carrache.. Sous la coupole, du côté gauche, se trouve une porte flanquée de deux belles chapelles. L’une ne contient rien de particulièrement notable sinon un tableau représentant saint Pierre délivré de la prison par les anges. Dans l’autre, cependant, on peut voir le superbe tombeau du prince Henri de Bourbon-Condé : son cœur a été enterré dans ce lieu. Ce tombeau n’est pas une œuvre aussi remarquable que celles dont j’ai présenté jusqu’ici des croquis ; ce qui mérite la visite, c’est plutôt la balustrade qui entoure cette chapelle : au lieu des balustres, celle-ci possède de beaux bas-reliefs figurant différentes victoires des enfants d’Israël, d’après l’Ancien Testament, en fonte de métal ; là-dessus, quatre Vertus, elles aussi en bronze, grandeur nature, se tiennent sur des piédestaux. Du côté par lequel on rentre, se tiennent deux génies, près de l’entrée.

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L’un tient les armes du défunt, l’autre une inscription. Eux aussi sont en bronze. Et toutes ces figures ne sont pas seulement d’une belle exécution mais aussi bien dessinées. Au lieu d’un retable, cette chapelle contient un crucifix devant lequel Loyola est agenouillé dans une attitude de dévotion profonde, à demi relevé. Deux colonnes supportent un fronton sur lequel deux anges assis brandissent le nom de Jésus dans un soleil doré. Plus loin sur le même côté, on peut voir le plus magnifique monument de tout Paris sous une arcade revêtue de plaques de marbre sur lesquelles on a sculpté de beaux bas-reliefs. Il se compose de deux anges en argent massif, grandeur nature, qui tiennent une couronne au-dessus du cœur du roi Louis XIII. Ils sont représentés sous l’arc diaphragme comme s’ils étaient en train de voler. Le cœur et les draperies sont revêtus d’une dorure d’un rouge rouille très flamboyant. Toutes les œuvres que je viens d’évoquer sont de Sarrazin, un excellent sculpteur. Depuis cette église, on accède un peu plus loin à la

place Royale. Cette place, d’une très belle régularité, est entourée de maisons toutes identiques, mais l’architecture en est naïve et mesquine. Les arcades qui l’entourent ne sont pas proportionnées et trop basses ; on peut donc dire que le dessin général est très bon et somptueux mais qu’il a été gâché par l’exécution. Un autre facteur ne contribue pas peu à gâter l’impression produite par cette place : c’est qu’elle est entièrement fermée ; il faut vraiment faire un effort pour la trouver. La statue équestre est très belle, notamment le cheval, dû à un autre maître que la statue du roi. Elle est un peu plus grande que la statue d’Henri IV, mais plus petite que celle du roi actuel sur la nouvelle place. Les inscriptions qui figurent sur le piédestal de marbre blanc de cette statue ont suffisamment été reproduites dans des ouvrages. C’est Richelieu qui a fait ériger cette statue mais l’inscription n’a été ajoutée, dit-on, qu’après sa mort ; là encore, elle trahit l’orgueil de ce cardinal.

Que ne peut la vertu, que ne peut le courage ?
J’ai donné pour jamais l’Hérésie en son fort
Du Tage Imperieux j’aÿ fait trembler le bord,
Et du Rhin jusque à l’Ebre accrû mon héritage.
Say sauve par mon bras l’Europe d’Esclavage ;
Et si tant des traveaux n’ussent haster mon sort,
Peusse attaqué l’Asie, et d’un pieux effort,
Peusse du saint tombeau venge le long servage,
Armand et grand Armand l’âme des mes exploits,
Porte de toutes parts mes armes et mes loix
Et donne tout l’Eclat aux rayons de ma gloire,
Enfin il m’éleva ce pompeux monument,
Ou pour rendre à son nom mémoire pour mémoire,
Je veux qu’avec le mien, il vive incessament.

Juste derrière cette place se trouve

l’église des Minimes dessinée par Mansart l’Ancien, que les Français vantent comme un modèle de beauté.

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Cependant, il est dommage que, on ne sait pour quelle raison, un vieux pan de mur se dresse devant cette église, dissimulant ainsi la disposition de la partie inférieure de la façade et empêchant qu’on puisse prendre un peu de recul pour l’examiner. Marot a publié une gravure de cette façade mais il a dessiné une belle coupole qui non seulement n’existe pas sur cette église mais ne pourrait pas même s’accorder à sa disposition actuelle. À la vue des personnages que Marot a placés dans la perspective, on pourrait penser que cette façade est très grande et magnifique, alors qu’elle est tout à fait modeste et présente, à la manière française, un aspect trop tendreNote: En utilisant ce terme, Knesebeck veut probablement insinuer que la façade est trop fragile et légère d’apparence.. Pour ce qui est de la façade extérieure, je formulerai deux remarques du point de vue de l’architecture.

[[Détail des colonnes doriques accouplées dans la partie inférieure de la façade du couvent des Minimes à Paris]]

En premier lieu, comme on peut le voir sur le présent dessin, l’accouplement des pilastres et des colonnes doriques est d’une exécution tout à fait déplorable. Si l’on se fie à la gravure de Marot, on pourrait penser que l’entablement comprend des mutules : à Paris, les Français eux-mêmes s’y réfèrent quand ils disputent de l’accouplement. Le dessin de Marot est tout à fait faux et les mutules sont absentes. Au milieu de la façade, les triglyphes ne sont pas marqués. À en juger d’après beaucoup d’autres exemples comme le collège Mazarin, l’hôtel des Invalides et autres, c’est une habitude des Français que de commencer l’exécution des deux côtés simultanément et de progresser ensuite de part et d’autre vers le centre. Beaucoup d’ouvrages français ne sont pas terminés et ici encore, le travail a été interrompu avant que les tailleurs de pierre n’aient pu se rejoindre au centre.

Le pire est que, dans cette église, beaucoup de pilastres sans renflementsNote: Renflement ou entasis en grec : colonne présentant une augmentation de diamètre qui atteint son maximum au tiers du fût et va diminuant ensuite jusqu'au sommet. voir Antoine Quatremère de Quincy, « Renflement », dans : id., Encyclopédie méthodique. Architecture, t. 3, Paris, Panckoucke, 1825, p. 281-283 (voir sur Gallica). sont accouplés de telle sorte que les trois moulures supérieures ou l’abaque, les talons et le réglet se touchent. Au milieu de l’étage supérieur de cette façade, quatre colonnes corinthiennes sont ordonnées comme sur mon croquis, mais cette ordonnance ne produit pas un aussi bon effet que sur la façade du Landhaus de Rotterdam ; à distance surtout, on ne ressent rien.

[[Plan schématique de la configuration des colonnes dans l’étage supérieur de la façade du couvent des Minimes à Paris]]
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Marot a représenté entre les colonnes étroites des niches de statues qui n’existent pas non plus dans cette façade. Mansart n’a exécuté cet édifice que jusqu’au premier étage ; ainsi, le dessin de Marot semble avoir été fait d’après le plan de Mansart, qui n’a cependant plus été suivi par la suite. L’exécution des étages supérieurs produit un effet plus simple que celle de l’étage inférieur.

À l’intérieur, en dehors du maître-autel, cette église ne présente à ma connaissance à peu près rien de notable. Elle est décorée de belles colonnes corinthiennes en marbre à cannelures, ce que je n’ai jamais vu ni à Paris ni aux alentours. Le retable est une Descente de Croix censée être la copie d’un tableau de Volterra que possède la même congrégation dans son église de Rome. Sur les côtés figurent des statues de la Vierge et de saint François de Paule proprement sculptées par Guillain Note: Bien que Knesebeck indique Simon Guillain comme auteur, le saint François de Paule qui était présent au couvent des Minimes était de la main de Gilles Guérin. Il est aujourd'hui conservé à l’église Saint-Joseph-des-Carmes à Paris.. La chapelle du duc de Vieuville est très richement parée de marbre avec différents tombeaux sur lesquels les défunts sont représentés allongés ; la plupart ont été sculptés par Guillain, un sculpteur très renomméNote: Ici Knesebeck se trompe, cette chapelle renfermait le tombeau de Charles de La Vieuville et de son épouse Marie Bouhier par Gilles Guérin. Les quatre Vertus ornant les angles de la chapelle avaient été sculptées par Martin Desjardins..

Le célèbre Mansart s’étant ainsi rendu coupable d’une faute tout à fait grossière dans l’accouplement des colonnes et piliers doriques de l’église des Minimes, j’ai ajouté sur mon dessin une représentation du portail ou de l’entrée principale de l’hôtel de La Vrillière derrière la place des Victoires dont, cette fois, les mesures sont justes : ce portail présente une sorte d’accouplement comparable mais ne comporte pas d’erreurs aussi importantes que l’église des Minimes. Cependant, j’ai du mal à saisir pourquoi les Français font si grand cas de celle-ci et prétendent que le problème de l’accouplement, tenu par ailleurs pour insoluble, a trouvé ainsi une solution parfaite. Du reste, il est indéniable que l’ordonnance et les proportions de cette entrée sont très bonnes, voir la fig. IV. Sur mon croquis, j’ai représenté les colonnes centrales avec une largeur de 12 1/2 modules au lieu de 15 dans l’ouvrage existant, non seulement pour avoir une vue un peu plus grande et plus nette de l’ordre mais aussi pour examiner ce que pourrait donner cette ordonnance sur le portail d’une maison : je trouve qu’elle est encore plus belle que sur la porte cochère où elle a été employée.

Non loin de cette église, dans la rue du Temple, j’ai visité une demeure appelée l’hôtel de Bisseuil au sujet duquel je voudrais faire quelques petites remarques, puisqu’on en fait grand cas à Paris. Du point de vue de l’ordonnance, cette construction est sans valeur, mais elle se distingue des autres palais par sa décoration : les meubles de toutes origines y sont très bien assortis. Je ferai une petite observation à ce sujet au terme de ces remarques sur la ville de Paris. La plus grande différence réside dans de telles subtilités : chacun rivalise dans le rendu des couleurs, dans l’exécution, et cherche à être toujours plus délicat que les autres dans les accompagnements.Note: Knesebeck veut dire dans les détails de la décoration plutôt que par la construction même.

L’entrée principale de ce palais est une porte cochère quadrangulaire à la Mansart, placée dans une grande niche,

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comme on en voit tant à Paris et dans les alentours, car les Français les aiment beaucoup, ce dont on ne saurait les blâmer. d’Aviler en a dessiné dans son Commentaire de Vignole, planche 43 B, mais il n’aurait pas pu trouver un modèle plus laid. Je n’ai pas eu le temps de faire un dessin du portail de cet hôtel de Bisseuil, ni de celui du palais de Conti, qui lui ressemble, mais je veux le réaliser maintenant plus précisément, à une plus grande échelle et en me fondant sur mes souvenirs, à partir de la perspective que Marot a donnée de l’édifice entier ; les proportions seront à ma façon.Fig. V.

Par cette entrée, on accède à une petite cour et, à l’arrière, on arrive devant trois portes. Celle du milieu donne sur une autre cour, beaucoup plus grande ; une autre donne à l’arrière sur les chambres de service et la troisième conduit à l’escalier principal, qui est difficile à trouver. Il possède deux volées de marches qui se rejoignent selon la disposition bien connue et il est très bien éclairé : en effet, outre des fenêtres ordinaires percées sur le côté, il reçoit également de la lumière d’en haut par une coupole percée de lucarnes. Une fois cet escalier franchi, il faut traverser le grand salon pour accéder à l’antichambre donnant sur les deux chambres. Personne ne pourra faire facilement l’éloge de cette disposition. Le salon contient de belles peintures représentant des orages et des troupeaux de bétail. L’encadrement du plafond est remarquable, il est en plâtre sur fond d’or. La cheminée est elle aussi entièrement dorée ; elle est surmontée d’une Minerve assise sur un fauteuil et de trophées. La chambre à laquelle on accède par la porte droite de l’antichambre contient un beau parquet marqueté qui comprend même les armes du maître de maison. Le cabinet est entièrement orné de boiseries dorées sur lesquelles ont été peintes de magnifiques grotesques à la manière des Tuileries. Elles représentent de beaux vases de fleurs d’après nature autour desquelles volètent toutes sortes d’oiseaux. L’alcôve abrite une représentation très ingénieuse du Sommeil, peinte par Dorigny. La porte gauche de l’antichambre ouvre sur une autre chambre qui donne sur la rue. Celle-ci communique avec la première chambre par un couloir assez étroit et sombre ; elle se compose d’une chambre à alcôve surmontée d’une coupole qui produirait un meilleur effet dans un grand salon, d’une très petite galerie et d’un petit cabinet octogonal utilisé comme bibliothèque. Dans la chambre à alcôve, la cheminée est ornée d’un bas-relief de bronze d’une beauté extraordinaire représentant Jason sur le rivage de la mer en train de faire un sacrifice pour le bon déroulement de son retour de Colchide. La galerie contient une peinture de la fable de Psyché de Corneille ; les volets des fenêtres de cette galerie sont peints de grotesques en outremer sur fond blanc, ce qui est tout à fait charmant. De là, j’ai franchi la porte Saint-Antoine, d’une très belle exécution,

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dont l’excellente façade donnant sur le faubourg est dessinée fidèlement dans le Cours d’architecture de BlondelNote: La gravure se trouve dans Blondel 1698, 4e partie, p. 606., pour me rendre jusqu’à l’arc de triomphe dont on peut voir la maquette grandeur nature en plâtre. Rien n’a été construit derrière celle-ci sinon le piédestal en pierres de taille grossièrement taillées. Si cet ouvrage était réalisé en pierre et en marbre conformément à la maquette, force serait de constater qu’un tel monument n’aurait pas son pareil au monde. Ce serait le parfait exemple d’une architecture entièrement correcte et d’une réalisation impeccable. Il est dommage que le roi ne privilégie pas l’achèvement de cet ouvrage pour servir sa propre gloire. Mais la jalousie qu’inspirent à Mansart et à ceux qui le flattent la renommée de Perrault, qui a dessiné ce chef-d’œuvre de l’architecture, fait que ce chantier de construction reste en plan ; pendant ce temps, la précieuse maquette est en train de se détériorer complètement. Sur le chemin du retour, on peut voir

l’église de la Visitation Sainte-Marie dont la façade est tenue par les Français pour un miracle universel et un joyau de l’architecture. C’est Mansart l’Ancien qui l’a conçue et, en vérité, pour porter un jugement impartial, cette disposition possède un charme particulier qui tient pour une bonne part à son exécution extrêmement soignée et à ses proportions très choisies. Marot a donné une gravure précise de cette façade. Le portail est flanqué de deux colonnes corinthiennes bombées en leur milieu, dont l’effet n’est cependant pas déplaisant. À l’intérieur, l’église se compose seulement d’un parterre surmonté d’une coupole reposant sur huit pilastres corinthiens entre lesquels s’intercalent quatre grandes arcades. Il existe des gravures de cette église, même s’il n’est pas facile de les trouver ; par suite, au lieu de la dessiner, j’en ai établi un plan et une élévation (fig. VII et VIII), par le biais desquels je propose à l’imitation une petite église luthérienne. Il me semble que, par ce procédé, la visite des bâtiments étrangers est plus utile que si l’on se contente d’établir un dessin extrêmement précis, sans omettre aucun détail. Depuis cette église, on rencontre, en descendant vers la Seine, la vieille

église des Célestins. Cette église est en soi une construction tout à fait informe, grossière et gothique, mais il faut surtout la visiter pour la chapelle d’Orléans, remplie de monuments magnifiques et excellents. J’ai dessiné ici approximativement le lieu où ils sont conservés ; j’ai ensuite décrit ces monuments et, enfin, représenté leur forme de mémoire, en les imitant {approximativement}, parce que je n’ai eu ni le temps ni l’occasion de les dessiner directement ; mais cela ne fait rien, car il faut se concentrer sur l’essentiel. Lorsqu’un architecte voit des constructions étrangères, il ne peut ni ne doit avoir le projet de les reproduire et de les copier mais

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seulement de les imiter et de trouver là l’occasion d’élaborer de meilleures inventions.

Figure 5. Plan de la chapelle d’Orléans aux Célestins

Amiral Chabot.

Bonne de Milan.

Chabot duc de Rohan.

le cœur de Henri II. et Catherine de Medicis.

Charles duc d’Orléans fils aîné.
Sa femme
Duc d’Orléans
Philippe, fils cadet

le cœur de François II.

le cœur du Connétable de Montmorency.

Louis de Cossé duc de Brissac.

Duc de Longueville.

Le tombeau du connétable de Montmorency se compose d’une colonne torse romaine en marbre d’un seul tenant, décorée de feuillages, qui supporte une urne métallique contenant le cœur du connétable ; cette colonne est placée sur un piédestal de marbre rouge surmonté de trois Vertus de bronze. C’est Germain Pilon qui a dessiné ce monumentNote: Knesebeck se trompe, c’est le sculpteur et architecte des Montmorency Jean Bullant (151?-1578) qui a réalisé les dessins du monument..

Celui de Louis de Cossé est un simple piédestal sans statues, avec une inscription gravée dans le marbre, surmonté d’une colonne de marbre blanc ornée de couronnes et de noms enlacés. Elle supporte également une corniche sur laquelle est posée une urne dorée.

Au centre, on peut voir un tombeau modeste à quatre gisants, à l’ancienne manière. En haut, près de l’autel, sur un piédestal triangulaire (en forme de tripode reposant sur trois pattes de lion et orné de cartouches, de feuillages et de têtes de mort), trois Grâces sont adossées les unes aux autres ; elles portent sur la tête une urne dorée. Sur le piédestal, on peut lire trois inscriptions, composées chacune d’un distique apposé sur un cartouche. C’est Germain Pilon qui a dessiné ce monument.

Au-dessous, le tombeau central se compose lui aussi d’un piédestal triangulaire de marbre qui supporte une colonne de marbre blanc ; des flammes dorées partent du fût, entre trois petits amours qui éteignent leurs flambeaux. La colonne est surmontée là encore d’une urne.

Le tombeau du duc de Longeville est le plus beau. Il se compose d’une pyramide au-dessus de laquelle sont suspendus des trophées ; elle est posée

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sur un piédestal de marbre blanc sur lequel ont été apposés des bas-reliefs dorés et gravée une inscription. Cette œuvre est encore assortie de quatre statues des Vertus en marbre blanc. Anguier en est l’auteur.

Le monument de Bonne de Milan, la sœur de la duchesse d’Orléans, qui gît au centre avec son époux et ses fils, est démodé et n’a rien de remarquable.

Le tombeau de l’amiral Chabot a été dessiné par Jean Cousin, un peintre français ancien. Il est beau et précieux, mais à l’ancienne manière, et trop surchargé de sculptures. Au-dessus, l’amiral est représenté gisant.

Celui du duc de Rohan est tout à fait semblable mais dans une manière plus neuve et meilleure ; il est dû à Anguier. Là encore, il est surmonté d’une effigie du défunt.

.*. .*. .*.
J’en ai ainsi terminé avec mes remarques sur l’architecture de Paris, et je voudrais maintenant ajouter quelques observations sur les environs de Paris. Je pourrais encore formuler bien des observations sur le mobilier et autres choses semblables que j’ai vu là-bas, mais ces matières varient beaucoup trop et ne font pas exactement partie de l’architecture. Cependant, j’ajouterai quelques remarques sur la mode actuelle qui prévaut chez les Français pour le décor des murs des appartements.

Le décor des pièces.
  • 1. Il peut être en velours brodé, en tapisseries d’après des peintures et en tapisseries à grotesques et mauresques : on en trouve à Paris dont les dessins sont particulièrement beaux et les couleurs superbes. Des ordonnances d’architecture toutes entières sont brodées sur du velours. Les tapisseries à grotesques sont aussi utilisées par bandes, associées à d’autres bandes jaunes, rouges ou à des damas aux belles couleurs.
  • 2. On a coutume de couvrir les murs de dorures qui sont appliquées sur les boiseries ; ces dernières se divisent en panneaux encadrés de petite, moyenne et grande taille ; il n’y a pas de partie travaillée, sans que ne soient appliqués sur les jointures des encadrements de petits rinceaux filigranés. Les panneaux sont peints de grotesques dans les meilleures couleurs, belles et claires, comme celles qui sont utilisées pour la fabrication des enluminures.
  • 3. Ces panneaux peuvent également servir de support à de véritables tableaux.
  • 4. Ou encore à des miroirs.
  • 5. Des murs entiers peuvent être couverts de miroirs sur lesquels on accroche de petits socles en consoles supportant des sceaux métalliques rares, des vases et pierreries de toutes sortes.
  • 6. On trouve aussi des appartements dont l’architecture est entièrement dorée ; les espaces intermédiaires sont habillés de tapisseries ou d’autres tentures.
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  • 7. À l’intérieur, on installe des volets soit joliment peints, soit sculptés. En Hollande, on observe la même mode, mais seulement dans les édifices en pierre. Le reste est identique à ce qui est bien connu en Allemagne.

L’Arc de Triomphe Elle a été érigée à l’extérieur devant le faubourg Saint-Antoine, mais ce n’est qu’une maquette et elle est seulement en plâtre du côté extérieur. Elle a été réalisée très soigneusement à la taille exacte prévue pour la vraie porte. Le Clerc en a donné une élévation fidèle. La perfection, la correction, l’ordonnance et les proportions, la délicatesse des ornements, la situation, tout, en somme, est insurpassable dans cet ouvrage. S’il était réellement construit en pierre, les Français pourraient rivaliser avec la Rome antique et moderne. Mais rien n’est terminé sinon le piédestal qui a été ébauché et, par jalousie, les autres architectes vont chercher à faire ajourner la réalisation assez longtemps pour que la maquette s’effondre, ce qu’elle a effectivement commencé à faire. Depuis cette porte d’Honneur, une allée toute droite conduit, si on la suit jusqu’au bout, au château du

Bois de Vincennes. À une distance de mille cinq cent pieds, on peut voir un édifice gothique ancien et une nouvelle construction actuellement négligée parce que le roi n’y vient pas. Cette nouvelle construction se compose d’une cour quadrangulaire d’assez grandes dimensions située juste devant le parc, d’une galerie ouverte, d’arcades rustiques à l’arrière et à l’avant de la cour, et de deux logis en longueur des deux côtés de la cour, ornés de pilastres doriques et surmontés d’un attique. L’architecte en était Le Vau. À l’intérieur, les appartements sont imposants et richement décorés, en particulier ceux de la Reine, qui possèdent comme au Louvre et aux Tuileries des boiseries murales dorées et de beaux plafonds richement dorés. Les peintures de ces plafonds sont très belles, elles sont dues à Manchole, un peintre flamand, et à de Sève, un Français. Cette cour est fermée du côté du parc par un mur en arcades percé en son centre d’un superbe portail de 6 colonnes doriques presque indépendantes : il ressemble à un portail d’Honneur et on dit que c’est la plus belle œuvre de Le Vau. On peut voir dans les estampes du roiNote: Knesebeck fait allusion aux séries de gravures commandées par Colbert à la demande du roi, connues sous le nom de « Cabinet du roi » ou « Cabinet de planches gravées du roi ». une gravure qui le représente, dessinée par Marot.

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Versailles Situé à trois lieues de Paris, le fameux château de plaisance du roi de France, célèbre dans le monde entier, est volontiers regardé comme un bâtiment merveilleux, mais on ne peut nier qu’il présente un grand nombre de défauts assez importants. Il existe en grand nombre des gravures de ce magnifique lieu public, pour une part honnêtes et fidèles, mais dans la majorité des cas approximatives et fabriquées à des fins de profit ; par conséquent, je passerai ici sur beaucoup de remarques et me contenterai, dans ce qui va suivre, d’un petit nombre d’observations particulières.

À l’avant du château, telle qu’on la voit à l’entrée, la perspective est tout à fait particulière et surprenante, mais on s’en lasse très vite, parce que tout est trop coloré et d’un aspect trop théâtral. Il semble d’ailleurs que l’intention de l’architecte ait réellement été de figurer un théâtre. Mais de même qu’un théâtre est une copie imparfaite de bâtiments, réaliser un bâtiment à l’imitation d’un théâtre ne peut que produire un mauvais résultat.

La colline sur laquelle se trouve le château étant beaucoup trop escarpée, et les bâtiments ayant tous été alignés au niveau du toit, les bâtiments de l’arrière sont nécessairement beaucoup trop bas, car on n’a pas voulu trop surélever ceux du devant.

La couleur et l’ordonnance des murs extérieurs, de surcroît, ne contribuent pas peu à gâcher la majesté du bâtiment : on a l’impression qu’il est essentiellement bâti en briques et que des blocs de grès gris ont été ajoutés aux angles, pour ce qui est des lambris muraux extérieurs et autour des fenêtres. Les toits sont très somptueux avec leurs riches ornements de plomb doré aux brisures et sur les lucarnes.

Les grilles de fer forgé, très joliment travaillées et richement dorées, contribuent grandement, par leur nombre, à la splendeur de l’édifice.

Les ailes situées dans la cour intérieure, que la grille rejoint des deux côtés, possèdent sur leur façade antérieure, en face de l’entrée, des colonnades de colonnes doriques dégagées, placées très à l’écart du mur. Les architraves semblent composées de nombreux blocs de grès sculptés selon les règles de la coupe des pierres ; c’est ce qu’affirme également d’Aviler dans son Cours d’architecture. Cependant, beaucoup de pierres sont tombées, laissant voir que ces architraves sont faites de grandes poutres de bois qui ont seulement été recouvertes de panneaux de grès, ce qui produit un effet assez misérable.

L’architecture est dans l’ensemble très mal proportionnée, la combinaisonNote: Dans l’original allemand, Knesebeck écrit : « die combination tauget nichts » ; il veut probablement dire la « combinaison de briques et de pierres de taille ». ne vaut rien ; les ornementations sont pour une part confuses ou se superposent. En somme, cette architecture ne convient absolument pas. Elle est dorique, mais il lui manque tout ce qui rend l’ordre dorique vraiment héroïque, clair et agréable.

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Les cours du devant sont pavées ; la dernière est recouverte d’un carrelage de marbre noir et blanc et surélevée d’un grand nombre marches. Au centre du dernier bâtiment, une loggia permet d’accéder au jardin. Elle est ornée de magnifiques colonnes de marbre de couleur, et le sol est également pavé d’un splendide carrelage de marbre. La partie arrière donnant sur le jardin, plusieurs marches en contrebas, est simplement en pierre de taille.

Sur les ailes de cette cour intérieure, des deux côtés, trois arcades mènent aux escaliers. Non seulement ceux-ci sont difficiles à trouver, mais ils donnent, en haut, sur des pièces tout à fait malcommodes, comme on peut le voir sur le petit plan que j’ai dessiné à vue d’œil en faisant de mon mieux. Pour le reste, ils sont magnifiques, vastes, clairs et revêtus de marbre très précieux, surtout celui de droite, très joliment peint par Le Brun ; l’autre n’a pas encore été peint (fig. IX)Note: En fin de volume, les planches ne sont pas numérotées ; par contre, le plan de Versailles s’y trouve en dixième position. ; sur le plan, ces escaliers se trouvent aux numéros 19 et 20.

Je n’ai pas vu tous les appartements, mais j’ai visité les plus illustres. On atteint le n°1 par un petit escalier donnant sur un espace qui s’ouvre comme une galerie sur la chapelle (n°2). La chapelle elle-même est richement dorée mais contraste avec le reste du bâtiment par sa construction simple, en pierres blanches. Le retable est une NativitéNote: Il s’agissait probablement d’une copie aujourd’hui perdue de la fameuse Nativité, dite la Nuit, du Corrège (datant de 1522-1530, aujourd’hui à Dresde, à la Gemäldegalerie Alte Meister). Durant son séjour en Lombardie, Bon Boullogne avait réalisé en 1679 cette copie qui trouvera sa place dans la chapelle de Versailles entre 1682 et 1710. Voir Alexandre Maral, « L’étonnante destinée d’un édifice provisoire : la chapelle royale de Versailles entre 1682 et 1710 », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, Articles et études, mis en ligne le 11 juillet 2011, paragr. 90, n. 201., due à un très bon peintre. Par contre, je n’ai pu savoir son nom.

De là, on accède à une petite pièce (n°3) qui, à l’intérieur, est plaquée de marbre rouge, blanc et gris sur tous les pieds-droits des fenêtres et les encadrements des portes et jusqu’à mi-hauteur sur les murs tout autour. À gauche en entrant, au milieu du mur, figurent une arcade bien proportionnée et, au-dessous, une porte rectangulaire surélevée de trois marches. De part et d’autre de l’arcade, sur des gaines de termes, se dressent deux bustes de métal posés sur des piédestaux de marbre dans les tons jaunes. La corniche est entièrement dorée comme dans toutes les autres pièces. Tout le plafond est orné d’une peinture de ciel sur une voûte à fond plat en pente douce. Deux tableaux sont accrochés au mur, l’un représente le serviteur d’Abraham qui ceint de bracelets les poignets de Rébecca, l’autre la femme adultère que l’on conduit auprès de Jésus.

Si l’on franchit la porte que j’ai mentionnée, on entre (n°4) dans le cabinet des Bijoux du roi. C’est une pièce octogonale dont tous les murs sont recouverts de miroirs et, pour le reste, de boiseries entièrement dorées. Comme le montre la figure ci-dessous, de petits repositoiresNote: Dans l’original allemand, Knesebeck emploie le terme repositoriis, du latin repositorium, ii (n.) : endroit où l'on dépose ou conserve quelque chose ; il s’agit ici de consoles. sont placés sur devant miroirs : chacun supporte un objet rare et précieux, telle une coupe de cristal ou d’autres vases rares ornés de pierres précieuses, ou encore un sceau,

[[Vue d’une console à miroirs avec une verseuse dans le cabinet des Bijoux dans le Grand Appartement du Roi du château de Versailles]]
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une statuette de métal ou d’argent, etc. On ne peut qu’admirer à la fois la préciosité de tous ces objets, leur diversité et leur variété en dépit de leur nombre, et surtout la beauté du travail. Sur la table placée au centre de la pièce était posée une belle horloge à globe d’argent, sur lequel l’équateur pouvait tourner et indiquait les heures.

Vient ensuite le n°5, une pièce plus grande presque entièrement recouverte de marbre. En face des fenêtres, une grande niche abrite la statue antique de L. Cincinnatus, dont la main droite est notablement plus grande que le visage. On y trouve également six beaux bustes de marbre sur leurs piédestaux de la forme décrite plus haut. De part et d’autre figurent des perspectives peintes, que l’on dit être de Rousseau, un Français qui a excellé dans ce genre de peinture. Le plafond suspendu, qui se présente comme une voûte à fond plat, possède au centre une partie circulaire et, autour, quatre parties quadrangulaires allongées, ceintes d’un encadrement doré ; les panneaux sont occupés soit par des tableaux entrecoupés de grotesques de toutes les couleurs, soit par des peintures à l’indigo relevé d’or.

N°6. La pièce qui suit est aussi riche en marbre que la précédente. Elle abrite une table de billard recouverte de velours vert. Juste au-dessus de la tablette de la cheminée, un bas-relief de marbre blanc représente la Fuite du Christ en Égypte. Au-dessus, on peut voir le sacrifice de la fille d’Agamemnon le Troyen, échangée par Diane contre une biche. Au mur figurent encore huit bustes sur leur piédestal, en marbre très rare. Au centre, face à la fenêtre, une niche abrite un buste de marbre blanc qui est un portrait du roi à l’âge de trente ans environ. Le plafond montre un champ circulaire et la corniche est surmontée de quatre champs semi-circulaires. Tous ces compartiments ont été dessinés par Le Brun.

N°8 est la plus grande et la plus belle de toutes ces pièces, son ordonnance est celle d’une salle à manger. La cheminée est très en saillie par rapport au mur, elle fait face aux fenêtres et, des deux côtés, entre la cheminée et les murs, des balcons surélevés ont été installés pour la musique de table,

Le Brun

Raphaël

Paul Véronèse

comme sur le plan approximatif qui figure ci-dessous. Cette pièce est assez vaste mais elle est trop petite pour être la salle à manger d’un aussi grand roi ; à en juger d’après les autres pièces, on aurait attendu bien davantage. La pièce est de part en part recouverte de marbre, très magnifiquement, et dans celle-ci comme dans les précédentes, tous les sols sont eux aussi pavés de marbre, avec des figures différentes à chaque fois. Dans toutes les autres pièces, on trouve des parquets polis de couleur foncée, qui ne produisent pas un très bon effet. Dans la salle à manger, on peut voir trois tableaux magnifiques.

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Au-dessus de la cheminée, une Sainte Famille de Raphaël. D’un côté, un grand tableau représentant le Souper des disciples à Emmaüs. Dans son Parallèle des Anciens et des Modernes, Perrault se moque beaucoup de l’ordonnance de ce tableau. Mais je ne la trouve pas si absurde qu’il le prétend. Ce jugement était cependant destiné à valoriser par contraste l’œuvre de Le Brun qui se trouve en face, la Famille de Darius. Ce tableau est vraiment remarquable, mais reste à savoir si, en vieillissant, les couleurs tiendront aussi bien qu’à l’époque de Véronèse : j’en doute fort. Pour le reste, je ne comprends pas non plus pourquoi les Français placent cette œuvre de leur compatriote à tel point au-dessus de celle de Paul Véronèse.

Les n° 9 et 10 ne présentent rien de particulièrement remarquable, hormis les tapisseries de velours très richement et somptueusement brodées d’or. Dans le n°10, signalons une architecture bien faite de pilastres corinthiens en broderie d’or, qui peuvent être séparés par panneaux. Dans cette pièce, qui semble être la pièce d’audience, le baldaquin est un ouvrage du même type, d’une splendeur inouïe, avec des campanes de broderies en reliefNote: Du latin campana, ae (n. f.) : cloche. Désigne un ornement de soie, de fil d’or ou d’argent, muni de glands évasés en forme de clochette. Voir Antoine Maës, « L’ameublement du salon d’Apollon, XVIIe-XVIIIe siècle », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, Articles et études, mis en ligne le 26 mars 2013..

Cette pièce permet d’accéder à la Grande Galerie qui est ce qu’on peut voir de mieux et de plus magnifique dans tout Versailles. À chaque extrémité, elle comprend un beau salon avec lequel elle communique par une grande arcade ouverte. Sur toute sa longueur, elle est éclairée d’un côté par des fenêtres et de l’autre par des fenêtres aveugles recouvertes de miroirs. L’architecture se compose de pilastres d’ordre français séparés par des arcades distantes parfois de moins de la moitié d’un entrecolonnement. Les grandes arcades situées entre chaque salon et la galerie comprennent aussi des colonnes indépendantes. Toute cette architecture, y compris l’entablement, est dans un marbre des plus somptueux. L’entablement en revanche est doté de consoles sur la frise qui sont en plâtre, dans un ordre tout à fait corinthien, très richement sculptées et entièrement dorées. Les chapiteaux et bases sont également dorés. Près des fenêtres et en face de ces dernières ont été installées de précieuses tables de marbre, porphyre, jaspe, etc., surmontées de vases antiques au nombre de 32. Devant le plus petit entrecolonnement figurent des bustes, au nombre de huit, et, entre les demi-entrecolonnements, dans des niches, 8 statues antiques. Les tables sont flanquées, des deux côtés, de fauteuils tapissés d’étoffes magnifiques brodées avec une minutie extraordinaire, au fil d’or sur de la moire d’argent. Au centre, des emblèmes à paysages, cousus de soie avec tant de soin et de précision qu’ils auraient pu être peints au pinceau. Au-dessous, on peut voir encore de petites broderies blanches en chenille sur lesquelles le lemme est cousu en noir. Le plafond est en berceau, ou semblable à une voûte en berceau en plein cintre, ce que toutes les galeries de France imitent à présent : la galerie d’Apollon au Louvre, celle de Saint-Cloud, celle de Clagny, ont toutes été disposées exactement de cette manière. Sur le plafond, toutes sortes de petits et grands panneaux sont répartis d’après

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des figures mathématiques composées qui s’accordent avec les colonnes du dessous. Les encadrements sont larges et en haut-relief, les cadres richement ornés de sculptures entre lesquelles s’intercalent des guirlandes de fleurs, des putti, des animaux, etc., tous bien dessinés et richement dorés ; sur les panneaux est peinte l’histoire allégorisée du roi. On peut trouver de superbes gravures de toutes les peintures et tous les ornements de ces plafonds. Tout spectateur impartial verra que les inventions ne sont pas très ingénieuses mais pourtant fort prétentieuses. On est excédé de voir si souvent reproduite l’image du roi dans les nuées, sur un char solaire, le foudre à la main. Du reste, ces peintures sont très belles et j’ai particulièrement apprécié que, dans les hémicycles qui surmontent l’entablement de l’ordre aux extrémités de la galerie, les peintures soient ordonnées de telle façon que Mercure sorte d’un panneau du plafond pour voler vers les autres, ce qui est parfaitement rendu. Au demeurant, voilà qui laisse songeur : le roi de France a fait établir consciencieusement des gravures des meilleures œuvres figurant à l’intérieur de ses bâtiments, en particulier celles qui ont été réalisées sur l’ordre de Le Brun, mais il n’en a pas fait de même pour cette galerie et a même interdit que quiconque en fasse des dessins ; on peut en conclure aisément que le roi lui-même a presque honte de cet excès de flatterie. Cependant, étant donné que la composition de cette galerie est tout à fait soignée et belle, et qu’elle est la référence de toutes les galeries aménagées en France sur ce modèle, comme on peut le voir notamment avec la galerie d’Apollon au Louvre et celle de Saint-Cloud, j’ai établi une imitation avec deux dispositions possibles d’une galerie, pour tirer un parti encore plus grand de mes réflexions : j’ai cherché à réunir ainsi toutes les perfections qu’une galerie puisse présenter. Pour finir, j’ai résumé mes idées dans un plan dont une moitié (A) est disposée un peu différemment de l’autre (B)Note: Cette planche se trouve au folio 81..

1. En général, il est d’usage de placer les galeries dans les ailes des bâtiments, pour qu’elles possèdent des fenêtres des deux côtés. Celle de Versailles est cependant située dans le bâtiment principal, au centre, et elle occupe toute la partie qui fait face au jardin, ce qui ne me paraît pas le meilleur choix. Cependant, pour rester dans le cadre d’une imitation, j’ai donné le même emplacement à ma galerie mais j’ai dessiné des cours à l’arrière afin qu’elle possède des fenêtres des deux côtés. Pour le reste, j’ai presque entièrement conservé la longueur de la Galerie de Versailles.

2. Dans la Galerie de Versailles, on ne trouve pas de tableaux sur les murs, ce qui ne m’a pas plu ; par suite, j’ai aménagé ma galerie de telle sorte que les fenêtres y apportent suffisamment de clarté pour qu’on puisse y installer 12 grands tableaux en (a) selon deux types de disposition.

3. Dans la Galerie de Versailles, on compte trop peu de statues, qui sont pourtant l’un des ornements les plus prestigieux d’une galerie. Dans l’une de mes dispositions, 12 statues peuvent trouver place dans autant de niches, et 16 dans l’autre.

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4. Les salons qui jouxtent la Galerie de Versailles ne sont pas plus larges que la galerie elle-même, et sont par suite trop petits ; ils semblent ainsi être davantage des parties de la galerie qu’on aurait séparées que des salons indépendants. Dans ma disposition, j’ai pallié ce défaut en prévoyant de grandes salles octogonales dotées de surcroît de coupoles, qui sont ainsi entièrement distinctes de la galerie.

5. Comme il est magnifique de réunir dans une galerie tout ce que la peinture, la sculpture et l’architecture peuvent produire de rare et de splendide ! Je ne les ai vu réunies dans aucune galerie française, mais j’ai aménagé la galerie de mon invention de telle sorte que toutes ces raretés puissent y être assemblées. Ainsi, je placerais des statues dans des niches de la galerie, et elles seraient surmontées de bas-reliefs. Là où les entrecolonnements sont étroits, il faudrait placer des grotesques entre les pilastres et à leur pied, devant, des bustes. En ce qui concerne les ornements du plafond, j’ai seulement indiqué dans la première moitié les bases de l’ordonnance en traçant de simples lignes ; dans la seconde moitié, le dessin est complet mais je l’ai fait rapidement à main levée. Sur les côtés de la découpe des fenêtres, on pourrait accrocher des miniatures entourées de petits cadres. Dans le salon C., je voudrais décorer de marqueterie l’intervalle entre les colonnes rapprochées ; les quatre cabinets, convenablement éclairés par les fenêtres de la coupole, pourraient abriter de grands miroirs à encadrement doré, devant lesquels on pourrait exposer des sceaux métalliques sur des repositoiresNote: Dans l’original allemand, Knesebeck emploie le terme repositoriis, du latin repositorium, ii (n.) : endroit où l'on dépose ou conserve quelque chose ; il s’agit ici de consoles. dorés. De part et d’autre des fenêtres, il serait assez bienvenu de placer des moulages de plâtre ou des impressions sur satin d’après de très bonnes gravures à caractère artistique, afin que ce domaine important, qui fait partie de la peinture, ne soit pas en reste. Le plafond devrait être orné d’incrustations ou de marqueterie, ainsi que d’une mosaïque de peintures entourées de beaux cadres de plâtre doré.

Le salon D., enfin, serait consacré aux œuvres les plus grandes et les plus remarquables ; de grandes niches abriteraient des groupes sculptés en métal et en marbre. Dans les intervalles entre les colonnes rapprochées, on suspendrait des médaillons. Le plafond serait orné d’une architecture en perspective peinte et assortie d’un bossage de plâtre ; elle serait accompagnée d’armatures, de Vertus assises et d’esclaves allongés, comme on le voit sur ce croquis approximatif. De part et d’autre des fenêtres, on pourrait encore ajouter de grands ovales avec des portraits de profil en bas-relief de marbre. Enfin, les découpes de fenêtres pourraient abriter des tables sur lesquelles on poserait toutes sortes de vases. Il faudrait ajouter à côté de beaux guéridons et fauteuils ; de la sorte, il ne manquerait aucun des ornements de l’architecture, de la sculpture et de la peinture. Afin de mieux pouvoir juger de ma disposition et imitation, j’ai dessiné l’ordonnance de la Galerie de Versailles (fig.). Je n’ai pu ajouter les salons, car il m’a été impossible de prendre davantage de notes en cachette.

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Au sortir de la Galerie, je suis entré dans le Petit Appartement du Roi qui est entièrement revêtu de boiseries blanches assorties de quantité d’ornements richement dorés. Le plus remarquable est le nombre important de tableaux des meilleurs maîtres. Dans le peu de temps dont j’ai disposé, j’ai pu établir, entre autres, la liste suivante :

Dans le cabinet du Roi.

Le Jugement de Salomon de Poussin. Le Silence ou une Sainte Famille avec l’enfant Jésus endormi : toute la scène est empreinte d’une expression singulière, profondément paisible. Les Français attribuent cette toile à Le Brun, mais elle a été peinte par Carrache. Une Entrée du Christ à Jérusalem de Le Brun, qui est très belle.

Dans la pièce suivante, une chambre à coucher, un Adonis du Dominiquin ; la Mort d’Ananie devant saint PierreNote: Sturm se trompe, comme l’indique la notice de l’œuvre conservée aujourd’hui dans les collections du musée du Louvre : il s’agit de la mort de Saphire, femme d’Ananie, qui expire aux pieds de saint Pierre. , par Poussin. Un Triomphe de deux Romains sur un char de Jules Romain. Une Judith de Raphaël.

Dans la pièce qui suit, une création du Dominiquin.

Dans la Petite Galerie, ornée de pilastres dorés qui ne relèvent pas d’un ordre particulier, et tendue de damas rouge dans les intervalles : un Saint François en méditation, deux portraits en buste du Guide, l’un représentant le dessin, l’autre la couleurNote: Il s’agit en réalité d’une seule oeuvre : un tableau allégorique représentant deux figures, la couleur et le dessin.. À côté figurent deux portraits en buste du Christ et de la Vierge censés être du même auteur. Une Nativité, de toute petite taille et d’une qualité remarquable, par Carrache. Une Sainte Catherine s’agenouillant devant le Christ, du Corrège. Un portrait de Raphaël par lui-même, alors qu’il était encore très jeune. L’Ecce Homo de Mignard. Le plafond de cette galerie est en berceau à fond plat, il a été très joliment peint et disposé par Mignard, comme on peut le voir sur mon croquis approximatif (fig.)Note: Knesebeck renvoie à l’une de ses planches (dans le texte allemand on lit « Tab: »), sans mention de numéro.. Le tableau central représente le Couronnement du Génie de la France par Minerve, tandis qu’Apollon distribue des présents aux Arts. Les autres tableaux placés autour figurent la Prudence et la Discrétion ainsi que leurs symboles, ou encore, pour le troisième, la Vigilance avec Mercure, le plus éveillé de tous les dieux.

La chambre du Conseil est entièrement revêtue de miroirs et d’encadrements dorés, et simplement décorée de petits tableaux au-dessus des portes.

Le Salon ou la pièce où le roi s’habille possède deux cheminées qui se font face, surmontées de deux grands et beaux tableaux du Dominiquin : d’un côté, David jouant de la harpe, de l’autre, Sainte Cécile à la viole. Au-dessus de la corniche sont encore peints 9 panneaux, tous sur le thème de la musique, par Le Bassan le Jeune.

De là, je suis entré dans les appartements du Dauphin, qui étaient alors entièrement démeublés. Je n’ai vu que deux pièces, le Cabinet et la salle des Bijoux. Le premier était richement doré et on pouvait y voir les Quatre degrés de l’amour de l’Albane, des grands tableaux d’une remarquable beauté. La salle des Bijoux était entièrement tapissée de marqueterie de toutes les variétés de bois, d’écaille de tortue, d’argent, d’ivoire, etc. sur un fond couleur de muscNote: Un gris foncé tirant sur le brun.. Des miroirs étaient disposés ça et là, sur lesquels étaient fixés les repositoiresNote: Dans l’original allemand, Knesebeck emploie le terme repositoriis, du latin repositorium, ii (n.) : endroit où l'on dépose ou conserve quelque chose ; il s’agit ici de consoles. supportant les bijoux. On ne saurait imaginer pièce plus belle et plus plaisante.

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De là, je suis allé visiter le jardin.

La façade du château, côté jardin, est remarquablement somptueuse et impressionnante, compte tenu de sa longueur peu commune, mais en elle-même, la disposition de l’architecture n’est pas assez majestueuse pour s’accorder à une telle ampleur. L’étage inférieur est orné de lignes de refend, avec de nombreuses arcades sans colonnes intermédiaires. Le premier étage est ionique, son exécution est magnifiquement soignée, il comprend à la fois des pilastres et des portiques avec des colonnes isolées. Dans l’intervalle sont placées des arcades avec des fenêtres dont l’arc diaphragme est trop large et les ouvertures trop hautes pour ces dimensions, ce qui fait perdre au bâtiment beaucoup de son cachet. À l’étage supérieur figurent encore un attique à demi-pilastres corinthiens et, tout en haut, une balustrade avec des trophées qui dissimulent entièrement le toit.

Le plan du jardin n’est pas établi selon de bons principes, puisqu’il est aménagé au sommet d’une colline aux pentes si raides qu’en bas, au bout de l’allée centrale, on ne voit même plus l’étage supérieur du château, ce qui est manifestement un défaut. Un plan de ce jardin est aujourd’hui disponible sous la forme d’une gravure, mais il est beaucoup trop petit et trop approximatif ; les grands plans qui figurent parmi les estampes du roi ne correspondent pas à l’état actuel. Telle est la raison pour laquelle j’ai dessiné un plan fidèle de ce jardin et établi sur place, très soigneusement, le plan des jeux d’eau (voir la fig.).

I. La terrasse est entourée de marches de marbre blanc. K. et L. sont deux beaux bassins avec des bords en marbre blanc, surmontés de sphinges, de putti et de fleuves de taille colossale, fondus en métal.

N. et O. possèdent un encadrement de marbre de couleur au-dessus duquel les eaux forment une cascade des plus agréables. Le lion qui se bat contre un verrat est en bronze, c’est une œuvre de Van Clève, tout comme le chien et le cerf.

P. réunit toutes sortes de marbres de couleur, entre lesquels les cascades en rocaille descendent par degrés ; les candélabres et vases sont en plomb et ont l’air d’être en pierre.

Dans le labyrinthe R., Ésope a été sculpté en pierre et ressemble point par point au portrait décrit dans la Vie d’Ésope ; la gravure qui le représente n’est pas tout à fait exacte. Cette statue et celle de l’Amour qui la côtoie ont été peintes en couleurs naturelles ; les bords des fontaines sont en marbre pour un petit nombre d’entre elles, en pierre et en rocaille pour les autres ; les statues placées sur les fontaines sont toutes en plomb et peintes en couleurs naturelles.

La colonnade e. se compose de 12 arcades de marbre blanc reposant sur autant de piliers de marbre gris et, sur le devant, d’autant de colonnes de toutes sortes de marbres de couleurs rares. Au-dessous de chaque arcade, hormis celle qui sert d’entrée, jaillit un jet d’eau. Les bases et chapiteaux sont en métal doré ; au centre, trois marches en dessous, se dresse le beau groupe de

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l’Enlèvement de Proserpine, en marbre blanc, sur un piédestal rond de marbre blanc fort agréablement sculpté, un chef-d’œuvre dû à Girardon.

La salle des Antiques, un peu en pente, est aussi remarquable, avec ses statues antiques et les fontaines intercalées entre les sculptures.

h. La fontaine d’Apollon, dont les eaux coulent avec une abondance et une force qu’on ne saurait décrire, possède de magnifiques statues de chevaux et de tritons dues à Jean-Baptiste Tuby. Elles sont faites en plomb métalliséNote: Probablement dans le sens de « doré »..

i. est une pièce excellente, un bassin avec une balustrade hexagonale entourée d’une balustrade ronde plus élevée, en plomb et cuivre dorés. Il est flanqué de part et d’autre de 2 magnifiques pavillons d’ordre ionique, comme dans le plan ci-dessous,

[[Plan d’un pavillon au bosquet des Bains d’Apollon dans le jardin du château de Versailles]]

avec des toits superbement dorés. Tout cet ouvrage est entièrement en marbre. Les colonnes indépendantes, la frise extérieure et bon nombre de cimaises sont dans un beau marbre rouge, le reste en marbre blanc. Les bases, les chapiteaux et festons ainsi que d’autres ornements du toit sont en métal doré. Les statues de marbre blanc installées dans des niches sur le pourtour sont les suivantes :

Le groupe d’Apollon au bain, par Girardon et Renaudin.

Deux groupes de chevaux solaires, par Gaspard Marsy et Guérin.

Acis de B. Tuby et Galathée, du même. Amphitrite par Anguier. AmphionNote: Knesebeck se trompe : il s’agit d’une figure d’Arion par le sculpteur Jean Raon et non d’Amphion par Michel Anguier., du même. Des figures féminines de la Navigation et du Vent, la première avec un compas de navigation et une rame, la seconde avec des nuées et un flambeau. Je n’ai pu savoir qui en était l’auteur.

k. un bassin où figure Encelade de taille colossale, en plomb ; il n’y a là rien d’autre à signaler.

l. n’a rien de précieux et n’est pas aussi grand que sur la gravure qui le représente. Dans mon dessin aussi, je l’ai représenté plus grand que nature, pour plus de clarté.

U. présente une disposition plaisante : trois cascades s’écoulent d’un petit bosquet sombre et se rejoignent dans un réceptacle rond qui devient plus profond par degrés ; ce dispositif est entouré de haies taillées formant des arcades sous lesquelles jaillissent des fontaines, comme dans la colonnade.

Q. : des joncs taillés dans le cuivre et le plomb, ornés d’or, d’argent et de couleurs naturelles. La construction ressemble à s’y méprendre à un frêne réel.

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W. : autre pièce magnifique, ornée ça et là d’un peu de marbre mais surtout de parterres de gazon, de bancs faits de buis et d’autres décors végétaux.

X. est très riche en cuivre et plomb doré, en marbre, en rocaille et en beaux coquillages, et sa disposition est assez charmante.

Y. est une fontaine avec un dragon et Z. un étang entouré de nombreux jets. Le bassin t. abrite Curtius à cheval, du Bernin.

O. est la Pyramide d’eau de Girardon, en bronze ; on en fait grand cas mais elle n’a rien d’extraordinaire. Les statues sont en soi assez réussies, mais la composition est très simple.

p. q. est une allée en pente ponctuée de fontaines qui jaillissent à chaque fois d’un groupe de trois enfants. Elles sont l’œuvre de Le Gros, Mazeline et Lerambert.

M. est le bassin de Latone avec ses enfants, une œuvre magnifique de marbre blanc ; les paysans, eux, sont en plomb. Les auteurs en sont deux frères du nom de Marsy. Sur le plan, vers le bas, les petits points indiquent de part et d’autre un assez grand nombre de statues, de termes et de vases, tous en marbre blanc, par des maîtres avertis.

t. Bacchus ou l’Automne en plomb doré, par Gaspard Marsy.

r. Saturne ou l’Hiver en plomb doré, par Girardon.

s. Flore ou le Printemps en plomb doré, par B. Tuby.

u. Cérès ou l’Été en plomb doré, par Renaudin.

L’orangerie (S. T.) est un magnifique édifice d’ordre toscan, vraiment majestueux, qui est ordonné de façon tout à fait proportionnée. Il en existe des gravures qui représentent très fidèlement l’ensemble de l’installation. L’intérieur dans son ensemble est sobre mais exécuté en pierres de taille d’après la coupe des pierres, avec des voûtes vraiment magnifiques. Près de l’entrée, une niche abrite une statue du roi en pied, qui l’a saisi dans toute sa noblesse. C’est une statue grandeur nature en marbre blanc, par Desjardins.

Parmi les outils de jardin, j’ai remarqué

[[Vue d’un arrosoir]]

un tonneau pour l’arrosage qui m’a paru tout à fait pratique. J’ai également observé là une partie de la machine qui sert à déplacer les arbres ; je l’ai dessinée d’après le modèle que j’ai vu à Wolffenbüttel.

Sur la place ou dans le jardin situé devant l’orangerie, là où les orangers sont placés en rangs dans un ordre plaisant, figurent encore deux bassins

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[[Vue d’un chariot servant à transporter les arbres]]

et de nombreuses statues. Les unes sont en bronze, les autres en marbre. J’ai surtout remarqué celles qui suivent : Mercure et Psyché, un groupe en métal de J. de BologneNote: Knesebeck se trompe, il ne s’agit pas d’une œuvre du sculpteur florentin Giambologna (ou Jean de Bologne) mais de son élève Adrien de Vries., Le Temps et l’Occasion, un groupe de marbre blanc de Regnaudin, tous remarquablement exécutés. Borée et Orytie, là encore en marbre blanc, par Flamand.

Le profil de l’encadrement des bassins, en marbre blanc, m’a beaucoup plu. Tous les encadrements de bassins ne dépassent du sol que de quelques pouces. Je ne saurais dire combien il est charmant de voir le marbre blanc contraster avec le sable jaune des allées.

Voilà pour le jardin de Versailles.

Le Trianon. Ce Trianon ou maison dans les buissons est très beau et mérite absolument la visite, mais, à l’intérieur, les appartements ne sont pas encore complètement terminés. En entrant, on accède à une loggia entièrement ouverte sur le jardin, qui ne tient que par des colonnes ioniques accouplées, en beau marbre rouge, avec des bases et des chapiteaux de marbre blanc. De tout Versailles, rien n’est plus charmant que cette loggia. Le sol est également pavé d’un beau carrelage de marbre, mais le plafond est encore entièrement vierge et blanc, et fissuré à de nombreux endroits. Sur la gauche, on pénètre dans le Petit Appartement du Roi qui doit un jour être richement doré ; pour l’instant, les cimaises et corniches ont seulement été peintes en blanc avec leurs supports. Les parties sculptées se composent seulement de petits sarments ténus, ce qui est très charmant, ils sont taillés très délicatement sur les cimaises. Les corniches ont les ornements ordinaires des moulures, mais elles sont taillées très tendrementNote: Dans le sens de « finement ».. La cheminée de l’une de ces pièces est surmontée d’un Saint Matthieu, qui fait face à un Saint Jean l’Évangéliste presque grandeur nature, deux très belles peintures de Mignard. Une Arche de Noé et un Moïse au buisson ardent par Bassan le JeuneNote: Cette œuvre, contrairement aux indications de Knesebeck, est de la main de Jacopo Bassano père (c. 1510-1592) et non de son fils Francesco Giambattista Bassano (1549-1592), dit « Bassan le Jeune ». m’ont également semblé tout à fait remarquables. Ils font environ quatre pieds de large et trois de haut. La dernière pièce de cet appartement est très richement revêtue de miroirs et ornée de rideaux et de couverturesNote: Knesbeck emploie le terme Decke qui peut signifier « plafond, couverture, nappe ». Il fait probablement référence à des pièces de tissu qui recouvraient le mobilier. de damas rouge. Mêlé au blanc des murs, et reflété de tous côtés par les miroirs, ce rouge donne à la pièce un côté particulièrement attachant.

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De l’autre côté de la loggia se trouvent un grand nombre de pièces qui sont cependant très petites et, juste à côté, un salon octogonal et une galerie, plus à l’arrière dans l’aile du bâtiment qui donne sur le jardin. Les plafonds ne sont ni peints ni ornés, tous sont d’un blanc pur. Mais sur les murs, on peut voir partout de beaux tableaux, la plupart de Mignard. Dans la galerie figurent des vues de Versailles peintes d’une manière tout à fait charmante et ponctuées, ça et là, de fables qui s’accordent bien avec elles. Il est remarquable que toutes les cheminées, qui sont en grand nombre, soient à chaque fois encadrées de variétés de marbre différentes : sont réunies là plus de trente variétés parmi les plus curieuses. Sur ces cheminées sont posés quantité de curieux vases à amulettes Note: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise le mot amuliert. et des vases japonais dans les plus belles porcelaines ainsi qu’une multitude de sceaux de métal. Beaucoup de pièces étaient très délicatement tendues et ornées de damas blanc à la manière japonaise, tout comme, le plus souvent, les fauteuils et dessus de lit étaient de la même étoffe ; on ne saurait rien imaginer de plus magnifique. Il s’agit là de véritables ouvrages japonais. Cà et là, quelques lits de petit format sont dissimulés dans les murs, de sorte qu’on puisse les fermer comme des placards, une mode déjà ancienne chez nous.

La disposition du jardin, conforme aux principes de Le Nôtre, est très charmante ; il ne se distingue en aucune manière par ses jeux d’eau. Derrière la maison, un bassin est couvert de beaux porphyres et vases de marbre ; un Laocoon grandeur nature avec ses deux fils, fondu en métal d’un seul jet, a été reproduit fidèlement d’après l’antique. Plus loin, on peut voir un tout petit bois composé d’arbres en désordre, sur une petite colline. Il est traversé d’un ruisseau composé d’un grand nombre de cascades, fait en plomb, qui se subdivise en un grand nombre de bras et s’écoule naturellement, sans ordre ni symétrie, ce qui produit un effet absolument charmant. Pour en donner une illustration claire, j’ai présenté dans le dessin qui suit un plan approximatif de l’ensemble.

NB. J’ai oublié de signaler une particularité de l’architecture de ce palais : à l’extérieur, les murs sont partout ornés de pilastres ioniques, de même taille que les colonnes de la loggia, en marbre gris ; mais ceux qui donnent sur la galerie semblent être soudés ensemble, comme s’ils faisaient cinq modules de large : un caprice vraiment déraisonnable qui produit une impression absolument affreuse et gâche presque l’ensemble de l’édifice.

Je n’ai rien à signaler de particulier concernant la ménagerie. Dans son pavillon, l’appartement du roi comprend quantité de chambres de très petites dimensions dont les portes sont taillées à proportion et sont donc presque trop petites. Quelques escaliers de très petite taille mais commodes possèdent seulement des encadrements en plâtre sur bois ;

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Figure 6. [u.] Plan approximatif du palais et du jardin du Trianon à Versailles.
  • A. Loggia.
  • B. Appartement du roi.
  • C. Salon;
  • D. Galerie
  • E. Parterre à la française.
  • F. Parterre à l’allemande, un peu en contrebas.
  • G. Fontaine du Canal à laquelle on peut accéder par les deux côtés de la terrasse en descendant des escaliers.
  • H. Bassin.
  • I. Petit Parc.
  • K. Une grande pièce d’eau avec jets dans un théâtre de gazon ou de pelouse.
  • L. Une longue allée entièrement fermée dont les deux extrémités sont occupées par une crédence à réceptacle doré qui joue avec des cascades et des jets d’eau.
  • M. Pièce d’eau avec jets.
  • N. Le groupe du Laocoon
  • O. Le ruisseau de la cascade.

Basse cour.

Cour.

Allée du grand Parc de Versailles.

Terrain de jeu de mail.

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on était en train d’ajouter par-dessus, sur des plinthes, des balustrades de fer forgé d’une beauté remarquable ; 30 personnes se pressaient dans les chambres pour les dorer. Les écuries devant les animaux sont très intelligemment organisées, mais leur disposition n’est en elle-même pas très heureuse, on n’a pas assez le plaisir de voir les bêtes. La volière ou uccellieraNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise également le mot italien uccelliera (s. f.) : volière. n’est pas aussi bien agencée ni aussi plaisante que celle de Het Loo, loin s’en faut.

Près de Versailles, aux abords de l’aqueduc, on peut voir le tout nouveau palais de Clagny, un bel édifice qui est actuellement la propriété de Madame de Maintenon.

Clagny Il existe une représentation gravée précise de ce palais que Mansart, actuel directeur général des Bâtiments royaux et auteur de ce château, a fait graver comme toutes ses autres œuvres. Je ne suis cependant pas sûr que, parmi les architectes au fait de ces questions, ce bâtiment lui vaille les mêmes applaudissements que le dôme de l’hôtel des Invalides. Il me semble en tout cas avoir de bonnes raisons de considérer que cet édifice comporte beaucoup de défauts. En soi, les pièces intérieures, en particulier les principales, telles que la galerie, la grande salle, un cabinet et les escaliers, sont très réussies et magnifiques, mais c’est l’ensemble de la composition qui est fautif. L’édifice est entièrement bâti en pierres de taille, et bien exécuté ; à l’extérieur, il est tout à fait régulier dans sa composition et son ordonnance en général et, même s’il ne comprend qu’un étage en ordre dorique et un demi-étage en ordre corinthien, il n’est pas sans avoir belle allure : pourtant, il aurait mieux valu deux étages complets, tant pour l’ordonnance que pour la beauté. Mais ce palais aurait alors pris un tour beaucoup trop pompeux et italien, ce que les Français peuvent difficilement tolérer. Si l’on examine point par point la façade, on peut encore relever quelques erreurs tout à fait manifestes. Je mentionnerai seulement ici celles que l’architecte a commises de part et d’autre de l’entrée des ailes du château ; j’ai dessiné à cet effet l’entrée dans son ensemble dans la figure qui suit. J’ai l’impression que Mansart a voulu ici conforter par son autorité et justifier les fautes commises par son neveu dans l’église des Minimes à l’encontre de l’ordre dorique. L’architecte semble avoir concédé qu’il était regrettable de ne pas avoir aménagé au château de Versailles une pièce vraiment vaste, hormis la Galerie, et moins encore une salle de grand apparat ; voilà pourquoi il a prévu dans ce palais une salle assez imposante, bien proportionnée, toute en pierres de taille. Mais ce qui laisse à désirer, c’est qu’elle est beaucoup plus haute que large et longue. En soi, les escaliers sont beaux, la coupe des pierres est hardie, mais ils sont encore trop modestes pour un tel édifice, et leur emplacement n’est pas bon, car il faut faire

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Élévation de l’entrée des ailes du château de Clagny.

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un effort pour les trouver. Enfin, la communication entre les appartements est extrêmement malcommode. Cet exemple me conforte dans l’idée que le confort des édifices français n’est pas aussi grand qu’on le prétend : qu’on me permette de le dire. Dans les élévations ci-dessus, j’ai mentionné les peintures qu’il est prévu d’ajouter dans la galerie et l’orangerie. Pour l’instant, elles ne sont pas encore réalisées. Sur le plan, le jardin est tout à fait plaisant, mais en réalité, il est fort mal entretenu et l’étang au fond du jardin, encore dépourvu de bordure, est envahi par les ajoncs et la vase.

Marly est à deux bonnes heures de Versailles dans une vallée très riante entre deux collines. La perspective n’est ouverte que d’un seul côté, en direction de Saint-Germain. L’installation d’ensemble est très bien pensée. Comme il n’en existe encore aucun plan, j’en ai dessiné un par moitié (fig. X)Note: Knesebeck se trompe ici, il s’agit de la figure 11 et non de la figure 10.. À l’extérieur, les bâtiments sont entièrement lisses et simplement peints à la fresque avec de l’architecture feinte, ce qui est tout à fait inhabituel en France. Le bâtiment central est seulement carré ; il ne possède pas de cour mais, à la place, au centre, une coupole placée au-dessus d’une très haute salle octogonale éclairée par en haut à la manière des salles égyptiennes. Lorsque je l’ai visitée, cette salle était en train d’être décorée à neuf d’ornements de plâtre et de pilastres corinthiens qui, eux aussi, n’étaient qu’en plâtre ; on installait également un pavage de marbre. En haut, une étroite ouverture vers le ciel a été ménagée dans la coupole ; au-dessous est placé un passage couvert qui est malgré tout passablement clair, même s’il ne reçoit que peu de lumière, s’infiltrant d’en haut de façon étonnante, et n’est guère éclairé par la salle. Le passage supérieur permet d’accéder au troisième étage qui ne possède que des demi-fenêtres et qui est entièrement couvert par un toit plat en appentis. La salle est entourée de quatre petits escaliers sombres, qui n’ont pour l’instant qu’un encadrement de plâtre et de bois et conviendraient à peine pour la maison d’un homme du commun. En somme, cette demeure et surtout les autres bâtiments ne présentent pas grand-chose de notable. Le jardin, en revanche, est remarquable, et aménagé de façon intelligente. On peut se féliciter notamment que l’architecte ait fait le choix d’un principe entièrement contraire à celui du jardin de Versailles et installé celui-ci entre deux collines, dans un lieu où la pente est douce, en sorte qu’on peut voir toute la maison depuis le bas du jardin, au-dessus des différents paliers. De A. à B. et de F. à G., la pente est vraiment raide, mais de D. à C., elle l’est un peu moins ; de B. à C., vers le milieu, ainsi que de G. à E., le jardin ne descend qu’en terrasses basses entourées de verdure.

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Mentionnons qu’à la lettre E. un étang est placé de façon inattendue très bas et à partir de là, on peut voir des installations entièrement nouvelles qui n’ont pour ainsi dire rien à voir avec les précédentes (voir la fig. X). Concernant l’ordonnance du jardin, il faut ajouter les précisions suivantes, pour pouvoir bien la comprendre à partir du plan. En F., une chute d’eau provenant d’une hauteur élevée descend assez abruptement par un grand nombre de degrés, ce qui produit un effet absolument charmant. Tout en haut jaillissent trois petits jets d’eau. Dans le bassin g. 3, l’eau s’écoule au centre par une cascade mais elle jaillit également de sept têtes de lion dorées. De plus, 4 jets d’eau montent à environ 30 pieds de haut. De là, l’eau s’écoule en g. 2, en 5 cascades en rocaille, et jaillit de 3 grands et 22 petits jets d’eau. Puis elle arrive en g. 3 où elle jaillit de 6 grands jets d’eau et d’un jet d’eau monumental qui monte à plus de 110 pieds et retombe en trois degrés. Enfin, elle jaillit en g. 4 de quatre grands jets d’eau et de différents petits, et retombe en 5 degrés. On peut voir tous ces jeux d’eau fonctionner en même temps, ainsi que ceux qui se trouvent des deux côtés sur la colline du parc, ce qui fait en tout 41 grands jets d’eau, sans parler des petits. Cet ensemble est fort singulier et surprenant. Deux points m’ont cependant paru laisser à désirer : premièrement, tous les jets montent verticalement, et, deuxièmement, il n’y a pas de sujets dans ces jeux d’eau comme à Versailles. Avec le temps, il faudrait en ajouter, même si rien de concret n’a été prévu jusqu’à présent. Les trois terrasses en i. k. k. et n. qui correspondent aux parties surélevées du jardin des deux côtés sont tout à fait agréables et rares. Les petits arbres taillés de la terrasse n., les doubles allées uniquement composées d’arcades d’arbres absolument identiques et les allées de voûtes d’arêtes se rejoignant sur la terrasse suivante k. k. et, enfin, les pavillons peints d’une architecture à la fresque, entre lesquels sont installés des espaliers de feuillus, forment une belle perspective. Ce jardin peut ainsi être considéré comme un modèle de belle ordonnance. Pour les autres éléments remarquables, on se reportera au plan. J’ajouterai ici quelques brèves remarques sur les conduites d’eau.

Les conduites d’eau à Marly et à Versailles. C’est là un ouvrage inouï, dont le coût est stupéfiant ; on ne peut que s’étonner qu’un roi consacre de telles sommes à son divertissement. L’eau est puisée dans la Seine par 13 tuyaux de fer, qui font chacun jusqu’à 30 pouces de diamètre, à l’aide de pompes métalliques, puis acheminée jusqu’à un point très élevé, à mi-hauteur d’une colline, et déversée dans des bassins de cuivre.

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De là, elle est envoyée dans 15 tuyaux au moyen d’autres pompes, jusqu’au sommet de la colline. À l’aide d’un troisième ensemble de pompes, elle est conduite ensuite jusqu’à un aqueduc très élevé, construit en pierre et comprenant des arches. Toutes ces pompes se déplacent sur des rails semblables à ceux qui sont employés dans nos mines mais qui, au lieu d’être en bois comme chez nous, sont faits d’épaisses barres de fer de 2 pouces 1/2. Celles-ci sont actionnées à l’aide de 7 roues de 30 pieds de diamètre qui sont installées sur toute la largeur de la Seine à côté de 7 autres qui actionnent les pompes du niveau inférieur. Les roues sont mises en mouvement par une chute de la Seine de 4 pieds environ. Depuis l’aqueduc de pierre, l’eau retombe dans 6 très grands tuyaux de fer et s’écoule sur plusieurs centaines de brasses jusqu’à une petite maison ; là, elle remonte à nouveau et se déverse dans des rigoles de cuivre dont elle sort pour s’écouler dans un très grand bassin profond, possédant un parement de pierre. De là, elle se subdivise et s’écoule d’une part dans le réservoir de Marly qui, à gauche au-dessus de F., est installé sur la colline, et d’autre part dans des galeries souterraines pour rejoindre le grand aqueduc de pierre, aux murs massifs, de Montreuil, un village proche de Versailles. Cet aqueduc conduit à un quadruple bassin à parement de pierre, divisé en quatre parties par une digue de pierre croisée ; au centre de la digue, de forme octogonale, se trouve un cabanon. De là, l’eau s’écoule souterrainement jusqu’à Versailles, où elle est à nouveau propulsée en hauteur et se déverse dans un réservoir installé sur une plateforme au sommet d’un bâtiment situé directement sur les flancs du château. Depuis ce réservoir, enfin, l’eau s’écoule dans les fontaines du jardin. Tous les tuyaux sont en fonte de fer, ils font environ 5 pieds de long et sont soudés les uns aux autres au moyen de vis. Comme on peut le voir sur le croquis suivant, les intervalles sont comblés avec de la colle. Dans les fontaines, en revanche,

[[Vue des tuyaux dans le jardin du château de Versailles]]

les tuyaux de plomb font souvent de 34 à 36 pieds de diamètre ; l’épaisseur du matériau est de 1/2 à 3/4 de pouce. Les aqueducs de pierre font 8 pieds de large en haut, la rigole 5 pieds, elle est doublée de plomb et recouverte de pierres qui sont toutes bien ajustées

[[Coupe de l’aqueduc près de Montreuil]]

et de surcroît fixées par des tiges de fer, comme on peut le voir sur le profil qui suit. La maçonnerie est en moellons avec une belle pente : à 35 pieds de haut environ, l’écart est d’un pied, étant donné que la hauteur du mur est de 120 pieds environ, et qu’il fait 8 pieds de large en haut et 16 en bas au passage de Montreuil. De là, je me suis rendu à Saint-Germain mais je n’y ai vu aucune construction notable.

À Saint-Cloud, on peut voir une belle maison de campagne à 2 lieues de Paris, placée sur une colline assez élevée, qui appartient au duc d’Orléans. Dans la figure qui suit, j’en ai tracé le plan à grands traits, parce qu’aucun n’avait encore été publié.

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Figure 7. Projet de plan du palais de Saint-Cloud

à deux lieues de Paris dessiné par Gittard

Le Parc.

Le Grand Jardin.

Salle.

Chapelle.

terrasse.

Salon.

Grand Escalier.

Galerie

Descente au jardin.

Jardin.

La cour.

Jardin.

grille. grille. grille.

maison des domestiques ou

Offices.

Basse cour

une descente assez douce jusqu’au bout d’allée.

balustrade.

grille.

Écuries.

Écuries.

Allée d’entrée.

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Ce palais a été dessiné par Gittard, actuellement membre de l’Académie d’architecture de Paris. À la vue de cet édifice, tout comme de l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, on peut dire qu’il s’agit là d’un bon architecte mais qu’il lui arrive de se laisser aller à de singuliers caprices. Le corps de bâtiment principal possède deux étages parfaitement bien proportionnés, l’étage inférieur est rustique et toscan, l’étage supérieur corinthien. Toute l’architecture est assez pure, on peut seulement observer dans les deux portiques des ailes du bâtiment, en A., un caprice tout à fait étonnant. Ces portiques se composent de quatre

[[Plan schématique du portique d’une aile du château de Saint-Cloud]]

colonnes toscanes /a./ surmontées d’une corniche architravée et supportant un balcon. Mais à l’arrière, les pilastres en /b./ sont en ordre romain et tout à fait rustiques dans leurs proportions.

L’escalier principal, qui se situe au centre de l’aile gauche en entrant, est bien disposé, mais il est surprenant et incongru que ce soit là l’unique escalier desservant l’ensemble du palais, alors qu’il est si éloigné des appartements principaux. On peut inférer de là que ni Monsieur Mansart ni Monsieur Gittard ne sont vraiment au fait de la commodité et de la distribution intérieure des édifices. La partie arrière du bâtiment principal abrite un autre escalier relativement vaste, mais il n’est doté que d’un très simple encadrement de bois plâtré, et n’est éclairé que par une faible lumière. Pour le reste, on ne trouve dans l’ensemble du bâtiment que des escaliers dérobés. En ce qui concerne l’ordonnance de l’escalier principal mentionné plus haut, c’est la meilleure que j’aie vue en France : en bas, elle est ornée de magnifiques colonnes toscanes de marbre et, en haut, de pilastres engagés ioniques ; elle est surmontée d’un grand plafond bordé de hautes voussures qui, au fil du temps, sera magnifiquement décoré. Les appartements sont grands, imposants, et richement meublés, mais les irrégularités que l’on peut relever dans le plan sont soigneusement cachées : si l’architecte ne les avait commises qu’en raison de contraintes impérieuses, il aurait pu mériter de grands éloges. Cependant, dans un palais entièrement neuf et non mitoyen comme celui-ci, rien ne permet de supposer que de telles contraintes aient joué un rôle. La galerie et le salon qui la précède sont superbes et ce dernier est entièrement revêtu de marbre. La disposition ressemble beaucoup à celle de Versailles, à ceci près qu’il n’y a qu’un salon, et des fenêtres des deux côtés. Le salon est orné d’une Assemblée des dieux, dans un cercle. La voûte en berceau de la galerie se subdivise en cinq parties principales ; les deux parties des extrémités et la partie centrale sont ornées d’un tableau, les deux autres de deux grands tableaux qui reposent sur la corniche. Toutes les parties sont séparées par de larges bandes comprenant chacune deux ovales et un carré avec des arcs-de-cercles peints pour une part en jaune sur jaune et pour une part en lapis, et relevés à l’or. Toutes ces œuvres sont de Mignard, et dépassent presque en attrait la Galerie de Versailles. Les sols sont entièrement couverts de petites lattes de parquet foncé disposées pour former toutes sortes de figures,

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[[Disposition générale de la cascade du château de Saint-Cloud]]
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comme on en trouve dans presque tous les palais ; mais cette couleur foncée est vraiment affreuse et pour ainsi dire crottée. Au demeurant, cela peut parfois présenter un avantage : on peut rentrer avec des chaussures crottées, cela ne se voit pas tout de suite.

Le jardin est grand et assez magnifiquement aménagé ; il est très bien situé mais les ornementations sont un peu démodées et les allées ne sont pas bien entretenues. La seule chose à retenir en priorité est selon moi la nouvelle cascade qui est manifestement belle et magnifique. Elle me confirme dans l’idée que le plus grand talent et l’art le plus consommé des Français résident dans les jeux d’eau comme dans la sculpture ; dans ces domaines, ils égalent au moins les autres nations, s’ils ne les dépassent pas. Je donnerai ici un court descriptif de cette cascade ; pour faciliter la compréhension, j’ai ajouté un plan, car aucune gravure n’en a été publiée pour l’instant.

La situation est très avantageuse : la cascade tombe d’une colline assez élevée d’où l’on a directement vue sur la Seine et sur la ville de Paris, une perspective extrêmement plaisante. La disposition est la suivante : (voir la fig. précédente) en haut s’étend une terrasse d’une triple avancée englobant deux espaces en contrebas qui retiennent le regard par les arcades qui les entourent et sur lesquelles ont été aménagés à chaque fois un petit jet d’eau et une petite cascade. De là, l’eau s’écoule très à pic en suivant 9 volées échelonnées qui diffèrent par le nombre de marches, leur forme et leur hauteur, mais dont l’ordonnance d’ensemble est très réussie et produit un effet remarquable. Au-dessus de la première, de la troisième et de la quatrième cascade s’élèvent des jets d’eau, de part et d’autre du centre. Les autres cascades sont également surmontées de jets d’eau mais ceux-ci sont placés sous les arcades. À côté des deux cascades des extrémités figurent, de part et d’autre, des vases dorés et, tout en bas, une statue, ainsi que deux vases semblables sur le devant, puis, tout en bas de la cascade, de petits jets d’eau et, en dessous, des têtes de lion dorées qui crachent de l’eau. Ici et là sont également posées de très grandes grenouilles dorées. L’encadrement de tous ces ouvrages se compose pour une part de pierre peinte de la couleur du marbre et pour une part de rocaille en couleur. Tout cet ensemble produit un effet absolument somptueux quand on se trouve en bas devant le long canal, où sont installés encore beaucoup de jets d’eau puissants et pas mal de degrés de cascades. Il est dommage que n’aient pas été ajoutées des sculptures à sujets poétiques qui auraient pu réjouir l’âme. Des deux côtés figure il est vrai un grand nombre de statues de pierre et de plomb, mais elles auraient été à leur place n’importe où ailleurs aussi bien qu’ici.

Ainsi s’achèvent mes remarques sur Paris et ses environs, et j’ajouterai quelques observations sur ce que j’ai vu au cours de mon voyage de retour : bien que celui-ci ait été lent, à travers la France, il ne m’a pas donné l’occasion de voir grand-chose.

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Depuis Paris, je suis passé par Louvres en Parisis, à 6 lieues françaises de Paris, puis par Senlis, 4 lieues plus loin ; juste avant d’atteindre Senlis, on passe par Chantilly qui est une belle maison de plaisance du prince de Condé, bien situé, mais il m’a été impossible de descendre de voiture pour visiter ce lieu fameux, car il aurait fallu pour cela m’acquitter de frais considérables. De Senlis, j’ai poursuivi ma route par Verberie, à quatre lieues de là, puis par Compiègne, 4 lieues plus loin, où nous sommes passés tout près du champ de tir où se trouvait le camp militaire éphémèreNote: Knesebeck fait allusion aux fameuses manœuvres militaires qui se déroulèrent à Compiègne du 28 août au 22 septembre 1698 en présence de Louis XIV. On en trouve en long récit dans le journal de voyage des frères Corfey (du 9 au 22 septembre, p. 66-80)., dont il ne restait cependant plus le moindre vestige. Nous avons poursuivi vers Noyon (5 lieues), Ham (5 lieues), Saint-Quentin (5 lieues), puis Castelet (5 lieues), où l’on peut voir une vieille forteresse carrée en ruines, qui avant était une bonne défense contre la France et possédait de belles voûtes sous ses remparts ; nous nous sommes arrêtés à Cambrai. C’est une belle cité et on voit bien que commencent déjà là les villes hollandaises que le roi a maintenant conquises en grande partie. Saint-Quentin est déjà fortifié mais n’a plus beaucoup d’importance aujourd’hui ; c’était cependant là, visiblement, une place forte qui n’était pas mal faite. Il est vrai que le rempart principal ne possède que de petits bastions bâtis, assez éloignés les uns des autres. En revanche, il est précédé par des bastions plus grands et détachés, assortis par endroits de contre-gardes dont les pointes sont précédées de redoutes bâties. La contrescarpe est agencée avec des traverses à la manière de Vauban. Cambrai est un peu mieux conservé. J’ai vu là la citadelle qui est un pentagone fortifié à l’espagnole, avec des fossés étanches d’une profondeur extraordinaire ; ils font face au champ de tir. L’horizon et les ouvrages extérieurs sont si bas que, depuis le rempart, on ne peut même pas voir le ravelin en entier. La présence conjointe, du même côté, des fortifications de la ville et de la citadelle est remarquable, mais de l’autre côté, elle est simple : voilà pourquoi

B. Ici l’escarpement tombe entièrement à pic vers l’horizon.

j’ai fait ici un dessin de cette conjonctionNote: Knesebeck utilise le terme « Conjunction » en allemand. en représentant en même temps la disposition des bastions de la citadelle. On verra ainsi que les gravures présentées dans les Forces de l’Europe sont entièrement fausses, tout comme celles de Valenciennes et de Naarden, dont le dessin est également faux dans ce même ouvrage.

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Les ouvrages principaux qui entourent la ville n’ont rien de particulier, mais sont bien dotés de beaucoup de bonnes constructions extérieures. Lorsque nous sommes entrés dans la ville,

[[Disposition générale d’une partie des fortifications de Cambrai]]

cette disposition des fortifications était entièrement bâtie en brique, y compris les ravelins les plus excentrés. L’hôtel de ville de Cambrai est un vieil édifice gothique assez important. La situation de la citadelle en face de la ville est tout à fait avantageuse, sur une hauteur en pente douce depuis laquelle on a vue sur toute la ville et peut mener l’assaut. De Cambrai à Harpe, la route est longue de 4 lieues, puis il faut parcourir 4 lieues encore jusqu’à Valenciennes. Cette place forte frontalière conquise par les Français est très bien fortifiée, et bien construite à l’intérieur. La situation est très avantageuse en raison de l’abondance de fossés et de marais. La place forte est entièrement bâtie en pierre. Elle possède un polygone tout neuf, à la manière de Vauban. Les bastions et leurs talus descendent directement à pic jusqu’au fond des fossés : on a l’impression qu’ils sont noyés. On ne peut pas bien visiter la citadelle, il est même formellement interdit d’accéder aux remparts : sur ce point, les Français sont tout à fait excessifs, alors qu’ils ont beaucoup critiqué les Allemands à ce sujet. Mais la citadelle semble trop petite : on croirait voir une simple réduction. Les ouvrages extérieurs font face au champ de bataille, mais je n’ai pu les examiner faute de pouvoir m’approcher suffisamment. D’après ce que j’ai vu, ils se composent seulement de petits flancs tout simples ; les fossés, en revanche, étaient profonds. Dans les Forces d’Europe, on peut voir des fossés tout autour mis en eau, mais ils sont en grande partie asséchés, par exemple autour du nouveau polygone à la Vauban.

De Valenciennes, la route se poursuit par Quiévrain (3 lieues) jusqu’à Mons (4 lieues). Même si cette ville est située au sommet d’une colline entourée d’autres hauteurs, on peut en avoir une vue d’ensemble avec tous ses édifices car les fortifications sont en bas et entourent la colline. Mais ce lieu n’en est pas moins un emplacement excellent pour une grande place forte ; celle-ci est pourvue d’un si grand nombre d’ouvrages qu’à moindre coût, elle pourrait devenir tout à fait formidable. Ce serait d’autant plus nécessaire que les grandes places fortes françaises sont toutes proches. Pourtant, celle-ci n’est aujourd’hui entretenue que très médiocrement ; ainsi, les ouvrages ont l’air assez informes et ne sont pas adaptés à la défense. Sans parler du fait que cette place forte est beaucoup moins bien agencée que Valenciennes, toute proche. La plupart des ouvrages sont simplement en terre, seul un petit nombre est bâti en moellons.

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Si les saillants étaient davantage pointus, ils pourraient beaucoup plus difficilement être attaqués de l’extérieur. De Mons, enfin, la route se poursuit vers Braine-le-Comte (4 lieues) et, de là, il faut encore 3 heures jusqu’à Notre-Dame de Hal puis 3 heures jusqu’à Bruxelles.

Il est admirable de voir que, en si peu de temps après son bombardement, cette ville a été reconstruite avec autant de magnificence et de luxe, même si un certain nombre d’édifices qui ont malheureusement été la proie des flammes témoignent encore de la cruauté des Français. Du reste, il est regrettable que des sommes aussi colossales aient été dépensées pour les nouveaux édifices en faisant appel à des architectes aussi pitoyables. On peut dire que, parmi tous les bâtiments, aussi bien anciens que nouveaux, il ne s’en trouve pas un dont l’architecture soit pure et correcte. Les églises sont splendides et construites à grands frais, mais toutes défigurées par des fautes manifestes. J’en ai dessiné quelques-unes pour me servir d’aide-mémoire, mais il ne vaut guère la peine d’en faire le croquis car il est difficile d’en tirer des leçons ; aussi n’en ai-je représenté qu’un petit nombre.

L’église des Jésuites, la plus belle, bien que très proche du lieu de l’incendie, a tout de même subsisté. J’en ai représenté le plan dans la figure qui suit, mais il ne vaut pas vraiment la peine d’en faire l’élévation ni le profil. Cependant, j’ai dessiné dans la fig. XII la moitié de l’élévation ainsi qu’une version améliorée. Ce qu’il y a de plus beau, c’est que cette église est fortement surélevée et qu’on doit donc monter les marches d’un escalier bien disposé pour accéder à ses portes. La partie inférieure de la façade est en ordre toscan, ou bien dorique avec des piédestaux aux proportions passables ; cependant, la frise n’a pas de triglyphes : la frise et l’architrave sont en saillie au-dessus de chaque pilastre dorique. L’étage est en ordre corinthien, avec des colonnes adossées surmontant des piédestaux, au-dessus desquelles l’entablement est là aussi en surplomb. La colonnade supérieure est un pur caprice, elle ne sert à rien. Le portail principal, la grande fenêtre qui le surmonte et l’écusson qui figure tout en haut avec l’insigne des Jésuites sont beaucoup trop confus. J’ai dessiné la moitié de la façade et imaginé une amélioration de l’autre moitié, afin de pouvoir mieux juger de ce qu’il y a de pur et d’impur dans cette architecture. À l’intérieur, la voûte de la nef ne repose pas sur des arcades comme il est usuel dans les églises italiennes et françaises, mais sur des arcs portés par de grandes colonnes doriques indépendantes, ce qui rend l’église plus lumineuse mais n’offre pas la même solidité. L’entablement placé au-dessus possède une frise assez haute qui comprend deux trous ovales au-dessus de chaque arc ; les intervalles sont occupés par des écussons entourés de nombreuses sculptures. Les petites colonnes placées juste devant sont toutes sculptées dans un marbre précieux brun-rouge, tandis que les chapiteaux et bases sont en marbre blanc. Les colonnes supportent des arcades de marbre noir ; les intervalles sont complétés par du marbre blanc et brun-rouge ;

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[[Plan de l’église des Jésuites à Bruxelles]]
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[[Vue de la façade de la tour de l’église des Jésuites à Bruxelles]]

l’ensemble est encore surmonté d’une balustrade de marbre. Lorsqu’une distance importante sépare les colonnes, les arcades sont au nombre de deux ; elles se rejoignent au milieu et sont suspendues en l’air ; leur extrémité commune s’achève sur une grappe de raisin. L’ensemble de la composition présente un aspect fort bizarre et capricieux. Le chœur est divisé en sept parties, avec quatre pilastres romains à l’avant et, à l’arrière, seulement des pilastres beaucoup plus étroits surmontés non de chapiteaux mais de consoles en saillie. L’ensemble ne se caractérise pas seulement par ses mauvaises proportions mais aussi par l’indigence de sa facture et de ses formes. L’autel comprend quatre colonnes détachées et deux colonnes adossées d’ordre corinthien en marbre rouge, avec un amortissement dont l’ordonnance et l’invention sont simples ; il est surmonté d’un saint Michel combattant le dragon peint en grisaille sur un panneau qui a été découpé. Le retable, une Assomption de Marie, est bien peint. Dans les deux chapelles figurent des autels de marbre noir et blanc, et des statues de marbre blanc. Les niches a. et b. sont aussi en marbre noir et abritent des statues de marbre blanc ; au mur, au-dessus des fenêtres dotées d’encadrements y compris à l’intérieur, des bustes sont placés dans des niches. Celles-ci sont surmontées de douze paysages de Gassel relatant les histoires des Jésuites ; au-dessus sont figurés les martyres des Jésuites grandeur nature. La tour de cette église est construite proprement, avec les ordres dorique, ionique, romain et corinthien : j’en ai fait le dessin ci-dessus.

Sur le chemin pavé de Coudenberg, juste derrière le château, les Carmélites possèdent une église dont la disposition intérieure et extérieure est assez bonne. L’architecture en soi est plus épurée que celle de tous les autres bâtiments de Bruxelles ; les entrecolonnements sont seulement beaucoup trop larges et les colonnes trop petites pour une telle ordonnance. La facture n’est pas non plus

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très soignée. Dans la partie inférieure de la façade, des niches abritent des statues de saint Joseph et sainte Anne ; à l’étage, saint Albert et sainte Élisabeth. Au sommet, le fronton supporte une statue de la Vierge assise. La fig. XIII représente la façade de cette église : j’en ai dessiné une moitié dans son état actuel et l’autre telle qu’elle devrait être. L’architecture est en pierres de taille, sur un fond de briques. À l’intérieur, deux colonnades sont superposées ; celle du bas est ionique, avec de hauts chapiteaux et une rangée de feuillages ; celle du haut est romaine. Celle du bas possède des arcades assez bien proportionnées ; celle du haut comprend des fenêtres cintrées entre les pilastres engagés.

Sur la courte rue des Chevaliers se dresse le couvent des Convers. À l’extérieur, il possède une façade à l’italienne, mais elle est très dégradée, confuse et de fort mauvaise facture. L’intérieur de l’église est tout simple mais bien éclairé. L’autel possède des colonnes torses marbrées et un retable représentant la Résurrection de Lazare, dont l’ordonnance est singulière.

À l’angle de la rue de l’Hôpital se tient l’église de l’hôpital Saint-JeanNote: Knesebeck écrit « kirche des Nasocomii St. Johan », nosocomium, ii (n.) voulant dire « hôpital »., elle est encore très modeste, et très endommagée par l’incendie. L’ordonnance de l’autel est cependant assez bonne, elle ressemble assez à celle de l’église Saint-Jacques d’Anvers. Le plan en est le suivant.

[[Plan de l’autel de l’église Saint-Jean de Bruxelles]]

À la place du retable, on trouve ici un Baptême du Christ par saint Jean-Baptiste, grandeur nature, en plâtre. En 1, 2, 3 et 4, les quatre Évangélistes sont figurés en bas-relief. En haut, un amortissement doré, avec des putti, en plâtre blanc ; tout est très bien dessiné et l’ordonnance d’ensemble est plaisante.

Sur la Wolfsgracht se dresse l’église des Augustins, avec son imposante façade en pierres de taille. Elle possède deux colonnades : dorique en bas, romaine en haut, surmontées d’une corniche. Cependant, les frontons brisés défigurent cette façade, qui pâtit également d’un défaut de proportions. À l’intérieur, on peut voir un autel avec des colonnes torses en marbre, tout à fait précieux, mais torturé et étrange. Aux murs sont accrochés de très beaux paysages rapportant la vie de saint Augustin, d’une très bonne main. On n’a pu me dire qui en était l’auteur.

Sur la place du Béguinage se dresse l’église la plus riche de la ville, qui est aussi la plus déroutante et la moins bien proportionnée. À l’intérieur comme à l’extérieur, elle est surchargée de quantité d’ornements absurdes ; sa vision est désagréable et on peut déplorer les dépenses ainsi encourues en vain.

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Cette église contient de beaux tableaux, dont je n’ai pas identifié le sujet ; ils sont dus en tout cas au pinceau de Rubens. À l’extérieur, autour de l’église, on peut voir de petits renfoncements carrés abritant des bas-reliefs de plâtre qui représentent la Passion du Christ. Une partie d’entre eux est très bien dessinée.

L’église de Sainte-Marie-Auxiliatrice sur le marché au Charbon est construite, à l’extérieur, à l’italienne, mais le dessin en est assez fantasque.

L’intérieur de l’église des Divitum Clarissimorum n’est pas d’une aussi mauvaise ordonnance que le suggère le plan approximatif qui suit, mais l’architecture n’en est pas du tout correcte.

[[Plan de l’église Notre-Dame aux Riches Claires à Bruxelles]]

L’extérieur ne pourrait être pire ni plus absurde. Par exemple, les pilastres extérieurs sont toscans mais les chapiteaux ont des volutes.

L’église des Carmélites est entièrement reconstruite à neuf, elle est assez imposante mais là encore, l’architecture n’est pas correcte. Les pilastres de l’église sont en partie ioniques mais à la place des chapiteaux, ils possèdent des cornes d’abondance entrecroisées. En somme, si les Bruxellois n’avaient pas eu et n’avaient pas encore à déplorer l’absence d’un bon architecte, ils possèderaient d’excellents bâtiments, vu les dépenses engagées. Ici, je dois dire que, parmi un grand nombre de maisons nouvellement construites, j’en ai vu trois tout au plus dont les façades étaient passables et dont j’aie souhaité conserver le souvenir.

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Dans la rue des Anges se dresse une maison ressemblant à un petit hôtel en pierre de taille, tout simple mais exécuté avec soin, d’une ordonnance bien proportionnée, à la façon de la plupart des maisons de Paris. La porte cochère est toscane, sans ordre, d’une très bonne ordonnance ; j’ai notamment pu observer que l’ordonnance de la corniche est parfaitement conforme, dans ses différentes parties et dans ses proportions, aux règles de Scamozzi ou de Goldmann.

[[Vue d’une façade d’une maison d’habitation dans la rue des Anges à Bruxelles]]

Cet édifice est du reste le seul que je tienne pour bon et correct parmi ceux de Bruxelles. Les demeures qui devraient être les plus belles, celles qui donnent sur la Grand-Place, sont au contraire justement les plus hideuses, parce qu’il y règne une trop grande confusion de couleurs et un trop grand mélange. Certains ont fait apposer une grande quantité de dorures sur leur maison. Du point de vue de la disposition, le meilleur édifice et le plus pur, parmi ceux de la Grand-Place, est celui que j’ai dessiné sur la page qui suit. Tout autour de la place, on peut lire sur ces maisons des inscriptions tout à fait remarquables : par exemple, sur la maison voisine de celle qui est dessinée ci-dessous, où est figuré, en haut de la façade, le prince-électeur de Bavière à cheval. L’inscription placée au-dessous est la suivante :

Dum premeret radiis nostram sol Gallicus Urbem
Te Solum in moestos vidimus ire rogos
Quid mirum geticae qui fregit cornu Luna.
Gallica si solis lumina non metuat

Plus bas derrière l’hôtel de ville, on peut voir une maison sur laquelle se trouve un phénix accompagné de cette inscription : Stipes quod tertio cinis, gloriosor Ex virgo Phoenix sum.

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[[Vue de la façade sur rue d’une maison de la Grand-Place à Bruxelles]]
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[[Vue d’une façade de « l’Hospice » de Bruxelles]]

En haut de la Grand-Place, toutes les maisons constituent un ensemble, elles ont l’air de ne former qu’une seule grande demeure. En haut sur la frise, il est écrit en grandes lettres noires :

CoL.L.I.s Vt In CIneres nVper fVIt Ig=
ne reDVCtVs, aLtIor e bVsto DenVo Cres=
Cit apeX.

Le chiffre de l’année 1702 est caché dans ces vers, peut-être parce que c’est aux alentours de cette date que ces édifices doivent être entièrement terminés.

L’Hospice est aussi assez régulier et de bonne prestance. Il a été entièrement reconstruit en pierres de taille après l’incendieNote: Knesebeck fait allusion à l’incendie provoqué par les bombardements de la ville par les troupes françaises de Louis XIV les 13, 14 et 15 août 1695.. Le dessin ci-contre en présente une élévation ; il ne vaut pas la peine d’en établir un plus grand et plus détaillé.

Enfin, le bâtiment de l’opéra est encore passable. À Bruxelles, on crie au miracle, raison pour laquelle j’ai également dessiné une esquisse de la façade antérieure. Elle est en pierres de taille et de facture très soignée ; le reste de ce vaste édifice est en briques, y compris, à l’arrière, l’opéra proprement dit, qui n’est pas trop grand mais comprend un théâtre assez vaste et un grand nombre de loges sur plusieurs étages. Le parterre en revanche sera petit. Lorsque j’ai visité l’opéra, seuls les murs extérieurs étaient achevés.

Hormis les maisons dont j’ai déjà parlé, je n’ai rien trouvé qui puisse agréer à un connaisseur de l’architecture ; je crois pourtant avoir parcouru toutes les rues principales. Cependant, dans un coin très reculé de la ville, j’ai remarqué un grand perron de pierre qui aurait été suffisamment somptueux pour le plus grand des palais ; là où il est, il ne sert à rien, sinon à ménager un accès aux remparts. J’en ai dessiné le plan sur la page qui suit. L’édifice lui-même se trouve au bout de la Broeckstrat et on l’appelle le Nouvel Escalier.

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[[Vue d’une façade du théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles]]

Chemin du rempart.

Talus.

Talus.

Une autre beauté de Bruxelles est l’abondance de fontaines de bonne facture que l’on trouve dans les rues ; certaines d’entre elles possèdent une disposition tout à fait correcte. Il en existe une avec la statue de métal d’un enfant urinant ; l’enfant est assez bien dessiné. Dans ce domaine, Bruxelles devance Paris où, mis à part la fontaine des Innocents et la Samaritaine, on rencontre peu de fontaines façonnéesNote: Par « façonnées » Knesebeck veut probablement dire « d’une architecture sophistiquée ». .

Enfin, les fortifications de Bruxelles possèdent un assez bon emplacement, mais leur facture est très mauvaise : les ouvrages ont été laissés dans une forme approximative et le reste n’est que buttes de terre sans ordre, que tout le monde arpente, y compris le bétail auquel elles servent de pâturages.

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Depuis Bruxelles, il faut encore 8 heures jusqu’à Anvers ; on peut emprunter les bateaux de halageNote: Dans l’original allemand, Knesebeck utilise le mot néerlandais trekschiuten : coches d’eau. qui sont beaucoup plus grands que les hollandais et aussi beaucoup plus confortables ; en revanche, il est malcommode d’avoir à changer souvent de barque.

Anvers est une très belle ville, mais qui ne présente rien de particulièrement remarquable en fait de bâtiments, hormis les églises. L’hôtel de ville, dont on peut trouver une élévation et une description dans la Topographie des Pays-Bas de Bleau, possède une façade assez imposante, dont le centre est occupé par de belles colonnes de pierre marbrée. Quant aux églises, voici les principales observations que l’on peut faire.

1. L’église Saint-Jacques C’est un édifice gothique, avec une coupole également gothique assez ouvragée. Mais on peut y voir beaucoup d’autels, chapelles et monuments beaux et précieux. Le grand maître-autel est fait de différents marbres, blanc, noir et un peu de gris ; on pourra apprécier sa disposition et sa forme sur l’esquisse de la page suivante. Saint Jacques, identifiable à la coquille et au bâton, est emporté au ciel. En haut est figurée la Sainte Trinité et l’amortissement qui l’abrite est doré. La corniche des colonnes corinthiennes est entièrement ornée de feuillages et non de modillons, ce qui n’est pas très heureux. Deux sculpteurs ont travaillé à cet autel : Quellinus le Jeune et Willemsen, deux artistes remarquables. Voici le plan de cet autel.

[[Plan du maître-autel de l’église Saint-Jacques à Anvers]]
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[[Vue du maître-autel de l’église Saint-Jacques à Anvers]]
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À l’avant, des deux côtés du chœur, deux chapelles abritent deux autels de marbre noir et blanc, dont le plan est le suivant.

[[Plan d’un autel secondaire de l’église Saint-Jacques à Anvers]]

Celui qui est situé à droite en entrant est orné en a. d’un Saint Pierre de Verbrüggen et en b. d’un Saint Paul de Willemsen, deux pièces remarquables en marbre blanc. En haut, au-dessus de l’autel, Dieu le Père est représenté assis, une œuvre du même Willemsen. Le retable est une Sainte Cène, très belle, dans des couleurs douces, et de plus bien dessinée. Le maître a ici beaucoup imité Raphaël. Je n’ai pu connaître son nom. Même si les couleurs sont encore vives, il est visible que ce tableau a été peint il y a pas mal de temps. L’autel qui fait face à celui-ci reprend la même symétrie mais je n’ai pu l’examiner précisément parce que la nuit m’a surpris.

Si, depuis cet autel, on fait le tour du chœur en direction de la gauche, on peut voir dans la chapelle suivante la Rencontre d’Élisabeth et de Marie, par Lind, un disciple du célèbre Rubens : c’est un très bon peintre mais il n’a pas, dans son coup de pinceau, la manière de son maître ; il est plus proche de Carlot. La chapelle suivante abrite le Martyre de saint Pierre et saint Paul, celle qui suit Saint Borromée guérissant la peste, entouré de nombreux cadavres, par Jordan. On voit bien dans ce tableau qu’il a cherché à imiter le coloris de Rubens mais n’y est pas parvenu. Enfin, à droite de la partie centrale à l’arrière du chœur, on peut voir la célèbre chapelle de Rubens, que lui-même a ornée d’un tableau. À vrai dire, je n’en comprends pas le sujet. Voici ce qu’on peut y voir : au premier plan, Matthieu l’Évangéliste accompagné de son ange qui tient un livre ; derrière lui, la Vierge Marie qui confie son fils à Marie-Madeleine ; à côté d’elle se tient encore un pieux personnage et derrière elle, saint Joris en habit de chevalier. Ils sont survolés par des anges couronnés. Non loin de là, du côté droit, un pilier supporte une peinture

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représentant le corps sans vie d’un défunt, superbement peint par Schut. Un peu plus loin, on peut voir un buste du Bon Pasteur en bas-relief, d’une bonne facture très propre, par de Vré. Toutes les chapelles et l’ensemble du chœur sont fermés par de magnifiques grilles de marbre et de métal ; la galerie placée à l’avant du chœur, en particulier, est absolument somptueuse, toute en marbre et d’ordre ionique. Elle abrite aussi deux petits autels dont les retables ont été repeints à neuf, mais de bonne facture ; l’une des peintures est une Assomption de Marie. Au-dessus figure un grand nombre d’épitaphes dont la disposition est en général la même partout : toutes sont en marbre noir et blanc et représentent des sarcophages antiques accompagnés de petits enfants en pleurs. Tout en haut se tiennent saint Jean-Baptiste, un Ecce homo et une Vierge à l’épée, etc. : le dessin de ces figures, quant à lui, est suffisamment différencié. Enfin, il ne faut pas oublier les magnifiques peintures de vitraux aux couleurs incomparables, dues à Widenbeck.

L’église des Jésuites. Si l’architecture de cette église était d’une ordonnance plus pure, on devrait la considérer comme l’une des plus belles du monde ; il en est peu qui puissent rivaliser avec elle du point de vue de la richesse des matériaux et des ornements. Aucune église aussi précieuse n’a été construite à Paris ; néanmoins, celle du Val-de-Grâce est beaucoup plus belle. Je proposerai ici une longue description de l’église des Jésuites ainsi que, en annexe, différentes élévations établies sur place : en effet, autant que je sache, elle n’a fait jusqu’ici l’objet d’aucune publication. Sur la page qui suit, j’en ai dessiné le plan ; la fig. XIV représente la moitié de la façade, mais j’ai représenté l’autre moitié sous une forme améliorée, parce que, de façon générale, sa disposition est d’une invention vraiment magnifique. Pour compléter mon amélioration, j’ai également modifié l’ordonnance des colonnes, qui ne me plaisait pas. Les sculptures de la façade sont trop abondantes et de plus, de mauvaise facture. Les encadrements des fenêtres pâtissent grandement de la présence de frontons brisés et autres caprices. Les statues sont beaucoup trop statiques et leur dessin n’est pas du tout correct. Sur un côté se dresse une tour qui est lisse dans sa partie inférieure, dorique à l’étage et pour finir ionique sur les quatre faces. Au sommet, elle est surmontée d’une corniche octogonale en ordre corinthien. Cette tour a ceci de particulier que les angles ont été rabotés ; à cet emplacement, on a installé des colonnes indépendantes qui sont pourtant reliées au reste de l’ouvrage par des bandeaux.

À l’intérieur, cette église est d’une richesse inouïe. Elle est presque entièrement recouverte de marbre. Comme on peut le voir sur le plan, la nef est entourée des deux côtés de deux séries de sept arcades superposées qui reposent sur des colonnes isolées, doriques en bas et ioniques en haut. Les arcades et colonnes mais aussi, en haut, les balustrades figurant entre les arcades sont toutes en marbre blanc, ce qui a coûté une fortune ; le sol et les murs du chœur sont revêtus de multiples variétés de marbre.

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Figure 8. Plan de l’église des Jésuites à Anvers
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Les colonnes du grand autel sont réalisées dans un marbre rouge très précieux. Dans l’une des chapelles du côté gauche en entrant, tout est également en marbre et très riche, mais là encore d’une composition étonnante.

Cette église est également très riche en tableaux. Les bas-côtés et les galeries placées au-dessus sont couverts de plafonds en boiseries lisses qui ont été peints par le célèbre Rubens et représentent toutes sortes de saints. Ceux du haut comportent un plus grand nombre de personnages, ils sont mieux éclairés et aussi beaucoup mieux peints que ceux du bas, qui figurent simplement tel ou tel saint : saint Jean Chrysostome, sainte Catherine près d’un homme portant le harnais ; saint Grégoire de Nazianze portant le flambeau en train de fouler aux pieds un diable ; sainte Cécile jouant du positif, accompagnée d’un petit ange actionnant les soufflets et d’un ange plus grand qui la couronne ; sainte Marie pénitente ; saint Basile à la colonne de feu, surmonté d’un ange ; sainte Anne et la Vierge ; saint Athanase, saint Jérôme ; sainte Lucie poignardée et recevant la couronne des martyrs ; saint Augustin ; sainte Barbe derrière laquelle se tient un Turc portant une lourde épée ; sainte Marguerite avec le dragon et l’agneau ; saint Ambroise ; sainte Eugénie tirée par les cheveux et décapitée à la hache ; et saint Grégoire avec la Vierge. Toutes ces figures sont peintes dans des ovales. Dans l’intervalle, devant les portes des deux chapelles, en E. et en F., le nom de la Vierge Marie est peint dans une gloire d’anges. Le grand retable représente la Vierge couronnée, figurée dans une gloire et, dans la chapelle située à gauche en entrant, on peut voir en A. une Fuite en Égypte : deux pièces magnifiques de Rubens. Dans la chapelle D. figure une Assomption d’Antoine van Dyck qui est très admirée ; en face, une Nativité de Rubens, extrêmement belle ; sur le côté, une autre Fuite en Égypte d’une facture plus récente mais tout à fait maîtrisée. Dans la chapelle A.Note: Une peinture sur marbre de Hendrick Van Balen (v. 1620) était bien présente dans l’église mais dans la chapelle latérale dédiée à saint Ignace de Loyola et non pas à l’endroit indiqué par Knesebeck., on peut voir dans un cadre un Loyola en prière dont la dévotion est excellemment rendue ; je n’ai pu en connaître l’auteur.

Cette église recèle un important fonds de sculptures, toutes en marbre blanc et de bonne facture ; les draperies de la plupart des statues ne sont pas d’exécution trop grossière. Dans la chapelle D., déjà entièrement revêtue de marbre, on peut voir une Vierge à l’enfant ; sainte Christine transpercée de flèches ; sainte Suzanne ; sainte Catherine à la roue. Sur le maître-autel, on peut voir en haut, dans une niche, la Vierge et à ses côtés, les quatre anges qui portent les insignes de la Passion. De part et d’autre, dans les niches p. et q., on peut voir en haut en q. une figure qui porte une tête de mort, encore jeune mais déjà entièrement chauve ; en bas, un vieil homme portant un livre ; en p., en haut, une femme au serpent d’airain ; en bas, un homme d’âge moyen portant un crucifix. La balustrade placée devant le chœur est ornée de belles grotesques sculptées dans un marbre blanc, avec des putti.

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Après cette église, il vaut encore la peine de visiter l’église Notre-Dame, ou cathédrale, qui est un édifice gothique comme l’église Saint-Jacques et possède aussi, de la même façon, une fausse coupole gothique. Cependant, les ornements, lorsqu’on en a créé de nouveaux, sont précieux et de bonne ordonnance. Les trois portes sont précédées d’un portique, comme c’est le cas dans toutes les églises papales (même si je n’en ai pas vu au Val-de-Grâce à Paris). Ce portique jouxte l’église et il est orné d’une architecture de colonnes ioniques indépendantes surmontées d’arcades de marbre noir, brun rouge et blanc, disposées comme dans le plan qui suit.

Ordre ionique avec chapiteaux selon la règle de Scamozzi.

Le maître-autel, à l’instar de ceux qui sont placés de part et d’autre du chœur, est en marbre comme presque tous les autres. Le chœur lui-même est fermé par une double colonnade ionique en marbre surmontée d’arcades de marbre et d’une balustrade du même matériau. Le retable du maître-autel est l’excellente et fameuse Assomption de Rubens. Le plan de l’autel est le suivant.

À l’arrière, la mort de la Vierge.

[[Plan schématique du maître-autel de la cathédrale Notre-Dame à Anvers]]

Au-dessus de l’autel qui figure à droite du chœur en entrant, j’avais pu voir, lors de mon voyage aller, une belle Descente de Croix du même Rubens, tout à fait incomparable et surpassant celle de Le Brun : Rubens avait représenté les hommes faisant descendre Jésus de la croix sans trop d’efforts. Sur le chemin du retour, je me suis aperçu que le tableau avait été recouvert par un autre représentant un saint Christophe monumental, peint par un discipleNote: Le saint Christophe que découvre Knesebeck est la partie visible du triptyque de la Descente de croix lorsque celui-ci est fermé. Il représentait en effet sur ses deux panneaux un saint Christophe portant Jésus et un ermite portant une lanterne. L’œuvre n’est pas d'un disciple de Rubens mais bien du maître flamand lui-même. de Rubens dont il a déjà été question à propos de l’église Saint-Jacques ; on a le plus souvent affirmé à tort qu’il était de Rubens lui-même. À côté du chœur sont placées deux chapelles

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qui doivent être très riches en marbre mais qui étaient recouvertes de draps noirs lors de ma visite. Juste avant, à côté de deux portails latéraux qui jouxtent la nef, deux très grandes chapelles sont richement entourées de magnifiques colonnes de métal et de marbre, ainsi que de grilles. Dans celle du côté gauche auprès du chœur, j’ai surtout remarqué un bel autel dont le plan est le suivant.

[[Plan schématique d’un autel dans une chapelle de la cathédrale Notre-Dame à Anvers]]

Cet autel est orné, non d’un tableau, mais d’une Vierge sur un globe terrestre, entourée des quatre animaux des Évangélistes, selon une ordonnance particulière. Tout en haut se tient Dieu le Père porté par des anges ; le tout en marbre blanc, de bonne facture et de bonne ordonnance.

Pour le reste, on peut encore remarquer, dans cette église, le tombeau de l’évêque Ambroise Capello, en bas {de la nef} en retournant vers le portail inférieur, à gauche, adossé en hauteur à un pilier. Il est dû au maître Quellinus, qui l’a réalisé de très plaisante façon dans un marbre rouge, noir et blanc. Je l’ai dessiné sur la page suivante parce que j’ai bien aimé sa disposition. Ce qu’il y a par ailleurs de particulièrement remarquable en matière d’édifices à Anvers a été présenté par Bleau et Zeiler dans leurs topographies ; le premier a notamment donné une vue très précise de la citadelle qui, du point de vue défensif, est conforme aux anciennes traditions espagnoles, mais d’une construction excellente et précieuse.

Après Anvers, sur le chemin du retour, je n’ai plus rien remarqué de notable car j’ai dû le plus souvent emprunter la même route qu’à l’aller ; j’ai cependant pu voir en Westphalie la cité épiscopale de Münster, qui ne présente au demeurant rien de remarquable. La chapelle du célèbre Bernhard von Galen est il est vrai ornée d’un tombeau en marbre noir et blanc sur lequel cet évêque est représenté agenouillé. Mais l’invention et l’ordonnance, tout comme le dessin et l’exécution, en sont médiocres et il est dommage que d’aussi bons matériaux ne soient pas tombés entre les mains d’un meilleur maître. Sur l’autel de cette chapelle, des images d’argent, elles aussi très mal dessinées, sont présentées dans une petite armoire fermée par des portes vitrées.

Pour le reste, on peut encore voir les fortifications de la citadelle ; celles de la ville sont de mauvaises fortifications hollandaises, de surcroît peu solides. La citadelle elle-même est mal entretenue et se présente comme une simple levée de terre. Cependant, à l’exception de certaines parties, il n’y a rien à redire à la disposition,

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Epitaphium Ambrosii Capelli Episcopi Antwerpensis.

[147]72{r}

raison pour laquelle j’en ai fait le tour soigneusement et l’ai dessinée ici.

Porte de la citadelle.

Porte de la ville.

Du côté des fortifications et de la ville, la citadelle est mieux fortifiée que du côté des champs ; alors que la disposition de ces derniers se prête tout à fait à une attaque du polygone A, comme on le voit dans quelques autres lieux, c’est ce côté qui est resté le plus mal fortifié. À mon avis, ceci s’explique davantage par un accident imprévu qui a interrompu les travaux que par une erreur de l’ingénieur.

[148]{72v}

Ainsi se terminent les présentes remarques ; je ne souhaite pas qu’elles soient diffusées et moins encore publiées, car je ne les ai réunies que pour mes notes privées et pour me servir d’aide-mémoire personnel.

[Figures]

[149]173

Pour obtenir le plan actuel, entièrement vérifié, de la citadelle de Naarden, j’ai compilé le plan ancien de la Topographia Circuli Burgundici de Zeiler et le nouveau plan de Suttinger dans son relevé du lever du siège de la citadelle fortifiée de Rimpler, et ajouté mes propres remarques.

Naarden.

Du côté de la Zuiderzee.

Port.

Canal vers Amsterdam.

Les États de Hollande veulent encore renforcer ces fortifications et aménager un port du côté du Zuiderzee. Lors de ma visite, leurs députés étaient justement là.

[150][151]274[152]74

Jardin.

Cour.

Cour.

Ruelle.

Vestibule donnant sur la bibliothèque.

Cour.

Boutique.

Boutique.

Passage.

Boutique.

Boutique./

Boutique.

Église.

Boutique.

Boutique.

Boutique.

Boutique.

Figure 9. Place le long de la Seine, face au Louvre
[153][154]375
[[3] [Plan schématique de la façade sur rue du couvent des Feuillantines in Paris]]
[155][156]476
Figure 10. La façade de l’église Saint-Gervais à Paris, dessinée avec toute son ordonnance selon les proportions de Goldmann.
[157][158]577

Élévation et plan de l’entrée de l’hôtel de La Vrillière, donnant sur la place des Victoires, Paris.

12 1/2 modules : l’original en comprend 15.

2 4/5 modules 1 4/5:

[159][160]678

NOM de L’HÔTEL

[161][162]779

Chapelle

3 rangées de sièges pour les hommes les uns derrière les autres / Sièges pour les hommes.

Chapelle.

Au-dessus se trouve le chœur musical.

Chapelle.

3 rangées de sièges pour les hommes les uns derrière les autres / Sièges pour les hommes.

Chapelle.

[163][164]880
[[8] [Vue de la façade sur rue de l’église de la Visitation de Sainte-Marie à Paris]]
[165][166]81

Plan dépliable

[167]82

Plan authentique du château, du jardin d’agrément et du Petit Parc de Versailles tels qu’ils se présentaient en l’année 1699, au mois de septembre.

Il existe un plan général de Versailles que l’on pourra consulter pour les parties qui manquent encore ici. Ces éléments sont dessinés à une échelle particulièrement grande parce qu’ils ne sont pas figurés clairement ni fidèlement dans ledit plan, et n’ont pas encore fait l’objet d’une gravure.

  • A. La première grille
  • B. Maisons de guet surmontées de statues assises
  • C. L’autre grille.
  • D. Terrasses où se tient la garde.
  • E. Montée vers ces terrasses.
  • F. Colonnade dorique
  • G. Fontaine
  • H. La cour intérieure avec le pavage de marbre
  • I. Terrasse derrière la maison.
  • K. & L. Le Parterre d’eau.
  • M. Bassin de Latone
  • N. Fontaine au Lion et au Sanglier
  • O. Fontaine au Chien et au Cerf
  • P. Salle de Bal
  • Q. Le marais d’eau
  • R. Le labyrinthe d’Ésope
  • S. Terrasse au-dessus de l’orangerie
  • T. Parterre devant l’orangerie
  • U. Les Trois-Fontaines
  • W. Le Théâtre d’Eau
  • X. Arc de Triomphe
  • Y. Fontaine au Dragon
  • Z. Bassin de Neptune
  • a. Promenades ouvertes
  • b.
  • c.
  • d. Salle des Antiques
  • e. Colonnade
  • f. g. Île royale.
  • h. Bassin d’Apollon
  • i. Bain d’Apollon
  • k. Fontaine de l’Encelade
  • l. Salle des Festins
  • m. Promenade fermée
  • n. Fontaine de la Renommée
  • o. Fontaine de la Pyramide
  • p. q. Allée d’Eau
  • r. Bassin de Saturne
  • s. Bassin de Flore
  • t. Bassin de Bacchus
  • u. Bassin de Cérès
[168]83
Figure 11. Plan du jardin de Marly

Principale entrée en descente

Parc

Ici un étang vient encore d’être achevé ; il est très profond.

  • a. La maison du roi avec une coupole
  • b. La chapelle
  • c. Le pavillon du Dauphin
  • d. Les offices
  • e. Nouveaux bâtiments
  • f. Pavillons
  • g. Étangs avec jets d’eau et cascades
  • h. La cascade haute qui tombe de la montagne
  • i. Allées à voûte de treillage
  • k. Allées comprenant de nombreux berceaux de verdure
  • l. Une route pavée qui va de l’entrée principale au village
  • m. Groupes de statues
  • n. Terrasses de terre avec ifs taillés

La disposition a été reproduite à l’identique mais les quantités sont indiquées de manière aléatoire car, faute de temps, il ne m’a pas été possible de les relever en détail.

dessin : 1699. Mois : septembre

NB. Les groupes ont tous été modelés uniquement en plâtre ; les autres statues ne valent pas grand-chose. Ici, et jusque beaucoup plus loin en contrebas, les travaux ne sont pas finis.

[169][170]1284
Figure 12. Élévation de l’église des Jésuites à Bruxelles avec quelques modifications dessinées sur une page.

NB. Dans ces modifications dessinées sur la page B (l’original correspond à la page A), la disposition des pilastres et colonnes a été entièrement conservée, à l’exception du demi-pilastre C qui a été ajouté : l’amélioration ne suffit pas et quelques objections importantes pourraient encore être formulées.

[171][172]1385
Figure 13. Élévation de l’église des religieuses Carmélites à Bruxelles, avec une amélioration dessinée sur une page.
[173][174]1486[175]86
[[14] [Vue de la façade sur rue de l’église Saint-Charles Borromée à Anvers avec proposition alternative de Knesebeck]]
[176][177][178][179][180][181]

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TextGrid Repository (2020). Récit de voyage de Christian Friedrich Gottlieb von dem Knesebeck, vers 1711-1713. Récit de voyage de Christian Friedrich Gottlieb von dem Knesebeck, vers 1711-1713. ARCHITRAVE. ARCHITRAVE. https://hdl.handle.net/21.11113/0000-000C-D887-8